Les 12 actions du maire contre le coronavirus
Le maire est en première ligne pour combattre l’épidémide de coronavirus . En effet, ses compétences de sécurité publique lui permettent de coordonner les efforts locaux des différents acteurs. Je vous propose de découvrir l’étendue de ses pouvoirs et ce qu’il peut mettre en oeuvre concrètement.
Une circulaire régit les principales dispositions en matière de pandémie grippale. Elle est disponible ici.
Sommaire de l'article
Comment la commune peut anticiper les risques ?
Chaque commune est tenue de rédiger un document nommé le Plan Communal de Sauvegarde (PCS) pour répondre aux urgences la touchant. Institué en 2005, ce document vise à apporter une réponse détaillée et prête à l’avance aux menaces préalablement identifiées.
Obligatoire depuis 2005 pour les communes soumises à un risque naturel, industriel ou minier, il n’est que recommandé pour les autres. C’est un outil opérationnel anticipant les risques pouvant conduire à une situation dangereuse.
Il contient donc une liste des risques susceptibles d’advenir sur le territoire avec un scénario de réponse pour chacun. Ceci permet d’établir une réponse immédiate, sans avoir à réfléchir, et donc à prévenir toute aggravation du risque, notamment suite à un mouvement de panique. Par exemple, il conseille quasi-systématiquement de rester chez soi, de ne pas circuler et de ne pas aller chercher les enfants à l’école. En effet, les bouchons ralentiraient la progression des services d’intervention. Tandis que les professeurs sont formés pour protéger les enfants.
Complémentaires des mesures d’intervention de la sécurité civile du dispositif ORSEC, le PCS apporte une réponse de proximité. Son intérêt réside donc dans la mobilisation des agents et élus locaux, qui connaissent les habitants, le territoire, et peuvent ainsi faciliter le travail des services de secours. Grâce à lui, les services municipaux savent quoi faire, comment, dans quel délai, et avec quels acteurs civils ou institutionnels.
Ainsi, suite à l’alerte, les agents se rassemblent dans une salle de réunion, l’élu et le cadre d’astreinte prennent la direction des opérations et affectent chaque agent à une tâche précise, qui appliquent le scénario prévu.
Enfin, n’oublions pas que les communes disposent parfois de polices municipales pouvant servir aussi dans ce genre de situation.
Et en matière sanitaire ?
En temps normal, le maire s’occupe essentiellement de la santé à travers son pouvoir de police administrative qui lui permet d’édicter des arrêtés et de faire intervenir la police municipale ou ses agents assermentés.
D’une part la santé du consommateur. Il surveille l’hygiène des commerces et des produits mis en vente, et peut donc décider la fermeture administrative des établissements ou des logements. D’autre part la prévention des atteintes environnementales, la pollution notamment, mais aussi les épizooties, les parasites, etc. L’épidémie de H1n1 en 2009 a d’ailleurs renforcé sa légitimité dans la lutte anti-virale.
Ensuite, certaines communes ont des conventions particulières en matière de santé. Héritage d’une politique interventionniste, elles exercent des compétences sanitaires à la place des départements en gérant des maisons de santé. Mais de manière générale, en cas de défaillance de l’offre privée, une commune peut ouvrir un centre médical et y attirer des praticiens par des loyers attractifs, une bourse pour les étudiants, etc.
Par ailleurs, au dessus de 20 000 habitants, les villes disposent d’un service communal d’hygiène. Il s’agit d’agents chargés de vérifier la salubrité des logements. Mais ils peuvent aussi traiter la présence de parasites, insectes, rongeurs, les pollutions diverses, les pollutions environnementales, nuisances de voisinage, etc. Ces agents assermentés sont donc une alternative à la police municipale. Ils pourraient également être mobilisés pour vérifier la bonne application des consignes de distanciation et confinement.
En outre, il peut faire cesser les troubles à l’ordre public. dans ce cadre, il peut réquisitionner des logements, des biens (vivres, véhicules, médicaments, etc) et des personnes. Ceci est soumis au double principe de nécessité et proportionnalité, jugés postérieurement.
Enfin, le maire peut ordonner des mesures d’hygiène et de distanciation à l’entrée des administrations et services publics. Il peut également fermer les services exposant à trop de risques de propagation : écoles, crèches, stades, etc.
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Pourquoi mon maire n’a-t-il rien prévu contre le coronavirus ?
LE PCS découle des risques identifiés dans le Document Information Concernant les RIsques Majeurs (DICRIM). A partir d’une carte du ban communal, ce document procède à un inventaire exhaustif des risques possibles, ainsi que de leur historicité.
Ainsi, pour qu’un risque figure sur le DICRIM, il faut qu’il soit non seulement qu’il soit naturel ou technologique. En outre, il faut pouvoir l’évaluer objectivement. On ne peut pas y faire figurer un risque certes possible mais improbable parce que rien dans le territoire ne l’y prédispose. Une ville sans forêt ne peut pas faire figurer le feu de forêt dans son DICRIM, bien que ce soit possible si une forêt y est planté ultérieurement;
De la même manière, il n’est pas possible d’anticiper un risque d’épidémie dont rien ne laisse à penser qu’un tel risque est susceptible d’advenir Et ce d’autant plus que si le risque est généralisé, sa prévention n’est donc plus du ressort local. Il s’agit dès lors d’un risque national, ce qui implique que ce soit le gouvernement qui l’anticipe. Un maire n’était pas fondé à faire des stocks de masques et de gel hydroalcooliques. Sauf éventuellement pour ceux concernés par un risque Seveso où ils auraient pu servir à protéger la population.
Généralement, les PCS prévoient des scénarios pour les risques industriels connus, les feux de forêt, les inondations, les incendies, les effondrements de cavité souterraine ou de falaises. Vraiment des risques réels et basés sur ce que l’on connait du territoire.
C’est pourquoi, même si les efforts d’une association comme SOS Maires pour faire évoluer les DICRIM vers une prise en compte des risques d’effondrement sont louables, ils sont en fait du ressort du gouvernement, et non des maires. La prise en compte d’une problématique comme la résilience alimentaire ne peut guère passer par ce biais.
Que pourrait faire mon maire contre le coronavirus?
Dans le cadre du coronavirus, il est trop tard pour intégrer un plan d’action dans le PCS. Cela ne signifie pas pour autant que le maire ne peut rien faire.
Ces propositions partent du principe que tant qu’à confiner les personnes, il faut bien que d’autres fassent la logistique. Les médecins soignent, les agents publics servent la population. C’est notre vocation de prendre des risques supplémentaires pour l’intérêt général.
Tenir informé les habitants
Le service communication de la mairie devra pouvoir relayer en continu l’évolution de la situation. Pour éviter les mouvements de panique, les actions irréfléchies et l’encombrement des routes, il est primordial que l’information circule bien. D’ailleurs, les PCS prévoient des fréquences radio de référence pour les messages. Mais ce sont aussi les réseaux sociaux institutionnels qui doivent se faire le relais des consignes.
En outre, la mairie devra être capable d’imprimer rapidement des tracts et affiches qui pourraient être placardées dans les rues et entrées d’immeubles, voire distribués dans les boites aux lettres. En effet, la circulation de l’information pourrait manquer certaines personnes. Le stock d’avance de ramettes et de toner devra être à la hauteur.
Éventuellement, si la commune dispose d’un véhicule sonorisé, il faudra passer dans les rues pour donner des nouvelles. Or, comme les communes financent le matériel des pompiers, elles peuvent prévoir ce genre de matériel dans leurs véhicules.
Idéalement, pour la prochaine fois, la commune devrait disposer des coordonnées de chaque habitant. En effet, avec le RGPD, il n’est actuellement pas possible de détenir ces informations sans consentement exprès. L’obtenir devrait donc être une priorité pour être sûr de pouvoir contacter chaque habitant par un moyen ou un autre.
Recenser les situations compliquées
Les agents municipaux sans compétence spécifique constitueront une hotline pour répondre aux questions des habitants. mais ils pourraient aussi appeler tous les habitants dont ils ont le numéro. Cet appel aura pour but de déterminer si la personne s’est confinée par précaution, suspicion ou cas déclaré, ou même si elle continue à sortir.
Ce recensement permettra de connaitre les difficultés, besoins précis et situations compliquées de chacun. A partir de ces informations, un fichier pourra être constitué par catégorie de situations pour mieux la traiter.
Des personnes malades avec animaux ? Hop, on va chercher les animaux pour les éloigner de leur propriétaire qui ne peut plus les sortir.
Des traitements médicamenteux spécifiques ? Un agent fait la collecte des ordonnances et des médicaments.
Veiller à la bonne application de la distanciation sociale
La police municipale peut être affectée à la surveillance des parcs, espaces naturels et lieux de rassemblement de la population pour veiller à ce qu’aucun attroupement ne se forme et que les distances de sécurité sont maintenues.
Dans le même temps, elle devra vérifier que les magasins non essentiels restent fermés au public. Ce qui ne signifie d’ailleurs pas qu’ils doivent cesser toute activité comme nous le verrons plus loin.
Réapprovisionner les confinés
Dans la mesure du possible, les malades ne devraient pas sortir. de toute manière, lors de la phase critique d’une grippe, nous sommes peu nombreux à en être capable. Ainsi, grâce au recensement et aux auto-signalement effectués par les malades, la commune pourra déterminer le nombre de personnes concernées. Il en est de même pour celles en quarantaine car ayant cotôyé ces malades déclarés.
Le maire peut leur faire livrer des repas, sur le modèle de ce qui se fait pour les personnes âgées. Ce service de secours pourrait en outre permettre aux restaurateurs de continuer une activité. Il faudra peut être recourir à des contenants jetables pour éviter la contamination par retour de la vaisselle.
Organiser la collecte de nourriture
Comme nous le voyons depuis dimanche, les restaurateurs et leurs grossistes sont confrontés à la perte de leur marchandise fraiche. Ceci n’est pas une fatalité, puisque entre le recensement des besoins des personnes et les points suivants, il y a de multiples possibilités pour faire parvenir les produits à ceux qui en ont besoin. D’autant que les restaurants peuvent continuer à cuisiner en vente à emporter ou à livrer. Et oui, tant Amazon que Ubereats vont continuer à faire du profit avec les épidémies…
Ensuite, les communes disposant d’une banque alimentaire ou épicerie sociale pourraient stocker les produits frais ou à la DLUO dépassés pour organiser des distributions de nourriture. En effet, les personnes démunies vont souffrir encore plus de la crise et auront besoin de ce soutien. Pour éviter les afflux, des colis d’aliments pourraient leur être directement livrés en fonction de la taille du ménage.
Mettre en place des structures d’accueil pour les enfants
Le maire va devoir rouvrir les crèches et écoles pour y accueillir les enfants des soignants, voire de ceux qui ne peuvent pas arrêter de travailler. Ces personnes étant d’ailleurs particulièrement exposées à un risque de contamination, il faudra envisager la question de l’hébergement des enfants. Les écoles et crèches disposent déjà de lits et matelas en mousse pour les enfants en bas âge. Ceux-ci pourraient ainsi être hébergé hors du domicile familial, de manière à éviter que les enfants ne contaminent le personnel réquisitionné pour les accueillir.
Multiplier les lieux de quarantaine
Les personnes malades non-critiques ne peuvent rester à proximité de leurs proches, fragiles ou non. Le maire peut réquisitionner des logements vacants pour les y héberger le temps qu’ils aillent mieux. Ou alors, ce sont les proches non malades qui peuvent y séjourner en attendant la fin de la période de quarantaine de leur proche.
D’ailleurs, ceci peut aussi fonctionner pour les hôtels. Tout immeuble non occupé, même à vocation professionnelle, pourrait être assez vite reconverti en « léproserie » d’urgence. D’autant que les mairies disposent généralement de lits pliables pour les situations d’urgence.
De telles mesures pourraient s’avérer indispensables pour les personnes à la rue, SDF ou Migrants, qui vivent dans une promiscuité et une absence d’hygiène peu compatible avec les mesures de confinement.
Favoriser le télétravail
Alternative au point précédent, avec la fermeture des écoles et lieux recevant habituellement du travail, voire de certains services municipaux, de nombreux espaces sont inoccupés. Ainsi, il serait possible de les mettre à disposition de personnes ne pouvant faire de télétravail chez eux pour une raison ou une autre.
Il faudra alors que le service technique communal y installe une connexion internet et des branchements électriques, voire essaie de mettre en place des box pour séparer les personnes.
Prendre des nouvelles des personnes sensibles
Tout comme cela a pu se faire durant la canicule de l’été 2019, les services sociaux communaux appelleront les personnes fragiles. Les personnes âgées sont souvent connues, notamment quand des colis leur sont remis aux périodes de fête. Les CCAS connaissent aussi généralement les personnes handicapées, puisqu’elles les aident pour leurs dossiers MDPH. Dès lors, ces données, croisées avec le soutien des habitants, peut permettre de mettre sur pied une base de donnée des personnes fragiles. Ainsi, chaque jour, un appel pourra leur être passé pour rompre la solitude, les réconforter, déterminer leurs besoins
Ce service peut d’ailleurs être délégué à des personnes confinées chez elles. Le maire peut ainsi coordonner la solidarité entre habitants et mettre en relations ceux qui veulent bien appeler les plus fragiles. De ce fait, les agents communaux feront le le lien avec les volontaires et pourront mieux gérer les situations compliquées.
Aider les commerces non essentiels
Les commerces non essentiels ne peuvent recevoir de public, cela ne signifie pas qu’ils sont fermés. Grâce au recensement des besoins et à la chaîne logistique mise en place, ils pourraient continuer une activité de vente. Ainsi, par l’intermédiaire des agents en hotline et en livraison, les habitants pourraient se faire livrer chez eux ce dont ils ont besoin.
De la sorte, la perte de chiffre d’affaire des commerces concernés serait limitée.
Soutenir la continuité pédagogique
Avec les enfants à la maison, le maintien d’une activité éducative devient plus difficile. On constate par ailleurs que les serveurs des services numériques ne tiennent pas la charge. La mairie pourrait prioriser ses serveurs vers la mise à disposition de contenu pédagogique.
Par ailleurs, le service communication, outre ses tâches d’information, peut également participer à la transmission et à la création de contenu adapté.
Pallier les défaillances des services de transport
La SNCF et les services locaux de transport réduisent la fréquence des navettes. Pour compenser, le maire peut organiser des navettes pour les personnels soignants et les industries vitales ne pouvant fonctionner en télétravail. Ceci est particulièrement utile pour les dessertes nocturnes ou à des horaires atypiques.
Pour le reste de la population, le vélo est une alternative possible aux transports en commun annulés. S’il n’y a pas de vélociste dans votre commune (ceux-ci pouvant rester ouvert), votre commune pourrait mettre à disposition l’atelier technique municipal pour ceux qui ont besoin de faire réparer un vélo.
Un point juridique
Toutes ces mesures ne sont pas sans poser problème. La collecte des données s’oppose ainsi aux règles européennes du RGPD. L’intermédiation proposée par la commune, pour peu qu’elle suppose un flux monétaire, pose la question des régies d’avances et de recettes, qui encadrent la manipulation d’argent par les agents publics. Cela entraînera surement d’ailleurs des dépenses supplémentaires non prévues dans le budget adopté début mars. Et il se pourrait même que la police municipale fasse un peu trop de zèle. Ou encore que le maire mettre en place des choses pour lesquelles il n’avait pas la compétence.
Je crois, à titre personnel, que dans la situation actuelle, il faudra faire preuve de souplesses. De nombreux délais vont sauter. Des obligations s’assoupliront d’elles mêmes. Nous aurons le temps de faire le point plus tard. Il vaut mieux une loi violée pour bien faire qu’une personne contaminée, et potentiellement victime.
Conclusion
Votre maire a une grande influence sur la manière dont votre commune peut lutter contre le coronavirus. Ces douze actions contribueront au respect du confinement en le rendant plus facile pour tous. Il y en a peut être encore d’autres auxquelles je n’ai pas pensé d’ailleurs. De la sorte, nous pourrons mettre plus vite un terme à cette pandémie.