Réduire l’impact écologique du textile

Le sujet de l’impact écologique du secteur textile peine à émerger dans le débat public. Pourtant, à l’heure de la prise de conscience globale de la pollution et du réchauffement climatique, toutes les industries doivent être évaluées. Et dans cette perspective, le bilan n’est pas bon du tout. S’habiller détruit l’environnement bien plus qu’on ne souhaiterait l’imaginer.

Naturellement, il ne s’agit pas de dire que nous devrions vivre nus ou avec des haillons. L’intention de cet article est de souligner la nature multiple de l’impact écologique du secteur textile. A travers cet exposé, et en le rapportant à la nécessaire transformation de notre mode de vie, des solutions pourraient être envisagées. Car nous pouvons nous habiller de manière durable, avec élégance, soin et propreté.

Les nuisances environnementales de la fabrication de vêtements

La plupart des informations de ce chapitre proviennent de ce rapport de l’ademe. Ce rapport de France Nature environnement a apporté également de nombreux détails complémentaires.

L’impact climatique du textile

Dans la lutte contre le changement climatique, le secteur du textile est responsable d’environ 3% des émissions mondiales. En effet, les quelques 100 millions de pièces textiles produites chaque année représentent 1.2Mds de tonnes de co2.

L’Ademe consacre un rapport à l’analyse de plusieurs types de bien, dont le textile. Cette analyse, d’où est tirée le tableau ci-dessous, montre bien l’impact de chaque étape de vie. En premier lieu, c’est la mise en forme qui a le plus lourd impact, suivie par la production, et enfin le transport. Le gaspillage de matière est aussi à prendre en compte, estimé à 10% lors de l’assemblage. Tout comme le gaspillage alimentaire, c’est une source de surproduction sur laquelle nous pouvons agir.

En effet la mise en forme concentre plusieurs étapes indispensables et très consommatrices. Il y a l’encollage des fibres, le tissage de la toile, sa teinture (toile et fil), la fabrication des matières synthétiques (viscose, polyester, etc.) voire des options esthétiques comme l’impression ou le délavage. Ces techniques sont énergivores de par la fabrication des produits nécessaires, mais aussi à cause du lieu de production. Généralement situés en Asie du Sud-Est, ce sont des pays où l’énergie est fortement charbonnée, ce qui rend impacte directement l’usage des machines.

L’ademe admet pourtant que certains postes de dépense sont sous évalués par absence de données ou choix. Par exemple, elle considère que la plupart de la mise en forme se fait au même endroit, ce qui diminue l’impact du transport. Pour les textiles en cuir, l’élevage de l’animal n’est pas pris en compte dans le calcul, seulement le tannage du cuir.

L’épuisement des ressources naturelles

Mais ce n’est pas le seul impact écologique du textile. Cette étude revient aussi sur le sujet de l’épuisement des ressources naturelles. En l’occurrence il s’agit essentiellement de la consommation d’hydrocarbures. Ceux ci interviennent non seulement dans la composition des matières synthétiques, mais aussi dans le transport des produits.

C’est pourquoi la distribution acquiert un rôle aussi important dans le périmètre de cette consommation. L‘Ademe prend ainsi pour hypothèse un trajet moyen de 20 000 km pour la fabrication d’un vêtement. Cette distance correspond à un aller retour entre l’Europe et l’Asie du sud est. En effet, si le coton pousse plutôt en Chine ou en Inde, d’autres produits peuvent être fabriqués en Europe et intervenir dans l’assemblage en Asie. Et ce sans compter tous les petits trajets entre les différents fournisseurs asiatiques.

Cette usage de matières premières se révèle aussi dans l’usage des matériaux en général par matières. Encore une fois, ce sont les matières énergétiques qui prédominent, charbon et gaz naturel en tête. La teinture est elle aussi fortement consommatrice, même si cela ne se voit guère tant les quantités restes minimes par rapport à l’énergie. Ponctuellement, selon les produits, d’autres minerais peuvent intervenir dans la fabrication du textile.

Dans une perspective de raréfaction prévisible des ressources minérales et énergétiques, cette dépendance est inquiétante. le secteur textile est trop gourmand en ressource par rapport au poids de ses produits. Par exemple, une chemise en coton demande 79 fois plus de ressources que son propre poids. C’est l’une des pires situations, un Tshirt n’ayant un ratio que de 60, tandis qu’il est de 14 pour des chaussures en cuir.

Le secteur textile en concurrence avec l’agriculture

Le secteur du textile consomme également énormément d’eau. Il serait même le 3e plus gros consommateur derrière la culture de blé et de riz. Ce qui représentent environ 4% de l’eau potable disponible dans le monde. L’eau sert naturellement à la production, pour faire pousser les fibres et fabriquer les produits chimiques notamment. Le coton, qui représente les deux tiers des fibres utilisées, demande ainsi de 15000 à 25000 litres d’eau par kilo. Mais l’impact écologique du textile sur l’eau vient essentiellement de l’entretien. 80% de la consommation d’eau des vêtements viendraient en effet de leur lavage. Une machine à laver utiliserait de 40 à 80 litres d’eau selon le programme et l’appareil choisi.

Or, alors que l’eau vient à manquer du fait des changements climatiques, cet impact n’est plus négligeable. Le taux de sécheresse en France a triplé en 50 ans, passant de 5 à 15% du territoire. Cette pénurie régulière d’eau conduit à un conflit entre les usages. L’eau sert à peu près de manière équivalente aux besoins individuels, industriels et agricoles. Pourtant, certains de ces besoins priment sur d’autres, comme nous pouvons le constater depuis quelques années, quand des champs meurent sur pied, faute d’arrosage suffisant.

Ce phénomène se voit par ailleurs amplifié par la pollution de l’eau. Nous parlerons ici d’eutrophisation essentiellement. Ce terme désigne l’accumulation de nutriment dans un milieu ou habitat naturel, conduisant à une forte croissance des plantes. La cause est essentiellement liée à la production des fibres textiles, notamment le coton, très demandeur d’engrais. De même les fibres animales voient leur impact liée aux besoins en élevage d’animaux. Cette eutrophisation, outre ses effets catastrophiques sur la santé de l’eau et sur les littoraux, nécessite aussi de renforcer le traitement de l’eau pour la rendre potable. Pour autant, hormis les impacts sur l’élevage, cette pollution concerne assez peu la France. D’autant que la plupart des fibres cultivées localement, le lin notamment, demandent peu d’eau et d’engrais.

Par ailleurs, suite à leur lavage, les vêtements en fibres synthétiques relâcheraient jusqu’à 500 000 tonnes de microparticule dans les océans chaque année. C’est l’équivalent de 50 milliards de bouteilles plastiques. Autant dire que cette pollution invisible est bien plus dangereuse que les autres déchets plastiques. Si le synthétique demande moins d’eau pour la conception du textile, ses nuisances se révèlent vraiment lors de l’usage du textile. Cette récente étude montrerait que le volume total de microplastiques s’élèverait à 5.6 millions de tonnes, moitié dans les océans, moitié dans les lacs et cours d’eau.

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L’impact social de la production textile

Les conditions de travail des ouvrier-e-s du textile ont longtemps été un angle mort de la question textile. Nous avons tous en tête cette image d’épinal des chinois entassés dans des ateliers clandestins du Marais pour produire des pantalons. Mais ce cliché, quoique réel, ne correspond pas à la véritable ampleur de la situation. Par malheur, c’est à l’occasion d’une catastrophe que le sujet est revenu sur la table. C’est en effet avec l’effondrement du Rana Plaza en avril 2013, et ses 1127 morts, que nous avons tous découvert la face obscure du prêt à porter.

Femmes, migrants et enfants sont ainsi surexploités dans des conditions indignes. Bas salaire, édifice dangereux, produits toxiques manipulés sans protection, heures supplémentaires, cadences infernales, etc. Tout cela rappelle l’âge sombre de l’industrie en Europe vers la fin du XIXème siècle. Les rapports des ONG se multiplient pour dénoncer la situation, mais rien ne change. Les grandes marques en profitent pour faire du greenwashing d’engagements qu’elles ne respectent pas.

Quelques labels pouyr s’y repérer

En France, le collectif Ethique sur l’étiquette participe à la prise de conscience du sujet et à l’amélioration de la règlementation. La mise en place de labels garantissant les bonnes condition de travail dans les usines est ainsi un début de solution pour sélectionner le textile équitable. L’Ademe a fait un récapitulatif des différents labels. Tous les labels ne sa valent pas, notamment le BCI, massivement utilisé par l’industrie pour faire du greenwashing…

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La consommation des français en question

Au sein de l’empreinte carbone moyenne des français, le textile n’est pas le secteur avec le pire impact écologique. C’est néanmoins l’un de ceux sur lesquels il pourrait être le plus facile d’agir sans transformation radicale de notre existence.

En effet, la plupart des autres postes supposent de lourdes transformations collectives ou des sacrifices individuels. Construire plus de voies ferrés et de tramways pour diminuer la part modale de la voiture. Il faudrait rénover massivement les logements et produire de l’énergie renouvelable. Deux réformes pour lesquelles les investissements seront énormes. La suppression de la viande ou des voyages en avion relève plutôt du sacrifice personnel. La subvention à la rénovation et la réduction de l’impact des services publics sont d’autres solutions prometteuses, mais échappant aux individus.

Au contraire, l’habillement est un acte individuel ou familial. On choisit ses propres vêtements et ceux de ses enfants. Le choix des marques et des matières a là aussi un effet direct sur les impacts. Il parait plus facile de faire apparaître la régulation de la consommation textile comme un écogeste efficace. Ce chiffre moyen de 800 kg de co2 pour le textile correspond, d’après France Nature Environnement, à l’achat neuf de 40 pièces textiles chaque année. Il faut considérer qu’une paire de chaussette vaut une pièce, tout comme un manteau. C’est donc un calcul compliqué.

Pourtant, c’est un poste de dépense écologique qui reste assez largement ignoré jusque là. C’est dommage car la question de l’impact écologique du textile est reliée à celle de la délocalisation des nuisances, de la désindustrialisation de la France et donc de l’invisibilisation de notre consommation.

Comment expliquer ce chiffre

Car qui achète vraiment 40 pièces de vêtement par an ? Dans mon cas personnel, j’amortis un manteau et un anorak sur 3/4 ans. Mes chaussures durent au moins deux ans généralement, mais j’ai 4 paires selon les usages (sport, travail, randonnée, détente). J’achète 3 chemises, pantalons, tshirts et pulls par an, parfois une veste. Il faut rajouter des sous vêtements et je dois arriver à 25 pièces environ. C’est beaucoup et peu à la fois.

Je ne reprise jamais mes chaussettes ni mes caleçons, donc ils ne durent pas plus de 2/3 ans. Je prends soin au lavage de mes vêtements, soigne les cols et les couleurs, mais fatalement, au bout de 2/3 ans, la forme s’estompe, la teinture se délave et les vêtements sont moins seyants.

En la matière, il faut critiquer ce que nous appelons le prêt à porter. La confection en grande quantité et à bas prix de textiles a un impact qui n’est pas seulement écologique. Ces vêtements sont moins adaptés, moins résistants. C’est pourquoi, vu leur coût modeste, nous pouvons les remplacer rapidement par d’autres qui nous vont mieux, qui sont au goût du jour, sont neufs. De là nous en arrivons à la fast fashion, qui désigne cette tendance à acheter beaucoup de vêtements très peu chers, à les porter très peu et les jeter encore plus vite.

Une tendance popularisée par des chaines pour femmes comme Zara ou H&M, voire Primark. Les robes et hauts coûtent une quinzaine d’euros maximum, et des nouvelles collections arrivent en permanence. Ainsi l’envie d’acheter est alimentée par les faibles prix et la nouveauté, poussant à acheter toujours plus pour paraître constamment habillée différemment. C’est un mécanisme d’imitation de la consommation somptuaire des ménages les plus aisés. Car en matière d’habillement, nous ne pouvons oublier le poids des plus riches.

De la nécessité de lier consommation et richesse des ménages

Cette question pourrait en effet être traitée de manière plus appropriée sous l’angle socio-économique. En effet, c’est par cette analyse que l’on perçoit mieux les inégalités dans l’empreinte carbone des ménages. Le graphique ci-dessous représente l’empreinte carbone du premier centile et décile de l’union européenne, comparé à d’autres catégories socioéconomiques plus larges. Il s’agit donc des ménages les plus riches en Europe. Nous partons de l’hypothèse qu’ils représentent leur équivalent en France. Attention, le graphique précédent parlait des individus, ici ce sont les ménages. (2.2 personnes en moyenne par ménage)

Les chiffres sont clairs. Le 1% émet 5 tonnes de co2 par an pour s’habiller, quand le 1er décile est plutôt à 2.5/3 tonnes. La classe moyenne européenne, qui doit correspondre à une large fraction de la population française, tourne vraiment autour des 1%. C’est un fait déjà avéré que les riches nuisent plus à l’environnement que les pauvres. Ils prennent plus l’avion, roulent plus, chauffent des maisons plus grandes, etc.

Mais ils achètent aussi plus de vêtements. Cela va des robes de haute couture à l’impact démesuré car nécessitant des tissus très fins, aux pièces en soie, aux chaussures en cuir, aux manteaux, etc. Les riches peuvent acheter plus et changer plus fréquemment sans avoir à se soucier de l’entretien. C’est une différence à considérer également.

Quelques solutions pour améliorer l’impact des habits

La diminution de l’impact écologique du secteur textile passe essentiellement par des efforts sur l’écoconception des vêtements d’une part, et sur un changement de comportement des consommateurs d’autre part. Mais puisque le législateur agit assez peu en la matière, c’est aux collectivités de s’emparer du sujet.

Favoriser le réemploi et la réparation

L’un des meilleurs moyens d’améliorer l’impact écologique du textile est d’en intensifier l’usage. Un vêtement ou un drap qui dure plus longtemps a un amortissement environnemental et financier plus long. Cela permet donc d’en acheter de meilleure qualité pour le garder plus longtemps. L’inconvénient est qu’il n’est guère possible de deviner à l’avance la résister du textile. Il n’existe aucune norme en la matière, pas de label pour l’évaluer, et les marques ne communiquent pas sur cet aspect des choses.

Cela passera donc avant tout par la réparation, mais aussi l’achat de seconde main. En matière de réparation, force est de constater que le savoir faire se perd. Nous reprisons de moins en moins, et les merceries ne sont pas des magasins à la mode. Pourtant, récemment, avec l’essor des repair café, ce sujet est revenu à l’actualité. Il ne s’agit en effet pas uniquement de réparer l’électronique, il peut s’agir aussi de mettre des machines à coudre à disposition pour en enseigner la manipulation, voire aider à de petits travaux. Et avec youtube et les réseaux sociaux, nous ne sommes plus qu’à deux clics de tutoriels et de conseils avisés pour se lancer soi même en couture. Et sinon, les professionnels locaux de la couture seront heureux de vous aider.

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Contrairement à ce qu’on pourrait penser, tous les achats de seconde main ne se valent pas. Par exemple, la plateforme en ligne Vinted est un contre exemple en la matière. Elle alimente en effet la fast fashion en permettant la revente des collections pour financer l’achat de nouvelles pièces, au prix en sus d’un transport postal assez gourmand en énergie. Pour la seconde main, il vaut mieux regarder dans les dépôts ventes et friperies du coin, voire les magasins solidaires comme emmaus ou oxfam. Ce n’est néanmoins pas une solution adaptée pour tout le monde. Par exemple, l’auteur est trop grand pour trouver de vêtements à sa taille dans ce genre de lieu, sauf coup de chance, alors à son goût…

Sinon, il existe aussi la possibilité de la location. Plutôt que d’acheter un smoking qui sera trop petit pour le prochain usage, vous pourriez le louer ! Et même soyons fous, nous pourrions faire des trocs party de vêtements.

La filière re-fashion explique son fonctionnement

En matière de réemploi, la filière dominante est celle de la collecte des textiles en point d’apport volontaire. Le Relais est la filière principale, mais il existe d’autres entreprises. C’est un secteur qui n’a pas encore atteint son plein potentiel de développement. En effet, l’Ademe estime que 40% seulement des textiles achetés en France chaque année sont correctement triés. Entre ceux qui finissent aux ordures ménagères ou en déchetterie, voire sont triés mais sans sac de protection, les pertes restes énormes. C’est d’autant plus dommage qu’il s’agit d’un gisement importants d’emplois locaux, qui permet en plus des réemplois intéressants pour la transition écologique (revente, isolation, papier, etc.)

Dans la foulée de la réparation, il pourrait être pertinent aussi d’apprendre à fabriquer soi même. Là aussi, ce sont des cafés tricots qui apparaissent désormais dans les événements des centre socioculturels ou de bars. Il s’agit vraiment d’une transmission, généralement gratuite, de technique de tricot, mais aussi d’un club pour pratiquant qui veulent se retrouver ensemble et progresser collectivement dans leur pratique. C’est une animation facile à mettre en place, lors de laquelle du matériel pour débuter peut être fourni.

Adapter le lavage

Enfin un dernier aspect de l’amélioration des pratiques concerne l’entretien du textile. Ce point est vraiment important, puisque la lessive est source de consommation d’eau, mais aussi de pollution.

L’un des plus gros problème du lavage vient donc des microparticules de plastique qui sont rejetées à cette occasion. N’étant pas forcément filtrées dans les stations d’épuration, elles finissent dans les cours d’eau et polluent l’eau, tuent les animaux marins, etc. C’est un problème dont le législateur a conscience, mais pour lequel il n’agit pas vraiment. En effet, il n’y a pas d’obligation de vendre les machines neuves avec un filtre avant 2025 ! Un bonus écologique est néanmoins prévu pour les constructeurs proposant des machines adaptés avant cette date. En attendant, des solutions émergent comme des filtres réutilisables et recyclables.

L’usage même de la lessive en est un autre. L’Ademe estime dans ce rapport que les ménages français utilisent 40 litres de lessive par an. Or, la plupart des lessives industrielles contiennent de nombreux produits chimiques qui polluent les milieux marins. L’agence recommande ainsi de privilégier systématiquement les lessives avec un label écologique. Faire sa lessive soi même, notamment à base de bicarbonate de soude et de savon de marseille, voire avec de la cendre ou du lierre, peut être intéressant. Néanmoins ces recettes préservent mal le linge.

De nombreuses bonnes habitudes permettent par ailleurs d’atténuer l’impact écologique du lavage de votre textile. Ce pourrait être de maximiser le remplissage du tambour, préférer le mode éco (plus long mais l’essentiel de l’électricité sert à chauffer l’eau, donc vous économisez de l’énergie), mettre moins de lessive, ajoutez du vinaigre dans l’adoucissant pour détartrer, etc. Il est également possible d’acheter des balles de lavage, qui permettent de réduire la quantité de lessive nécessaire.

Bientôt l’endroit cool de votre village ?

D’ailleurs, en vue de redynamiser la solidarité locale, une solution intéressante pourrait être de relancer les laveries. En effet, l’introduction de la machine à laver à eu un effet pervers imprévisible. Jusqu’alors, les femmes (sic) se retrouvaient au lavoir pour laver le linge, ce qui en faisait un lieu de sociabilité, d’entraide et de développement de la sororité. Avec la machine à laver, ces femmes n’avaient plus d’excuse ni de lieu pour sortir et se réunir, ce qui a cassé les liens entre elles. Ce faisant, il ne s’agit pas de défendre l’image d’Epinal du lavoir, c’est une technique harassante qui devrait rester un souvenir. C’est vraiment l’individualisation du lavage qui est en soi un problème. L’Ademe estime d’ailleurs que les ménages français utilisent 3.5 fois par semaine leur lave linge. En partant sur des cycles de 1h, une machine pourrait facilement servir à 20 ou 30 familles.

Or, la remise en place de lieu de lavage collectif pourrait répondre à plusieurs problèmes d’une communauté en résilience. C’est notamment le point de vue développé dans le recueil Bâtir autrement, qui imagine la vie d’une société française post-effondrement. D’abord, cela revient à rouvrir un lieu collectif, qui peut être adossé à un bar, un centre socioculturel ou toute autre structure collective, pour en faire un lieu de vie, de partage, d’interaction sociale. Ensuite c’est une occasion de mutualiser du matériel, ce qui peut être l’occasion d’investir dans des machines plus robustes ou plus efficaces et qui consommerons donc moins de ressources (pour fabriquer les machines, pour les alimenter en énergie et en eau). Enfin c’est justement l’endroit idéal pour partager les bonnes pratiques, les astuces d’entretien, les écogestes, etc. D’ailleurs l’optimisation de l’usage des machines pourrait aussi se traduire par des emplois supplémentaires pour gérer le linge.

Préférer des fibres moins gourmandes

Nous l’avons vu, le coton est une plante dont la culture endommage considérablement l’environnement. Il faut par exemple se rappeler qu’un t-shirt en coton demande autant d’eau qu’un français pendant environ un mois. Nous devons donc lui envisager des alternatives pour le remplacer.

L’inconvénient du coton, c’est qu’il pousse assez mal en France, les conditions météorologiques n’étant pas idéales. Et avec la baisse prévisible de la production d’hydrocarbure, cela laisse peu de possibilité de production de fibres en France. A moins que l’industrie textile française ne revienne vers le lin, dont la France est le 1er producteur mondial. 100 000 hectares lui sont ainsi dévolus, mais tout part à l’étranger pour devenir du tissu.

Le lin possède en effet de nombreuses vertus pouvant réduire l’impact écologique du secteur textile. Il demande moins d’eau pour sa culture (pas d’irrigation), résiste naturellement aux parasites et ne supporte pas les engrais, ce qui limite son impact sur les espaces naturels. Par ailleurs, il demande également moins d’énergie pour son tissage et son assemblage, n’a pas besoin de produits chimiques pour sa préparation et s’entretient mieux. Enfin, toute la plante est utile, puisque la tige peut servir de paille et les graines être transformées en huile. Par contre le lin ne peut être cultivé sur une parcelle que tous les 7 ans, afin d’éviter la propagation de champignons pathogènes. De la sorte, il s’inscrit idéalement dans le cadre d’une rotation des cultures, contrairement au coton.

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Car si le coton s’est imposé, c’est parce que celui-ci est moins cher, supporte mieux la teinture et a un aspect plus doux. Les avantages du cotons induisent son usage dans une production massive, standardisée et exploitant la nature. A l’inverse, la culture du lin respecte l’environnement, mais au prix d’une fibre moins facile à utiliser. En outre, d’autres fibres locales pourraient être utilisées à l’instar du chanvre ou de l’ortie. Elles restent néanmoins moins intéressantes que le lin, mais peuvent répondre à d’autres usages.

Relocaliser la production de matières premières et le tissage

Vu que le transport et l’énergie fortement carbonée ont un fort impact écologique pour la production textile, le rapatriement en France pourrait être une solution. Or comme nous l’avons vu, il s’agit aussi de s’intéresser à la question de la culture des fibres. Puisque le coton n’est guère pertinent en France, et que nous sommes déjà le premier de producteur de lin, la question elle est vite répondue.

Relocaliser la mise en forme du lin n’a pourtant rien d’évident. En effet, le lin est massivement exporté vers la Chine, où il est filé et assemblé. Ce n’est que depuis quelques années que des ateliers textiles tentent de réouvrir des filatures de lin en France, comme à Mulhouse par exemple. Des tentatives compliquées, car le volume de production n’est pas encore suffisant pour rendre l’opération rentable. C’est néanmoins possible, et nous maitrisons à la fois la production de la fibre et le savoir faire pour son tissage.

Cette perspective de relocalisation de la production textile est intéressante en matière d’économie locale. Il faut beaucoup de main d’oeuvre, avec un besoin en formation par la transmission d’expérience. C’est donc quelque chose qui peut se faire en milieu rural.

Par ailleurs, même en rapatriant une industrie, cela n’aggraverait pas l’empreinte carbone nationale puisque le lin est justement moins énergivore que le coton. Le véritable inconvénient, comme toute la politique de réindustrialisation inhérente à la résilience, est à chercher du côté de la production d’énergie. Si nous voulons rouvrir des filatures et des usines en France, il va falloir augmenter encore la production d’électricité, ce qui n’est pas sans poser de questions dans la perspective d’une transition énergétique basée sur la sobriété et les renouvelables. Cela sera une décision à prendre de manière collective.

Pour autant, avec cette piste du rapatriement, sans rien changer à la consommation moyenne de textile, l’impact écologique pourrait déjà diminuer d’au moins un tiers de l’empreinte carbone.

Mettre en place un quota carbone d’achat neuf

Comme toute mesure écologique d’interdiction, elle serait forcément impopulaire quoique nécessaire. Pourtant, pour réduire d’un facteur au moins 6 nos émissions carbones, il faudra restreindre certaines possibilités. La question à résoudre est celle de la nature du quota. Faut il limiter par rapport au co2 ou au nombre de pièces vendues. La solution est sans doute un mélange des deux. Ce pourrait en tout cas être un bon moyen de réduire l’achat neuf et de favoriser le seconde main, à condition qu’il ne s’agisse pas d’un système vicieux comme vinted, dont les inconvénients sont supérieurs aux avantages.

Cette diminution peut aussi être progressive pour échelonner l’effort et faciliter la transition. 400 kg de co2 pour 25 pièces en 2025 serait un début acceptable. La réduction du nombre d’habits est de 40%, ce qui n’est pas assez pour empêcher de se rhabiller tous les ans. Par ailleurs, il doit être individualisé pour s’adapter à des situations particulières comme les enfants en bas âge ou les femmes enceintes. Pour peu que les constructeurs jouent le jeu de l’écoconception et de l’usage de fibres moins nuisible, le quota carbone deviendra plus facile à respecter.

Une alternative serait d’imaginer un système d’amortissement glissant. En effet un manteau a un impact carbone trop grand actuellement pour être acceptable dans un quota carbone individuel. Il faut donc l’amortir sur plusieurs années pour diminuer son poids dans le budget textile. En appliquant cette possibilité à tous les vêtements, cela permettrait également de faciliter le processus.

Par contre, de telles dispositions ne peuvent pas être prises à l’échelle d’une collectivité locale. Ce serait plutôt du rôle de l’Etat. Une commune peut inciter à se calquer sur une telle attitude consumériste, mais peut difficilement l’imposer sans risquer l’annulation par le tribunal administratif.

Organiser un festival de la transition vestimentaire

Et si, finalement, le meilleur moyen de faire adopter toutes ces mesures était de les présenter dans le cadre d’un festival de la transition vestimentaire ? En matière de transition, c’est l’accompagnement, l’éducation et la discussion qui permettront de faire changer les opinions. La restriction et l’obligation ne provoquent que des résistances, de la frustration et des déviances, et ne sont donc pas pertinentes.

Pour parvenir à ce changement d’habitude, un festival de la transition vestimentaire parait une bonne idée. Ainsi, le temps d’un weekend, les habitants pourront découvrir de nouvelles manières de s’habiller, d’entretenir leur linge, de le faire durer. Mais ils s’informeront aussi sur l’impact écologique du textile, ce qui leur permettra de comprendre pourquoi ce changement est nécessaire. Enfin, ils verront aussi les changements mis en oeuvre par l’industrie textile elle même, de manière à se rassurer sur l’effort collectif de cette transition, qui ne se résume pas à une énième responsabilisation du consommateur.

Ce festival peut aussi être l’occasion d’impliquer les enfants dans la démarche. Ainsi, à l’école, ils pourraient réaliser des animations sur le sujet et proposer des interventions pour le festival. Ce serait une bonne opportunité pour introduire des ateliers de couture, réaliser des déguisements avec de la récupération, collecter des vieux vêtements pour montrer qu’ils peuvent encore servir à travers un défilé de mode récup’ !

T’es stylé en recyclé !

Et si votre territoire s’est lancé dans un défi de type famille zéro déchet ou plutôt zéro achat de vêtement neuf, ce moment peut être l’occasion de la clôture du défi et de la transmission de l’expérience des participants vers le grand public.

Les possibilités ne manquent pas pour faire de cet événement un déclic pour la transition vestimentaire de votre population.

Conclusion

Le secteur du textile a un impact considérable sur la pollution de l’environnement et le réchauffement climatique. Cette prédation sur la nature repose essentiellement sur les choix faits par l’industrie pour son modèle de production. En effet, tant le coton que les fibres plastiques, quoique faciles à produire, sont des mauvais choix sur le plan écologique. De ce fait, ils pèsent sur l’empreinte carbone des français et ne sont plus supportables dans un monde en transition.

Heureusement, il est possible de transformer ce modèle et de réduire l’impact écologique du textile. Cela passe avant tout par le choix de l’écoconception des textiles. Il faudrait ainsi choisir une fibre locale et peu gourmande en eau et énergie comme le lin. Mais cette fibre devrait aussi être filé et transformée en France pour profiter de notre énergie décarbonée. D’autant qu’ainsi, cela favoriserait l’économie locale tout en baissant l’impact carbone du transport. Enfin, il faut changer les habitudes des français. Pour rendre plus durable la Mode, il va falloir apprendre à réparer ou acheter en seconde main, à mieux laver, et surtout à mieux et moins acheter. Pour y parvenir, les collectivités ont un grand rôle à jouer en matière d’éducation, d’information, d’accompagnement au passage à l’acte.

D’ailleurs, par chez vous, avez vous connaissance de bonnes idées pour encourager cette transition vestimentaire ?

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Nicolas Falempin

Cadre de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de l'environnement.  Mélange droit public, transition écologique et tasses de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.

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