Bâtir aussi – Ateliers de l’Antémonde
Bâtir aussi, des Ateliers de l’Antémonde, est un recueil de nouvelles comme aucun que vous aurez lu jusque là. Il part des printemps arabes de 2011 pour imaginer une contamination du reste du monde par cet esprit révolutionnaire des masses opprimées. En France, une partie de la population se serait ainsi massivement soulevée et aurait installé des ZAD. Grâce à une lutte acharnée, et parfois violente, ces révolutionnaires à tendance anarchiste et communiste auraient remporté la lutte face aux milices nationalistes et aux armées européennes. Mais, plutôt que de remplacer l’état français par un alter ego qui se serait vite corrompu, comme nous l’apprend l’Histoire, c’est un communalisme libertaire qui émerge.
Ces récits se partagent donc entre ceux de cette lutte victorieuse et ceux de la vie dans le monde d’après. A mon sens, ce sont ces derniers les plus intéressants dans la vision qu’ils proposent d’une société hors capitalisme.
Une société inspirée par Murray Bookchin
Bâtir autrement se construit en opposition au spectre de l’Antémonde, et pour cela s’inspire largement des travaux de Murray Bookchin. Aucun état centrale ne vient organiser le mode de vie ni superviser la production. Chaque communauté s’organise librement, met en place ses règles et instances de gouvernance. Ainsi, dans l’un des récits, la question centrale sera le partage des biens. Notamment face aux riches de l’Antémonde, enfermés dans leurs bunkers, avec des produits rares et des vivres en abondance. Dans un autre, un groupe créera une fabrique de vélo dans une ancienne usine. Puis, au fil des années, cet atelier deviendra forge et créera des pièces plus complexes pour alimenter les régions alentour.
C’est la libre organisation, l’échange de bons procédés et la débrouille qui prévalent dans ce nouveau monde. Dès lors, les loisirs et désirs coûteux et égoïstes ne peuvent plus avoir cours. Il n’est plus possible de prendre l’avion pour un weekend, ni de conserver par devers soi quelque chose d’utile pour la communauté.
C’est donc une société dure qui se dessine. Il faut réapprendre à cultiver le sol pour se nourrir, mais aussi à faire la lessive à la main parfois. Ce n’est pas un monde agréable et idyllique, mais il respecte les limites planétaires. La liberté ne se mesure plus à l’aune de l’abondance des ressources naturelles, mais de la volonté collective. Nous en revenons donc également à une pensée convivialiste, à l’instar de la pensée développée par Illich, autre inspirateur du recueil.
Avec Bâtir aussi, les Ateliers de l’Antémonde ont voulu proposer une vision réjouissante, mais lucide, d’une société post effondrement. Ce n’est peut-être pas l’intention de départ, mais en 2020, c’est clairement comme ça que leur récit sera interprété. Cette société est celle que nous pourrions imaginer quand, face aux crises énergétiques, logistiques et alimentaires, nous serons contraints de réinventer nos modes de vie. La vie n’en sera pas facile, mais elle sera possible. Le récit parfois, fait appel à la facilité scénaristique, mais cela lui sera pardonné. Il n’y a pas ici de suspense, de véritable histoire, mais bien la vision d’un monde plus juste. Et en cela, nous ne regretterons pas l’Antémonde, quand ce sera notre tour de bâtir aussi.
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