Mettre en oeuvre une comptabilité carbone

La comptabilité financière c’est compliqué et incompréhensible mais utile. Et bien, la comptabilité carbone c’est pareil, mais en pire. Et pourtant, n’importe quelle collectivité territoriale devrait faire la sienne. Cet outil est indispensable pour la planification de l’action publique en matière de transition écologique.

Les fondements de la comptabilité carbone

Les organisations établissent une comptabilité financière pour établir leurs recettes et leur dépenses. Ainsi, elles définissent leur viabilité financière, ce qu’elles doivent payer comme taxe et ce qu’elles peuvent économiser. Désormais, il apparaît également de plus en plus nécessaire d’établir une comptabilité de l’impact environnemental des organisations. Par ce biais, elles calculent ce que leur activité émet comme Gaz à Effets de Serre, et ce qu’elles captent également. La différence entre les deux indicateurs constitue son empreinte carbone.

Le principe de la comptabilité carbone est défini depuis une trentaine d’année mais apparaît en France avec les Grenelles 1 et 2 de l’environnement. Ils définissent son obligation pour les organisations privées de plus de 500 ETP (250 pour les établissements publics) et les collectivités de plus de 50 000 habitants. Ce bilan carbone doit être réalisé tous les 4 ans (3 pour le public) si possible en parallèle avec l’audit énergétique.

Elle apparaît comme un outil de prise de décision à mettre en parallèle du budget annuel et des plans d’action. Ainsi, un projet présentant de fortes émissions devraient normalement être refusés. Il doit être considéré dans la séquence éviter/réduire/compenser pour déterminer s’il pourrait être maintenu dans une version plus acceptable.

De ce fait, couplée avec des instances de démocratie collaborative, la comptabilité carbone permet de définir collectivement la ville souhaitée par ceux qui l’habitent et l’utilisent. Elle permet de fixer tous ensemble des objectifs à atteindre, et de trouver les moyens pour y parvenir. Or, comme la majorité des sources de réduction de l’impact carbone sont au niveau collectif, elle permet de souligner les secteurs à prioriser dans la baisse des émissions. Sans comptabilité carbone, il n’y a pas de transition écologique possible dans votre commune.

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La méthodologie de la comptabilité carbone

La comptabilité carbone présente les mêmes enjeux et problématiques que sa grande soeur. Ses données doivent ainsi présenter un caractère caractère mesurable, reportable, vérifiable.

Concrètement, elle se base sur trois catégories appelées scopes. la première regroupe les émissions directes des activités de l’organisation, la seconde les indirectes dues à l’énergie notamment, quand la dernière s’occupe des émissions indirectes causées par ses employés, la livraison des produits, la gestion des déchets, etc.


Par exemple, pour une mairie, le scope 1 va considérer l’usage des véhicules municipaux, la transformation des produits utilisés, le chauffage des bâtiments et l’électricité des appareils. le scope 2 remonte en amont de la production d’énergie. Quant au scope 3, elle calcule les émissions des déchets de la collectivité, les déplacements domicile-travail des agents, ceux des visiteurs, ceux pour raison professionnelle, le fret des achats, ainsi que les immobilisations.

Néanmoins, le scope 3 est facultatif, de sorte que le différentiel de prise en compte fausse les comparaisons. Et même en terme d’impact, la valeur des émissions peut varier en fonction des sources. De ce fait, la comptabilité carbone souffre encore d’un trop grand nombre d’incertitudes radicales, d’hypothèses et de calculs à faire. Elle n’a encore rien de définitif, c’est un processus en cours d’élaboration.

Notons d’ailleurs qu’il existe 3 manières différentes de calculer son bilan carbone en France. Officiellement, l’Ademe recommande de suivre sa méthode, Bilan Carbone pour ce faire. Mais il est également possible d’utiliser le GHG protocol ou la norme Iso 14064.

Les avantages de la comptabilité carbone

Connaitre son impact carbone permet de piloter son activité plus souplement dans un contexte de plus en plus contraint. En effet, si une activité est trop émettrice, cela indique une forte dépendance à des pratiques qui devront être nécessairement revues dans un contexte de transition écologique. Mal anticipée, cette transition peut s’avérer brutale et destructrice de revenus et d’emplois. La comptabilité carbone permet donc d’anticiper et d’éviter ces désagréments.

Ainsi, les ressources en matériaux et en énergie vont devenir plus rares. Les hydrocarbures et minerais sont plus difficiles à extraire, les coûts explosent et la plupart ne sont pas renouvelables. Le bilan carbone permet d’appréhender les risques pour mettre en place des actions de réduction, voire de substitution ou d’optimisation des usages, ainsi que d’anticipation des contraintes à venir, notamment réglementaires. S’y mettre maintenant permet par exemple de dénicher des subventions et appels à projets.

Par ailleurs, cette démarche permet d’améliorer son image extérieure. Par exemple, les profils diplômés exigent de plus en plus un engagement environnemental de leur futur employeur. De même, les ONG radicalisent leurs modes d’action et recourent à la désobéissance civile contre les organisations à fort impact climatique. Vos concitoyens apprécieront également de savoir que l’administration et ses actions cherchent à améliorer l’environnement.

En outre, en matière de ressources humaines, c’est là aussi avantageux. Les équipes pourraient être motivées par la perspective des défis posés par la transition écologique et la réduction des émissions. D’autant que cette transformation des pratiques suppose une montée en compétence et responsabilité valorisante pour leur carrière.

In fine, la comptabilité carbone peut vous permettre de détecter de nouvelles sources d’économie. D’ailleurs, en renforçant votre image de pionnier, elle renforce le prestige et l’attractivité de la collectivité.

Aller plus loin avec la Net Zero Initiative

A l’initiative du bureau d’étude Carbone4, fondé par Jean-Marc Jancovici, également créateur du référentiel Ademe Base-Carbone dont nous parlions précédemment, des multinationales françaises ont lancé en 2018 la Net Zero Initiative. Ce nouveau référentiel part des bilans carbone réalisés par ces organisations pour proposer des objectifs plus ambitieux. Il s’agit en fait d’une comptabilité à trois entrées.

En effet, non content de rechercher la neutralité carbone dans leurs propres émissions (scopes 1/2/3), cette initiative propose de réduire les émissions des autres organisations. Concrètement, il s’agit de prendre en compte l’impact de ces organisations sur les émissions évitées et l’augmentation de la captation.

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Le référentiel ainsi proposé semble plus adapté aux grosses organisations. D’ailleurs, aucune collectivité ne s’est encore lancée dans l’aventure. Néanmoins, rien ne semble empêcher une PME ou une collectivité territoriale de rejoindre l’initiative. D’autant que les collectivités, en agissant directement sur les émissions des habitants, ont un énorme rôle indirect elles aussi. En outre, elles ont un rôle direct conséquent sur les capacités de captation des espaces naturels du ban communal.

Conclusion

Certes, la loi n’impose probablement pas à votre collectivité de réaliser sa comptabilité carbone. Mais soyons honnête, au-delà de ses contraintes, c’est un formidable outil d’anticipation. Pour le fonctionnement de la collectivité, l’urbanisme ou l’entretien des bâtiments, elle se révélera très vite indispensable. D’autant plus qu’elle est complémentaire avec la démarche cit’ergie, elle aussi nécessaire pour la transition énergétique. Pour les plus petites communes, ce bilan peut être réalisé au sein de l’intercommunalité. Dans tous les cas, un bilan carbone est un document comptable que vous ne devez pas négliger.

Vérifier les organisations ayant réalisé (ou non) leur bilan carbone sur le site dédié de l’Ademe.

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Nicolas Falempin

Cadre de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de l'environnement.  Mélange droit public, transition écologique et tasses de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.

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