Diminuer l’impact écologique des sapins de noel
En annonçant au détour de multiples annonces sur l’urbanisme et la nécessaire végétalisation des rues, qu’il allait supprimer le sapin de Noel géant de la place Pey-Berland, le maire de Bordeaux a déclenché une levée de bouclier sans précédent. L’impact écologique du sapin de noel est pourtant assez mauvais, et pourrait largement être amélioré. Et ce sans remettre en cause la tradition de noël, ni supprimer les loisirs populaires, contrairement à ce dont il a pu être accusé.
Sommaire de l'article
Le poids du sapin de noël en France
Le sapin dans la forêt française
La forêt française est très diversifiée. Sur les quelques 16 millions d’hectare de forêt, les conifères en occupent un tiers. Ce qui représente environ 5 millions d’hectares de conifères. Ces peuplements peuvent être purs, avec une seule essence, ou mélangés. Mais le sapin n’est qu’une essence parmi une dizaine d’essences de conifères présentes en France. En réalité, il y a en a plutôt deux.
Le premier, le sapin traditionnel est l’épicéa (en réalité c’est un pin, pas un sapin). Il représente 8% des arbres français et se trouve essentiellement en Savoie, dans le Morvan et en Alsace et un peu au Massif Central. Il pousse vite, surtout en basse montagne, mais peu aussi être utilisé pour un jardin. En effet, il coupe bien le vent et son large réseau racinaire stabilise le sol.
Le second, plus récent, est le sapin de Nordmann. Plutôt adapté à la moyenne montagne, il est peu présent à l’état naturel en France. Il pousse par ailleurs assez lentement, mais résiste très bien à la sécheresse et la chaleur.
Mais en réalité, les sapins de Noël ne sont pas prélevés dans les forêts françaises. Sauf ceux qui servent à orner les places des villes, comme celui de Bordeaux ou de Strasbourg. Ils poussent dans des champs.
Un sapin d’élevage
A chaque noël, les ménages français achètent environ 6 millions de sapins. Dans ce total, 5 millions sont naturels et 4 millions poussent en France. Le million restant provient essentiellement de Belgique et surtout du Danemark. Ces sapins poussent dans des champs dédiés à cette seule culture. Le Nordmann y est majoritaire avec 73% des plantations, tandis que l’épicéa constitue les 27% restants. Cette omniprésence est due à sa supériorité esthétique. Le Nordmann résiste plus longtemps une fois coupé et perd moins d’aiguille. Bien qu’un peu plus cher, il ressemble plus à un sapin que le vrai sapin lui même…
C’est une culture de long terme, puisqu’il faut 10 ans pour faire pousser un épicéa et 15 pour un Nordmann. Cette culture occupe environ 5000 hectares en France pour 1100 salariés. Cela représente 1/6000e de la surface agricole utile, ce qui est négligeable. D’autant plus qu’une part importante de ces culture est dans des zones peu propices à la culture céréalière ou maraichère. En soi, l’impact écologique et agricole du sapin de Noël est négligeable. Cette culture ne menace pas la résilience alimentaire de la France. De plus elle permet de capter un peu de co2.
La culture du sapin est, comme de nombreuses activités agricoles, soumise à l’usage de pesticides. Qui sont justifiés par les exploitants de par les épidémies de scolytes, elles mêmes facilitées par le changement climatique. Ce n’est pas idéal, mais des plantation en bio apparaissent depuis quelques années pour proposer une alternative.
A l’inverse, le sapin synthétique reste marginal avec 1 million d’unités vendues en France. Ce sapin de Noel a un impact écologique beaucoup plus lourd, de l’ordre de 50 kg de co2 par unité. Il faudrait ainsi 20 ans d’usage pour qu’il soit meilleur que le sapin naturel. Or ils ne sont pas conçus pour durer aussi longtemps…
La tradition du sapin
Pourtant, le sapin n’est pas vraiment une tradition française de Noel. Cette habitude a commencé en Alsace à la fin du Moyen-Age et s’est diffusée en France avec l’exode des allemands souhaitant rester français après 1870. D’ailleurs, en dehors des communautés alsaciennes, peu de gens le font. C’est grâce à leur migration en Amérique que les choses s’accélèrent. En effet, en associant son image à la tradition de Noël, Coca Cola en reprend plusieurs éléments et notamment celui du sapin. Ainsi, c’est par le biais de la publicité américaine, notamment dans les années 50, que l’idée d’avoir un sapin pour Noël se démocratise dans les foyers français.
Alors certes, pour les Alsaciens et une partie des Lorrains, c’est une tradition ancienne et bien ancrée. Mais pour le reste de la population, c’est la conséquence d’un martelage publicitaire efficace. Une réappropriation de la culture américaine grâce aux spots TV et aux affiches vantant un soda aujourd’hui tant décrié.
D’ailleurs, vu qu’il se vend 5 millions de sapins jetables et que les artificiels ont une durée de vie moyenne de 3 ans, on peut douter du véritable ancrage de cette tradition Sur 3 ans, seuls 7 millions de ménages achètent un sapin de noel, soit un quart de la population française. Hormis les ménages avec enfants, la tradition ne doit guère être respectée donc.
Les impacts écologiques du sapin
Un déchet pas comme les autres
Comme tout objet jetable, une grosse partie de l’impact du sapin réside dans sa fin de vie. C’est à dire sa collecte et son traitement en tant que déchet. Les choses s’organisent de mieux en mieux grâce aux collectivités mettant des bennes en janvier ou organisant des collectes, mais ce n’est pas optimal. Bien que ce système réduise les dépôts sauvages, il tend à invisibiliser le traitement du sapin.
Quand il est synthétique, c’est assez simple, il est soit enfoui ( de moins en moins), soit incinéré. Le sapin de noel artificiel a donc toujours un mauvais impact écologique sur sa fin de vie, puisqu’aucun recyclage n’est possible. Quand il est naturel, ça se complique.
Depuis la benne, le bon sens voudrait que le sapin soit broyé puis composté. Une tonne de sapin permet d’obtenir 400kg d’un compost certes un peu acide, mais néanmoins utile en agriculture et gestion des espaces verts. Et même en broyat il peut déjà servir pour une couverture de paillis efficace contre les gelées. Mais ça c’est dans le meilleur des cas. Le sapin ne devrait pas simplement être envoyé vers les déchetteries.
La pollution de l’air
De nombreuses collectivités ne veulent pas payer le coût exorbitant de traitement de ces déchets verts. Prenant beaucoup de place dans les bennes, ils les remplissent vite, ce qui explose les coûts. De ce fait, elles préfèrent organiser un feu de joie avec ces sapins, en transformant ça en événement populaire de début d’année. L’Ademe estime que 10% des déchets verts produits par les particuliers sont ainsi brûlés.
Or, l’incinération à l’air libre des sapins crée une énorme pollution de l’air. Selon l’Ademe, brûler 50 kilos de sapin équivaut à rouler 13 000 kilomètres avec une voiture diesel, soit un an de trajet d’un français. Or avec un poids moyen de 20kg pour un sapin, ça peut monter très vite dans une petite commune si chacun apporte son sapin à la flambée. Les dioxines, dérivés de l’azote et particules fines dégagées à cette occasion vont être très néfastes pour les personnes âgées et asthmatiques. Et en fonction du temps, elles peuvent rester plusieurs jours dans l’air de la commune.
D’ailleurs incinérer des déchets verts est puni par la loi d’une amende de 450€. Des exceptions sont prévues si la collectivité ne dispose pas de déchetterie, mais ce cas de figure est de plus en plus rare. Le fait qu’une collectivité l’organise ne signifie pas que cet événement respecte la loi.
Le symbole d’une société du tout jetable
Le véritable impact écologique négatif du sapin de Noël réside peut être dans sa perpétuation d’un modèle de société prédateur. Faire pousser un arbre pendant 15 ans et le couper pour s’en servir quinze jours, c’est du gaspillage. Tout comme couper un arbre pour fabriquer des cure-dents, des publicités et des cagettes en est un autre. De nombreux objets en bois du quotidien ont une durée d’usage trop faible pour que leur usage soit légitime et résiste à la transition écologique de nos modes de vie.
Mais parmi tous ceux là, le sapin est vraiment emblématique. Il associe la fête au gaspillage des ressources. Comme si la convivialité, la solidarité et le partage ne pouvaient s’exprimer qu’à travers la mort et l’utilisation éphémère.
Des sapins jetables qui pèsent chers dans nos modes de vie. A l’heure où nous devons baisser notre budget carbone d’un facteur 6, ce sont des émissions carbones dont nous pourrions nous passer. Avec les 5 millions de sapins naturels peu émetteurs et le million de synthétique jeté au bout de 3 ans mais très émetteurs, nous atteignons un bilan carbone du sapin de Noël français de l’ordre de 40 000 tonnes de co2. C’est faible, à peine la consommation de 4000 personnes, mais ce peut être une source d’économie parmi d’autres. Car il faudra réduire dans tous les domaines, rendre plus durables, se passer du superflu, optimiser au maximum. Le sapin de Noël jetable a un impact écologique trop fort pour être compatible avec la neutralité carbone.
Soutenez Solutions Locales sur TipeeeLes alternatives possibles
Une stratégie locale de traitement des déchets du sapin
L’amélioration de la gestion du sapin pourrait passer par son intégration dans un cadre territorial visant à développer la résilience. En effet le sapin ne doit pas être considéré comme un déchet, mais comme une matière première pouvant alimenter de nombreuses filières. Tout comme sur l’illustration ci-dessous; où il permet de faire un compost grossier qui convient pour la couverture des champs, le sapin de Noël peut diminuer son impact écologique en diversifiant ses débouchés.
Car le sapin a de nombreuses vertus. Son bois, légèrement acide, peut être broyée pour servir au jardin. Mélangé avec du broyat de feuillu, il servira ainsi à pailler les espaces verts, à structurer le compost ou même à absorber l’humidité pour pouvoir continuer à cultiver son potager. Dans cet optique, et afin de garantir un traitement vraiment local, la municipalité pourrait organiser la mutualisation de broyeurs à l’échelle d’un quartier par exemple.
Les aiguilles elles aussi sont utiles. Leurs vertus antibactériennes sont idéales pour fabriquer des produits ménagers. De même, leur odeur agrémentera les bougies, savons, voire sirops, infusions et plats mijotés. Les aiguilles sont aussi un allié pour l’entretien du jardin, puisque semé autour du potager, elles contribuent à repousser les parasites, tandis que semées dans le jardin en paillis, elles limitent la pousse d’adventices. Le sapin peut ainsi contribuer par de nombreuses manières à l’activité des producteurs et artisans de votre territoire.
Donner la priorité aux sapins durables
Le meilleur sapin est celui qui ne devient pas un déchet. Le fait même que le sapin de Noël soit conçu pour être jeté pèse dans son impact écologique. S’il devient conçu pour être réutilisé, cet impact diminuera d’autant.
Ainsi, les villes pourraient opter pour des sapins en pleine terre ou à défaut dans de grands pots. Ce n’est pas toujours une solution facile, mais elle offre aussi des avantages. Un sapin ne peut pas être replanté passé un certain âge, ce qui signifie qu’il commencera petit et mettra une vingtaine d’années minimum pour atteindre une taille correcte. Pour autant, cela participe à la stratégie municipale de préservation des espaces naturels.
L’usage de sapins en pots pourrait également permettre de réduire une partie du problème. En effet, bien traités – arrosage régulier, éloignement des sources de chaleur et usage restreint dans le temps – ces sapins peuvent être replantés après chaque période de Noël et servir d’une année sur l’autre sans en souffrir. Il faut prévoir une transition de quelques jours pour les réhabituer au froid, mais cette technique ne pose pas de problème. Eventuellement, certains sapins peuvent même se conserver en pot, de sorte qu’ils ne grandiront plus. Ce peut être une bonne solution pour les personnes ne disposant pas d’un jardin chez elles. Pour les grands sapins en pot de la ville, cette technique permet de décorer des quartiers peu verdoyants, de créer des sapins collectifs dans des quartiers où les autres solutions sont compliquées.
Dans cette optique, des discussions avec les producteurs locaux pourraient nous apprendre pourquoi ils ne proposent pas cette option et comment les convaincre d’y recourir plus souvent. Tout en considérant que le sapin en pot est plus onéreux et suppose un espace approprié pour le replanter ou le stocker par la suite, et ne peut donc pas être la solution à toutes les situations individuelles
Par ailleurs, idéalement, pour les sapins jetables, il devrait pousser localement. L’impact du transport dans le faible bilan carbone du sapin naturel est prépondérant. C’est une source globalement marginale mais individuellement forte qui peut encore être optimisée.
Imaginer des sapins alternatifs
Et si le meilleur sapin était celui qui n’existait pas ? Les exemples de sapins do it yourself conçus à partir d’objets du quotidien ou de récupération ne manquent pas. Vous pourriez ainsi fabriquer un sapin en palette ou encore avec des livres. Papier recyclé, pots de yaourt, boites de conserve, de nombreux déchets pourraient également se prêter à cette activité. Dès lors, cela devient un atelier ludique idéal pour les enfants, pour leur apprendre à s’amuser avec ce qu’ils possèdent déjà, sans aller l’acheter.
Ce peut même être l’occasion pour la mairie de lancer un concours des plus beaux sapins DIY, des plus originaux. Ce qui devient alors une belle occasion pour toute la commune de réfléchir à des noël alternatifs, de comprendre que c’est possible, durable, convivial et pourtant traditionnel.
Et si vous souhaitez une alternative entre le sapin virtuel et le sapin jetable, sans avoir la place pour un sapin en pot, vous pourriez envisager la piste du sapin de table.
Réglementer la vente de sapins
Pour se lancer dans cette transition vers des sapins de Noël à l’impact écologique maitrisé, les municipalité disposent de plusieurs outils.
D’une part, elles ont un rôle évident de structuration des filières de par leurs commandes publiques. Si les communes n’achètent plus de sapins jetables pour décorer leurs rues, cela aura un impact sur le marché. Leur poids en sera d’autant plus fort si dans le même temps elles recourent à des sapins durables alternatifs, puisqu’elles enverront un signal d’exemplarité aux habitants et entreprises.
Car le second axe est l’accompagnement à ce changement. Les producteurs peuvent être aidés, mais ce sont les ménages et entreprises qui doivent être encouragé-e-s dans ce changement d’habitude. La mise en valeur des initiatives exemplaires, l’organisation d’atelier, des reportages dans les médias municipaux sont autant d’outils pour inculquer ces nouvelles habitudes culturelles.
Mais si ça ne suffit pas, la commune dispose de l’outil réglementaire. De nombreux revendeurs de sapins jetables occupent l’espace public au mois de décembre. Il pourrait ne plus leur être concédé tant qu’ils n’ont pas changé leurs pratiques. De même, si l’incitation et le soutien des producteurs locaux, horticulteurs et grandes surfaces ne suffisent pas, la mairie peut en interdire la vente, arguant du problème posé par leur gestion en tant que déchet.
Conclusion
Les nuisances climatiques et environnementales du sapin de Noël, aussi faibles soient elles par rapport à d’autres problèmes, peuvent être évitées et prévenues. De toute manière, avec le changement climatique et l’impact conjugué de la sécheresse et des plus fortes chaleurs, la culture du sapin se compliquera dans les années à venir. Pour préserver la tradition du sapin de Noël, sans causer d’impact écologique excessif, il devient donc nécessaire de réfléchir à de nouvelles solutions.
L’intégration du sapin, quand il meurt ou reste jetable, dans une stratégie locale de gestion est une première solution. Mais il serait plus efficace de réfléchir au sapin comme arbre permanent au sein de l’espace urbain. Ce peut même être un symbole qui n’a pas besoin de se matérialiser réellement.
Il est même possible d’aller plus loin et de ne pas se contenter uniquement du sapin de Noël, mais de l’impact écologique des fêtes de Noël en général. Cet article vous donnera des pistes pour ce faire. Et vous, quelles sont vos idées pour améliorer l’empreinte carbone des fêtes de fin d’année ?
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