Une décision historique pour la protection de l’environnement
La décision rendue vendredi 31 janvier par le conseil constitutionnel au sujet des dispositions contestées sur l’interdiction de produire et stocker en vue de les vendre à l’étranger des produits phytosanitaires interdits en France, introduite dans la loi Egalim, marque un nouveau jalon dans l’histoire de la protection de l’environnement. Ce qui est d’autant plus inespéré que la réglementation environnementale avait plutôt tendance à régresser ces dernières années sous les coups de boutoir de
- la remise en cause de l’obligation et de la forme des enquêtes publiques, notamment pour les ipce
- la complaisance assumée envers les multinationales destructrices de l’environnement comme Total et son huile de palme ou Vinci et ses projets autoroutiers
- l’échec de politiques publiques censément ambitieuses comme le plan écophyto, l’objectif zéro artificialisation ou le soutien à l’agriculture biologique
- la fusion calamiteuse et avec des moyens financiers en moins de plusieurs autorités administratives au sein de l’OFB, ainsi que de la privatisation programmée de l’ONF
- de la régulation croissante des activités des collectivités locales par l’augmentation non compensée de leurs compétences obligatoires, l’obligation de respecter le pacte financier et la diminution de leurs ressources propres et de la DGF.
- de la reprise des émissions des GES depuis la ratification des accords de Paris, en contradiction même avec les engagements pris.
Ce recours avait été introduit par les lobbys français des pesticides et des semences industrielles, pour lesquels il était l’amendement contesté était une première étape dans la remise en cause de leurs activités. C’est grâce aux arguments portés par les juristes de France Nature Environnement que cette décision a pu pencher en faveur de la protection de l’environnement.
Sa portée vient du fait que cette décision s’appuie sur le préambule de la charte de l’environnement – texte intégré au bloc constitutionnel en 2005 et peu usité depuis – et consacre un « objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains » qui vient limiter la liberté d’entreprendre, qui découle elle même de l’article 4 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, elle aussi de valeur constitutionnelle.
Outre le fait, abondamment souligné par la presse que cette décision permettra de mieux encadrer les futurs textes de loi en obligeant le législateur à veiller à sa portée environnementale en tant que patrimoine commun des êtres humains, cette reconnaissance constitutionnelle va elle aussi donner un sérieux coup de fouet à la réglementation locale.
En effet, les maires désireux de consolider un texte à portée environnementale mais fragile juridiquement pourront s’y référer pour le consolider par l’intégration d’un objectif de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement, que leur arrêté restreigne ou non la liberté d’entreprendre.
Sur ce dernier point, ce sera un point d’appui idéal pour les arrêtés anti-pesticides, puisque même en cas de rejet par le tribunal administratif, le renvoi en conseil d’état pourrait permettre de restaurer un texte qui, en cas de question prioritaire de constitutionnalité, pourrait être validé par les 9 sages, puisque la portée en serait la même et découlerait de leur propre arrêt.
Cette confrontation avec la constitution est d’autant plus nécessaire qu’un objectif à valeur constitutionnel n’a pas pour autant de véritable valeur constitutionnel. C’est justement par son emploi répété, son utilité et la nécessité de le consolider qu’il pourrait devenir un principe à valeur constitutionnelle, ce qui lui donnerait une légitimité indiscutable et le pouvoir de vraiment discuter la liberté d’entreprendre, qui appartient justement à ces principes.
Par conséquent cette reconnaissance n’a en soi pas de valeur absolue. C’est par sa reprise dans d’autres contextes, son emploi systématique et juridiquement étayé qu’il va gagner en force et permettre aux maires de s’en servir pour engager une transition locale qui n’a pas à ménager la croissance économique pour assurer l’adaptation au changement climatique du territoire.
Espérons, alors, une suite favorable à cette première étape !!
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