Réunir une convention citoyenne locale du climat

Le bilan de la convention citoyenne pour le climat est assez inespéré. A partir d’un groupe de 150 français-e-s représentati-f-ve-s, des préconisations pertinentes pour baisser les émissions carbone nationales ont pu être dégagées en quelques semaines. Leur héritage sera plus controversé du fait des jokers pris par différents membres du gouvernement pour bloquer certaines propositions. D’autant que la loi de transposition devrait donner lieu à de belles batailles d’amendements qui au final aboutiront très vraisemblablement à un texte expurgé de toute ambition.

Néanmoins, cela reste encourageant et donne des idées pour des applications locales. En effet, les PCAET ont été trop souvent conçus sur une expertise technique sans réelle prise en compte de l’avis des citoyens. Une transposition locale du dispositif de la convention citoyenne pour le climat pourrait permettre de concilier expertise et population locale. Dans une telle instance, les décisions seraient mieux adaptées au territoire que les mesures nationales, mais aussi mieux acceptées par les habitants, puisque préconisées par des voisin-e-s, des commerçant-e-s de proximité, des personne que l’on peut croiser facilement.

Les conditions à réunir

Le choix de l’échelle de territoire

Avant de savoir qui composera la convention citoyenne locale pour le climat et sous quelles conditions, il faut en définir le périmètre. A peu près tous les échelons des collectivités locales pourraient se prêter à une telle mise en oeuvre, mais tous ne sont pas aussi pertinents. Pour ma part, je considère qu’une telle instance doit se tenir au niveau de l’intercommunalité, voire du pôle d’équilibre territorial rural (PETR).

En effet, si la région est la collectivité de la stratégie, elle est bien trop grande. Ce qui signifie que les membres de l’instance ne partageront pas les mêmes réalités, n’auront pas le même vécu du territoire, d’autant que chaque partie du territoire régional a ses besoins propres en matière de transition. Si cette taille est idéale pour la représentativité, elle pose également des problèmes logistiques similaires à ceux de l’instance nationale. Quant au département, il souffre avant tout d’un problème de légitimité, n’ayant pas réellement de compétence lui permettant de s’emparer de ce sujet.

A l’inverse, la commune est pleinement compétence pour cela. La clause générale de compétence, couplée aux dispositions sur la démocratie locale, lui permettent d’assumer pleinement l’ensemble du processus. Le problème, c’est qu’une commune doit désormais fonctionner au sein d’un réseau de communes, puisqu’elle en dépend aussi pour son activité économique, son approvisionnement, etc. Au fond, c’est le concept d’aire urbaine qui conviendrait le mieux pour décrire cela. En effet l’aire urbaine repose sur une cohérence entre le territoire de résidence et le territoire d’usage.

Or, l’aire urbaine peut soit consister en l’intercommunalité, soit plus largement en un pays. Le développement des PETR ne doit d’ailleurs rien au hasard. C’est bien le constat fait par les élus de leur proximité objective qui les pousse à travailler ensemble pour mutualiser une instance de concertation intermédiaire entre l’epci et le département. D’ailleurs, c’est pour cette raison que quelques dizaines de PCAET ont été transférés aux PETR. De la sorte, la stratégie climat est dessinée à une échelle plus large, incluant les bassins industriels et économiques interconnectés, pour proposer des objectifs conformes à la réalité.

Ainsi, le périmètre de la convention citoyenne locale pour le climat devrait être celui de la collectivité en charge du PCAET. De cette manière, les discussions des membres viendraient abonder et nourrir les stratégies institutionnelles, les critiquer ou les renforcer, pour adapter au mieux le territoire face aux enjeux du changement climatique.

La vision des élu-e-s au coeur de la convention citoyenne locale pour le climat

Ce pronostic pessimiste signifie une chose fondamentale. Pour être efficace, une convention citoyenne pour le climat n’a pas seulement besoin d’un échantillon représentatif et formé aux enjeux climatiques, mais aussi d’une véritable volonté politique de changer la donne. Sans élu-e convaincu de l’urgence à agir, et prêt aux sacrifices nécessaires, il ne se passera rien.

C’est pour cette raison qu’avoir un-e élu-e en charge de la transition écologique dans votre commune ou intercommunalité fait la différence. Cela montre déjà une volonté de considérer l’organisation du territoire, le fonctionnement des services et le rapport aux habitants et entreprises sous une perspective plus durable. Cela montre que, le cas échéant, la collectivité est prête à agir. Évidemment, cela n’est pas suffisant si la mission dédiée à la transition écologique locale n’est pas priorisée dans les arbitrages financiers et politiques.

Dans le cas de la convention nationale, il n’y a jamais rien eu à espérer. Entre un président fort à l’égo surdimensionné et un ministère de la transition certes bien placé dans la hiérarchie ministérielle mais constamment rabaissé dans la transposition politique concrète, cette convention ne pouvait servir qu’à appuyer les ambitions présidentielles par un résultat éclatant mais non menaçant. Le recul de la démocratie environnementale depuis 2017 ne pouvait augurer de progrès fulgurant.

Naturellement, il ne faut pas perdre de vue que le mandat impératif n’existe pas en droit français. La volonté populaire, dans le système actuel, s’exprime dans une représentation indirecte qui décide de manière autonome mais peut demander son avis aux électeurs et électrices. Une convention citoyenne ne peut donc donner lieu automatiquement à une transposition directe. Et ce d’autant que la gestion d’une commune impose de composer avec des urgences imprévisibles, des situations complexes, des interdépendances institutionnelles à cause desquelles il faut souvent négocier, promettre, échanger, réduire ses ambitions pour mettre en place des réformes. En outre, la préfecture peut annuler des délibérations communales si elles ne les jugent pas conformes au droit français. Un filtre supplémentaire qui pousse à la prudence excessive les communes, ce que les citoyen-ne-s ne comprennent pas bien.

Dès lors, il faut donner une vision claire et rassurante comme cadre à cette convention citoyenne locale pour le climat. Les élu-e-s encadrant le processus, pilotant sans contraindre les participant-e-s, les censurer ou les brusquer, affirment leur vision d’un territoire en transition. Ils ne peuvent pas promettre que tout sera repris mot pour mot, mais sont de bonne volonté. Et c’est l’essentiel.

La difficile composition de la convention

La composition de la convention nationale avait suscité de nombreux débats quant à la méthode. Ce n’était pas un tirage au sort strict, mais une sélection de candidats à partir de critères prédéfinis avec un caractère subjectif du choix final. Cette méthode pose problème, mais est rendue nécessaire par la disponibilité exigée et le besoin de tirer au sort des personnes à la fois représentatives et pouvant travailler au sein de la convention. C’est un équilibre subtil qui a peut être conduit à écrémer un peu trop pour écarter des personnes engagées dans des mouvements environnementales pour recentrer l’expertise sur les intervenants extérieurs.

Ainsi, au sein du territoire de votre convention locale – intercommunalité ou PETR – la question se posera avec d’autant plus d’acuité que la population sera réduite. Mais même si vous ne reproduisez pas un dispositif à 150 personnes, vous ne pourrez guère espérer passer en dessous des 30. En effet, outre les critères géographiques et socio-professionnels, il faudra maintenir une taille critique pour que vivent les groupes de travail.

Il vous faudra alors inventer un quota similaire à celui des conseillers communautaires, avec pondération en fonction de certains seuils de population. Sur un PETR ou une grosse intercommunalité, il pourra cependant être difficile de représenter toutes les communes. A moins de choisir alors une taille équivalente à chaque commune, au détriment des plus grosses communes. Il n’y a pas vraiment de choix simple en la matière, mais l’origine géographique n’est pas forcément le meilleur critère pour cela. Il vous faut plutôt penser aux contraintes logistiques d’une telle instance.

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L’âge peut être aussi un écueil. Dans la continuité des conseils municipaux des jeunes, et contrairement à la convention nationale, il pourrait être intéressant d’inclure des adolescents dans la démarche, puisqu’ils vivront eux aussi sur ce territoire en transition, et plus longtemps que les adultes mêmes, dans des conditions moins confortables. Dès lors, cela fait peser une contrainte sur les jours de réunion, voire pourrait pousser à les organiser durant les vacances scolaires.

Une large publicité

C’est le corollaire de la déclaration d’urgence climatique que votre commune devrait adopter en début de mandat. Il vous faut communiquer abondamment sur le sujet pour informer vos concitoyen-ne-s sur la nécessité et l’urgence d’agir.

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Cela peut se faire à travers différents moyens. Vous pourriez par exemple constituer un fonds documentaire de la transition écologique dans votre bibliothèque municipale, avec des documents aussi bien sur la catastrophe écologique, les outils de la résilience que des romans permettant de nourrir l’imaginaire du sujet. De même, les outils municipaux d’informations comme le bulletin, les réseaux sociaux ou le site web (etc.) sont de précieux moyens pour faire prendre conscience que les changements climatiques se feront de notre vivant, sont déjà en cours pour certains, et auront un impact concret et direct sur votre commune.

Et pour annoncer la convention citoyenne locale pour le climat, ces efforts devront être intensifiés. Car si la convention nationale a eu un bel écho médiatique, vous aurez besoin de bâtir la notoriété et la légitimité de sa reproduction locale pour que les personnes sélectionnées aient envie d’accepter leur désignation.

Campagne de publicité papier et radio, courrier aux habitants, relais par les établissements scolaires, transports en commun et commerces locaux, il faudrait que chaque habitant puisse savoir que cela va avoir lieu. Non pas par visée politique, mais pour que chacun puisse s’emparer de cet outil, le suivre, en discuter, découvrir les contenus qui serviront de support de formation aux membres, et donc changer à son tour.

Le but d’une convention citoyenne locale du climat est de transformer la population par procuration. Bien que seuls une minorité de la population ne soit concernée concrètement par la formation, la discussion et l’élaboration de propositions, il faut que le coeur des communes concernées batte à l’unisson de cette instance déterminante pour son avenir.

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Le fonctionnement d’une telle instance

La légitimité de la démocratie participative locale

Depuis plusieurs années, la démocratie participative a pris ses marques au niveau local. C’est notamment à partir de la loi 2002-276 du 27 février 2002 que la participation des habitant-e-s est vraiment prise en compte. Cette loi introduit en effet l’obligation pour les villes de plus de 80 000 habitants de créer des conseils de quartier, composés de personnes tirées au sort, pour réfléchir à l’organisation de leur quartier. Elle introduit d’autres dispositions intéressantes comme la possibilité de nommer des adjoints de quartiers ou de créer des comités consultatifs pour permettre aux habitants de travailler avec les élu-e-s et les services sur des sujets d’intérêt général.

L’année suivante, c’est une modification constitutionnelle qui permet de proposer un référendum local sur les sujets pour lesquels une collectivité locale est compétente. Enfin, en 2014, la loi sur les quartiers prioritaires de la ville introduit les conseils citoyens, grâce auxquels les habitant-e-s sont associé-e-s à la rénovation de leur quartier. Enfin en 2015, la loi NOTRe rend obligatoire la création de conseils de développement dans les intercommunalités et PETR d’au moins 50 000 habitant-e-s. En dessous c’est seulement facultatif.

Dans le même temps, depuis une dizaine d’années, d’autres dispositifs innovants apparaissent dans des communes pionnières. C’est d’abord le cas du budget participatif, qui propose généralement aux habitant-e-s de choisir l’affectation d’une fraction de l’investissement. C’est un moyen d’ouvrir la priorisation de la dépense publique à la volonté citoyenne, ce qui peut compenser des angles morts de la représentation. D’autres communes de taille moyenne créent volontairement des conseils de quartier pour là aussi associer plus étroitement la population aux décisions. Il s’agit alors de mieux informer, de consulter, de laisser de la place aux initiatives voire plus rarement d’associer à l’élaboration.

Pourtant, hormis disposition obligatoire, ces possibilités sont bien trop peu utilisées par les collectivités locales. Ce qui n’a rien évident quand on considère que 80% des communes ont moins de 5000 habitants. Une taille critique en dessous de laquelle il est difficile de dégager des moyens pour des politiques volontaristes. Néanmoins, même les quelques 2200 villes de plus de 5000 habitants sont loin de porter de telles innovations dans leur fonctionnement. La prise en compte du public, hors échéance électorale, n’est jusque là pas encore entée dans les moeurs.

Et quand elle le fait, le résultat n’est pas forcément à la hauteur. Car comme la vie associative et politique, la démocratie participative repose sur une base d’individus qui se renouvelle assez peu. Pour avoir moi-même géré un tel service de participation citoyenne, c’était 1% de la population qui assistait aux réunions, était consulté et proposait des idées. Cet écueil peut être résolu avec une convention citoyenne pour le climat paramétrée pour accueillir tous types de publics.

Le principe de subsidiarité pour un fonctionnement optimal

L’avantage de la commune par rapport à toutes les autres collectivités locales, c’est sa capacité à agir dans tous les domaines. En effet, c’est la seule collectivité à avoir gardé la clause générale de compétence, en vertu de laquelle son champ d’action peut excéder ses compétences légales. Du moins tant qu’elle n’empiète pas sur la compétence d’une autre collectivité. Ce principe est d’ailleurs le fondement d’une politique de transition écologique ambitieuse. En effet, en s’en tenant à ses seules compétences, une commune serait vite restreinte dans ses possibilités, notamment pour construire une résilience locale.

De la sorte, c’est le principe de subsidiarité qui est ainsi privilégié. Ce principe, introduit dans le traité instituant la communauté européenne de 1992, et repris en droit français pour les compétences sociales des collectivités, garantit un traitement des dossiers au niveau le plus proche des usager-e-s si possible.

En matière d’urgence climatique, sa nécessité s’impose immédiatement. Les impacts du changement climatique seront en effet ultra-locaux en fonction de la géographie des territoires. Un plateau crayeux ne réagira pas de la même manière qu’une vallée densément boisée ou qu’une plaine fortement urbanisée. Il convient donc que les décisions et moyens d’action soient pris au niveau le mieux adapté. Ce qui est généralement la commune ou l’intercommunalité. Et c’est là où le rôle d’une convention citoyenne locale pour le climat devient le plus pertinent.

La coordination avec les documents stratégiques locaux

Et ce d’autant plus que la réglementation oblige à respecter systématiquement les règlements de niveaux supérieurs. Ainsi, quand le SRADDET impose des objectifs en matière de non artificialisation, cela se traduit par une adaptation dans le PCAET, qui prévaut aussi sur les PLU locaux.

Le schéma ci-dessous, réalisé par l’Ademe, illustre bien la complexité et l’enchevêtrement des relations institutionnelles entre les collectivités. Il permet aussi de réaliser que le conseil départemental n’a en réalité aucune véritable compétence en matière de transition. Certes, il intervient sur le développement rural et l’agriculture, voire sur des espaces naturels, mais n’a aucune place formelle dans cette organisation. L’essentiel du travail est réalisé au niveau intercommunal, tandis que la région fixe des objectifs et des schémas d’organisation. Cette division des rôles et des compétences tend hélas à multiplier les arrangements politiques et négociations informelles au profit de projets ambitieux à long terme.

Néanmoins, elle est à considérer dans le cadre de l’élaboration de la convention citoyenne pour le climat. Bien que centrée autour du territoire intercommunal, les participant-e-s doivent avoir en tête le millefeuille institutionnel et la répartition des compétences pour proposer des mesures que le bloc local peut effectivement réaliser.

Les 3 composantes clés de cette convention

Un pilotage partagé pour représenter la diversité des points de vue

La démocratie participative souffre d’une mauvaise image aussi à cause de son instrumentalisation. Trop souvent, elle a pu servir de prétexte aux pouvoirs locaux pour faire passer un projet sous prétexte d’une concertation préalable. Et cela, en oubliant que consultation ou information n’est pas participation à l’élaboration ou à la décision.

Pour y remédier, la convention citoyenne locale pour le climat doit être géré par un comité de pilotage structurellement indépendant. C’est d’ailleurs l’option choisie pour l’instance nationale, qui a mis en place d’une part une équipe de gouvernance, et d’autre part un comité d’éthique.

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Le premier, qui partage des membres avec le comité scientifique, permet de superviser la programmation de la convention citoyenne locale pour le climat et son bon déroulement. Il devrait ainsi associer des élus locaux, des représentants économiques, scientifiques et associatifs, voire syndicaux, pour assurer un pilotage vraiment partagé entre toutes les composantes de la société. Eventuellement, vous pourriez même inclure des représentants religieux, bien que cette proposition puisse être polémique.

Le second vise à garantir l’éthique du processus. C’est à dire qu’il vérifie qu’il n’y a pas distorsion dans la composition, contrainte sur les participants, déséquilibre dans les points de vue scientifiques valides exprimés (le climato-sceptiscisme n’est pas un point de vue valide par exemple). Pour le coup, son rôle est probablement plus politique que le comité de pilotage. En effet, l’éthique d’un processus est sujette à interprétation, de sorte que sa composition reflètera certainement des équilibres politiques locaux. Le comité d’éthique national incluait ainsi le réalisateur écologiste Cyril Dion et deux hauts fonctionnaires de l’Assemblée Nationale et du Sénat. Un choix d’équilibre, qui était motivé par la neutralité des deux fonctionnaires face à un militant du format conférence de citoyens. C’est un choix intéressant entre justement la rigueur administrative et l’enthousiasme militant, peut être justement trop cadré par ce duo institutionnel.

En tout état de cause, cet équilibre entre les différentes composantes de la société est essentiel pour apporter une gouvernance stable et représentative à ce processus si déterminant pour l’avenir du territoire.

La nécessité d’un conseil scientifique le plus local possible

Les travaux du GIEC sont fondamentaux pour analyser la situation au niveau mondial, déterminer les évolutions probables et en calculer le coût. Leur précision et leur exhaustivité ont fait beaucoup pour la prise de conscience générale de l’urgence climatique. Ce procédé devrait ainsi être généralisé à une échelle plus fine pour se pencher aussi sur les évolutions des territoires suite au changement climatique.

Une telle instance scientifique devrait être à la fois régionale et intercommunale. Régionale pour prendre en compte les bassins versants, les aires métropolitaines, les grands espaces naturels qui transcendent les limites locales. D’autant qu’à travers ses compétences stratégiques, la région est idéale pour dessiner les grandes tendances. Mais le vrai travail doit se faire dans les communes, au contact direct de la population et des PME.

En effet, il faudra des agronomes pour évaluer la capacité des sols à rester productif malgré les changements climatiques, la sécheresse et l’arrêt de l’agriculture intensive. Vous devrez aussi inclure des urbanistes et des biologistes pour évaluer l’occupation de l’espace, les espaces naturels à préserver, leur éventuelle fragilité envers une catastrophe naturelle comme la montée des eaux, etc. Bien entendu, un climatologue local serait d’une grande aide pour déterminer les extrêmes de température, la température moyenne par saison dans 20, 30, 50 ans, etc. On peut également penser à des spécialistes de la production d’énergie et d’eau (ainsi que de leur gestion durable) pour préserver un confort minimal et des capacités industrielles. De fait, c’est un ensemble varié de scientifiques, de techniciens et de spécialistes qui devra être mobilité pour accompagner la démarche.

Non seulement leurs travaux seront utiles pour la prospective territoriale et le conseil aux collectivités, mais ils pourront ainsi sensibiliser directement les membres de la convention citoyenne locale pour le climat. En formant les membres aux enjeux prévisibles et locaux du changement climatique, ils leur donneront les bonnes cartes en main pour réfléchir en toute connaissance de causes aux changements à mettre en oeuvre à l’échelle locale.

Une instance sur le modèle de l’ecclesia athénienne

L’écueil principal de la démocratie participative reste la participation du public. Comme nous le voyions précédemment, ce sont toujours les mêmes personnes qui s’impliquent, avec un renouvellement trop faible. Cette tendance fragilise la démarche en la vidant de la légitimité populaire pour toute prise de décision. Pour résoudre cet obstacle, il faudrait inciter chacun-e à participer à une convention citoyenne locale pour le climat sans qu’elle ne perde de temps pour cela.

Mais cette incitation ne peut être que financière. En effet, même durant les weekends, de nombreuses personnes resteront bloquées par des difficultés insurmontables comme l’aide à un proche malade, la garde des enfants, les courses ou toute autre activité occupant le temps libre. De plus, après une semaine de travail, il n’est pas forcément aisé de retourner passer son weekend à réfléchir et à écouter des experts.

C’est pourquoi cette incitation doit être financière et servir à compenser une journée non travaillée, qui n’est pas non plus un jour de congé. Organisée en semaine, avec des citoyen-ne-s qui n’ont pas l’impression de sacrifier du temps libre ou des congés, cette convention pourrait ainsi attirer des personnes de toutes origines professionnelles et sociales.

Un tel fonctionnement suppose un budget élevé pour chaque journée de travail. En considérant qu’il faut indemniser toute heure non travaillée au smic, cela reviendrait – réduction Fillon comprise – à un coût d’environ 10.50€ toutes charges comprises. Naturellement, les inactifs ne seraient pas concernés (sauf cas particulier de petit boulot), mais les personnes au chômage pourraient se voir rémunérées elles aussi. Cela reviendrait donc à 75€ d’indemnité environ par participant de la convention citoyenne locale pour le climat.

Cette idée n’a rien de neuve. A Athènes, les citoyens qui participaient aux travaux de l’Ecclesia ou de la Boulè recevaient eux aussi une compensation indexée sur le salaire moyen d’un ouvrier. Cela permettait ainsi à tous, y compris les plus modestes, de pouvoir participer aux décisions politiques de la cité sans qu’une classe plus riche ne puisse s’en accaparer le monopole grâce à une disponibilité supérieure.

Ici ce serait même plutôt le contraire, puisque les salarié-e-s mieux payés seraient plutôt lésés par le montant de l’indemnité. Dans une telle perspective, c’est à la collectivité organisatrice de déterminer si elle souhaite adapter l’indemnité aux revenus réels des participant-e-s.

En tout cas, la convention nationale avait fait ce choix là pour vraiment permettre à tous de participer. Ainsi, les indemnités représentent 1.5M € de budget (27% du total) soit environ 10 000 € par membre. Cette somme prend en charge des dépenses annexes comme des nourrices et aidants familiaux, mais peut fournir une indication supplémentaire.

Communiquer les résultats

La transparence de la concertation

La transparence est une valeur fondamentale de toute démarche reposant sur une large participation citoyenne. Quand cette participation implique une réflexion et, in fine, une prise décision pouvant avoir valeur quasiment impérative, ça l’est encore plus.

Cela peut aussi s’appliquer aux sessions de formation par des experts, dont certains de la convention nationale ont déjà été abondamment réutilisés pour donner un éclairage précis sur les enjeux. Dans un autre contexte, les vidéos faites à l’occasion de l’événement Les 24h pour le climat offrent elles aussi de belles possibilités de réutilisations.

Le bénéfice est double. D’une part l’honnêteté de la démarche, son indépendance, se vérifie dans les faits. D’autre part, les débats et enseignements peuvent être réutilisés auprès du reste de la population pour expliquer des points techniques.

Mettre en avant les participants

Pour aller plus loin, il vous faudrait même personnaliser la démarche à travers ses participants. En effet, nous ne sommes pas dans le cadre d’une instance scientifique ou administrative supposément déconnectée du monde réel. La convention citoyenne locale pour le climat a pour particularité d’être essentiellement composée de personnes ordinaires. Ce sont des voisins, des amis, des collègues, des parents d’élève. C’est pourquoi il est si important que les habitant-e-s du territoire puissent identifier la démarche à travers ses membres.

C’est la représentativité de ces personnes choisies au hasard, puis formées aux enjeux de la transition écologique, qui assure la légitimité des propositions de l’assemblée. Pour résoudre la crise démocratique que traverse notre société, nous avons besoin de voir s’exprimer des individus lambdas. La langue de bois des élus ou le jargon technique des experts ne fait qu’accroitre la distance entre électeur-rice-s et pouvoir politique.

Naturellement, la diversité du groupe fait que la parole sera elle aussi diverse, parfois contradictoire ou trop technique. Mais c’est justement ce que vise la démarche de la convention citoyenne locale pour le climat. C’est de cette diversité des profils, de leur bonne volonté, de leur absence de conflit d’intérêt, de leur normalité, que viendra l’acceptation sociale de leurs propositions.

C’est pourquoi il apparait nécessaire de les inciter à s’exprimer individuellement pour défendre des propositions ou expliquer des points du processus. Au fond, il s’agit d’un storytelling assez classique. Un peu comme dans une émission de téléréalité, c’est en suivant ces habitant-e-s du territoire confronté à la tâche immense et complexe de proposer des mesures pour l’avenir du territoire, que leurs concitoyen-ne-s pourront s’imaginer dans cette société future.

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Utiliser les propositions pour la décision politique

La suite logique serait naturellement de vous servir des propositions de la convention citoyenne locale pour le climat pour justifier des décisions à portée écologique. Un tel lien de causalité n’est pourtant pas si évident, tant les instances consultatives sont conçues pour appuyer la volonté des élu-e-s et non la contrarier. La multiplication des jokers du gouvernement à l’encontre de la démarche nationale (13 en octobre 2020) montre bien que le filtre de la volonté politique reste puissant.

Ainsi, si vous délibérez sur une proposition de la convention, il faut s’appuyer au maximum dessus. Un bon moyen pourrait être d’inviter les membres aux conseils municipaux et communautaires correspondant à cette transposition. De la sorte, vous soulignez la transmission de la volonté populaire à l’instance de décision politique.

Cette transposition, par ce qu’elle suppose de mise en forme réglementaire, est une étape délicate. L’instance nationale avait ainsi prévu une équipe de juriste pour assister les membres de la convention à rédiger leurs propositions de manière à respecter la loi. Surtout, cette assistance vise à éviter une dénaturation du projet à travers l’adaptation en projet de loi. Pour aller plus loin, la convention locale pourrait se décliner en comité de co-élaboration des arrêtés municipaux et documents institutionnels.

Ne pas le faire serait une erreur politique. C’est ce qui se passe actuellement avec les anciens de la convention nationale qui, voyant la tournure des événements pour leurs propositions, se sont constitués en association indépendante. Ils deviennent ainsi un contre-pouvoir susceptible de perturber le récit gouvernemental autour de la participation citoyenne.

Les suites de la convention citoyenne locale pour le climat

La prémisse d’une agence locale du climat

Si les propositions de la convention vont dans le sens d’une action rapide et déterminée sur le territoire, il vous faudra des moyens pour ça. A l’instar de la ville de Paris, vous pourriez ainsi décider de créer l’équivalent de l’agence parisienne du climat. Cette structure est une structure indépendante, quoique fondée par des collectivités locales, devenue le bras armé de la transition écologique. Elle accompagne les projets des copropriétés et entreprises, sensibilise les particuliers, conseille les entreprises. Bref, elle apporte un véritable soutien technique pour faciliter la transition de tou-te-s.

Or, les propositions de la convention citoyenne locale pour le climat sont justement un super argument pour justifier le lancement d’une telle agence. A partir de la volonté ainsi exprimée clairement par ses membres, vous pourrez arguer du besoin de spécialistes du changement de comportement, de la gestion de projet et des politiques environnementales. Cela rejoint la priorité d’embaucher des agents pour les politiques environnementales de la résilience.

Rattachée à une agence du climat, la convention locale pourrait ainsi gagner en puissance et en portée. Non seulement ses membres ont réfléchi et travaillé sur des propositions, mais ils continuent à agir pour une prise de conscience du plus grand nombre avec les outils d’une structure dédiée à l’accompagnement des projets individuels et collectifs.

Une convention à réunir régulièrement pour prendre en compte les évolutions

Cette convention citoyenne locale pour le climat ne devrait pas être un one shot en matière de participation citoyenne environnementale. Non seulement sa forme est intéressante pour d’autres sujets, mais il parait nécessaire de réitérer la démarche pour valider les étapes de la transition écologique locale.

La situation va changer quasiment d’année en année. Les records de chaleur risquent de continuer à tomber et à monter. Dans le même temps, les sécheresses pourraient s’aggraver et le stress hydrique devenir permanent dans certaines régions, tandis que l’agriculture deviendra de plus en plus compliquée.

extrait de s’adapter au changement climatique,
ademe, sept 2020

Pour faire face à ces changements, revoir les priorités de l’action publique entre la réduction de l’empreinte carbone et l’adaptation, la convention citoyenne locale pour le climat pourrait à nouveau être mobilisée. Ce ne sera pas forcément les mêmes membres, bien qu’une continuité au moins partielle puisse être intéressante. En tout cas, ces personnes devront faire le point sur la situation et sur ce qu’elles sont prêtes à concéder, en tant qu’individu, pour aller plus loin malgré une situation de plus en plus compliquée.

Vers une convention régionale du climat

Bien que nous ayons répété que l’intercommunalité était l’échelle pertinente pour une convention citoyenne locale du climat, ce n’est pas la seule. De par ses compétences stratégiques et ses moyens financiers conséquents, le conseil régional est lui aussi intéressant. A partir des travaux des comités scientifiques et des conventions citoyennes des intercommunalités, il peut procéder à une synthèse des travaux.

Cette méthode pourrait être par exemple un moyen d’adapter un document comme le Sraddet aux prévisions climatiques et volontés citoyennes. En effet, comme la plupart des schémas régionaux, le Sraddet est plus le fruit de négociations politiques que d’une véritable ambition environnementale. Des ateliers ont bel et bien lieu, mais rarement ouverts au grand public, et durant lesquels les associations agrées sont largement minoritaires par rapport aux représentants économiques. Dans le grand est, lors de l’élaboration du PRPGD (déchets), seules deux associations pouvaient participer aux débats, mais elles en représentaient 84 autres désireuses de s’impliquer. La démocratie participative est ainsi mise en scène et instrumentalisée pour que rien ne change vraiment.

A l’inverse, grâce à cette conjonction des instances locales, fortes d’une composition représentative de la population, les choses s’améliorent. En reprenant idéalement d’anciens membres, tout en maintenant une représentativité sociologique, les débats pourraient reprendre au niveau régional. Ils seraient l’occasion de faire la synthèse, d’agglomérer les données dans un schéma régional comparable au récent rapport de l’Ademe sur l’adaptation au changement climatique. En effet, il introduit une carte inédite sur les risques majeurs pour les territoires qui devrait inspirer les schémas régionaux.

Il parait important lors de cette étape de reprendre d’anciens membres des instances locales, et non des nouveaux membres. En effet, chacun sera d’une part déjà conscient des enjeux climatiques et d’autre part déjà formé aux méthodes de concertation en intelligence collective. En outre, chaque intercommunalité devrait pouvoir être représenté par un membre de sa convention locale pour assurer également une représentativité géographique.

D’autres instances citoyennes pour des décisions plus fines

Dans leur récent ouvrage Technologies partout, Démocratie nulle part, Yael Benayoun et Irénée Régnauld défendent l’idée de concertations citoyennes pour régénérer la vie politique.

technologies partout, démocratie nulle part

Ils reviennent ainsi sur des modalités de concertations citoyennes, qui s’articulent avec la décision politique. La conférence de citoyen est le format de la convention citoyenne du climat. Pourtant, jusque là, elle restait assez limitée notamment dans la taille de son panel citoyen, ce qui en réduisait la représentativité. La portée médiatique était aussi plus faible, de par une technicisation accrue des enjeux, qui apparaissait déconnectés des besoins de la population. Pourtant, lier l’innovation à la volonté populaire devrait être un prérequis. L’exemple de la 5G, qui promet des économies d’énergie sur le fonctionnement des antennes, tout en dissimulant les nuisances environnementales de ses usages induits, est révélateur de ce besoin d’une démocratie technique. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’après s’être saisie du sujet, la convention nationale a demandé un moratoire sur son déploiement.

Sur l’exemple de Dominique Bourg, ils proposent également de mettre en place une assemblée du futur. Cette instance est pensée pour prendre en compte l’avis de ceux qui ne votent pas, c’est à dire les générations futures et la nature. Dans son fonctionnement, elle ressemble à un CESE reconfiguré pour être composé de citoyens tirés au sort, de spécialistes de l’environnement et de quelques représentants des associations et entreprises, comme son modèle originel. Cette assemblée du futur se veut plus forte, pouvant proposer des lois ou bloquer des projets écocides, mais peut aussi s’imaginer au niveau local.

De manière générale, il s’agit d’apprendre à se réapproprier les grands enjeux dépossédés par le culte du progrès ou la complexité bureaucratique. La reprise en main de ces enjeux par le citoyen est essentiel pour la revitalisation de la démocratie, qui ne peut plus se contenter d’être seulement représentative.

Conclusion

Associer la population aux grandes décisions politique du territoire n’a jamais été une habitude des élu-e-s français. Cela doit pourtant le devenir, au vu des enjeux en terme de transformation des habitudes individuelles et des infrastructures collectives. L’urgence climatique nécessite de réduire nos émissions carbone de 80% en moins de 20 ans. C’est un défi que nous ne pouvons pas relever s’il faut affronter des résistances et des retour en arrière. Concrètement, cela signifie que l’impulsion du changement doit venir des citoyen-ne-s et des entreprises.

La convention citoyenne locale du climat est justement le moyen idéal pour que la volonté populaire s’empare d’un tel projet. Comme nous l’avons vu dans cet article, cette forme de participation citoyenne nécessite un certain formalisme pour fonctionner. Entre le conseil scientifique et l’assemblée citoyenne représentative, elle permet pourtant de répondre durablement aux enjeux d’association entre la prospective territoriale, résilience et assentiment de la population.

Connaissez vous des territoires qui ont pour projet de lancer une telle démarche ? Indiquez les moi pour commencer un recensement des démarches vertueuses en la matière.

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Nicolas Falempin

Cadre de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de l'environnement.  Mélange droit public, transition écologique et tasses de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.

2 réflexions sur “Réunir une convention citoyenne locale du climat

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