Les 5 agents publics de la transition écologique locale

Ça y est, vous venez d’être élu-e maire. Nous sommes début 2020 et vous voulez engager la transition dans votre commune sans savoir quoi faire. Voici le guide des 5 profils que vous devez impérativement recruter dans votre personnel pour commencer la transition écologique de votre territoire. C’est tout autant une question de rapidité de la prise en compte des risques pour votre commune que de rassurer les habitants sur votre détermination à transformer le territoire.

Un-e chargé-e de mission transition écologique

C’est la clé de voûte de votre réforme des actions municipales en vue d’une transition écologique locale. Il coordonnera de fait les efforts de tous les autres agents de la transition et définira la feuille de route à suivre pour y parvenir.

Ainsi, il fera le lien entre le personnel municipal, les élus et les habitants pour procéder aux adaptations nécessaires. Les habitants ont des besoins, mais peut être existent-ils d’autres manières plus écologiques d’y répondre. Les élus ont leur vision des choses, leurs aspirations, mais ils ont besoin d’une veille technique pour trouver des solutions ou élargir leur perspective. Les services fonctionnent dans une procédure routinière depuis longtemps, pourtant des améliorations bas carbone pourraient révolutionner la manière de faire. Ces 3 aspects sont au coeur de sa mission.

Mais il devra par ailleurs s’occuper aussi d’impliquer les associations locales, les entreprises – aussi bien commerces et professions libérales que usines et centres commerciaux – et les autres administrations pour engager une démarche collaborative qui s’applique au plus grand nombre par de multiples vecteurs. Par exemple, dans le cadre de la démarche cit’ergie, elle ne devient réellement intéressante que si d’autres acteurs s’en emparent et s’en inspirent pour améliorer leurs propres pratiques.

De formation Master en environnement, développement durable, il devra surtout être passionné par son métier, avoir de la disponibilité pour rencontrer les partenaires non-professionnels et habitants en soirée, et savoir être fédérateur. C’est en fait un commercial qui offre un avenir meilleur pour tous. Visez donc un profil attaché territorial pour lui.

Un-e technicien-ne spécialiste de l’énergie

Pour suivre la démarche cit’ergie justement, dont nous parlions plus haut, il vous faut un technicien. C’est à dire l’interlocuteur idéal pour faire le lien avec les entreprises, l’ademe, les élus en charge des travaux et marchés publics.

Il doit être capable de comprendre les enjeux et modalités de la rénovation thermique, de la baisse de la consommation, de la mise en oeuvre d’énergies renouvelables en auto-consommation sur les infrastructures municipales, voire branché réseaux de chaleurs, machines thermiques et frigorifiques et autres solutions collectives. Si en plus il maitrise AutoCad, c’est un plus, mais à force de demander trop de compétences, on se dirige plus vers un profil ingénieur.

Par ailleurs, il pourrait être l’interlocuteur dédié pour animer en plus un espace info énergie municipal, réaliser des thermographies pour souligner les besoins par un exemple concret et proposer des solutions aux habitants.

D’autant que l’enjeu de la rénovation porte sur les copropriétés dégradées qui ont besoin d’un accompagnement spécifique pour faire l’audit des besoins, convaincre tous les habitants de la nécessité de rénover, trouver les aides et les prêts pour financer les travaux, et les suivre par la suite. Il n’aurait pas le temps d’assumer cette mission, mais pourrait faire l’intermédiaire avec des associations spécialisées, comme Alter Alsace Energie par exemple pour les alsaciens.

Pour ce profil, un diplômé d’un DUT génie Thermique et Energie est un bon choix. Des ingénieurs ou architectes peuvent postuler à ce genre de poste, mais dans ce cas, c’est à vous de voir en fonction de votre ambition en la matière. Un profil supérieur sera plus utile pour un service mutualisé au sein d’un EPCI par exemple, alors que localement, un-e technicien-ne devrait suffire à vos besoins.

Un-e Maitre Composteur

Pour porter la démarche de prévention et de réduction des déchets, vous n’avez pas énormément de solutions, il faudra passer par le compostage. Et au vu de l’imminence des changements dans la prise en compte des bio-déchets (échéance 2024), autant s’y mettre rapidement.

Il visera en priorité compostage partagé en pied d’immeuble ou dans un espace vert, là où il pourra toucher le plus d’individus et enclencher des dynamiques vertueuses d’implication dans la prévention des déchets.

Car il a une triple mission : information des habitants, formation des référents et guides, suivi de la mise en place des composteurs partagés. C’est à dire à la fois sur le terrain, avec les élus et techniciens municipaux, mais aussi dans les écoles, dans les manifestations publiques, dans les jardins partagés.

Éventuellement, il peut aussi démarrer la campagne de réduction des déchets en soutien à l’intercommunalité. A commencer par les gaspillages au sein de l’administration municipale, dans la gestion des espaces verts, mais aussi dans les cantines scolaires (le gaspillage alimentaire étant un complément indispensable de son poste) et dans les équipements prêtés pour les manifestations privées, culturelles ou sportives.

Il n’y a pas de profil type pour ce genre de poste. Les maîtres composteurs actuels sont formés en France sur un parcours agréé par l’Ademe d’une durée de deux semaines avec un mémoire portant sur un projet concret de compostage. Cette formation n’est pas encore intégrée dans les formations professionnelles. De ce fait, recruter un-e diplômé-e en BTS des services à l’environnement option déchets serait idéal, mais des formations axées paysagiste ou naturaliste sont aussi envisageables. Pour le coup, lui aussi serait en catégorie technicien, même si j’ai souvent vu de tels profils en agents techniques, ce qui est un contresens au vu de la partie planification et élaboration qu’ils supportent.

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Un-e Maraicher-e

La résilience alimentaire locale passe par la mise en culture de tout ce qui peut servir à faire pousser des légumes, des fruits, et autres produits indispensables à une alimentation équilibrée et respectueuse de son environnement. Dans cette perspective, plutôt que de recruter un chargé de mission plan alimentaire territorial, qui peut attendre un peu, je vous propose de passer directement à l’agent de terrain de cette autonomie locale.

Sur le même sujet :  Les 5 super pouvoirs du maire pour la planète

Il aura d’abord un rôle de conseil et de formation à votre service technique. En effet, avril-mai est une saison idéale pour revoir la gestion des espaces verts. Pourquoi planter des fleurs saisonnières alors que des vivaces pourraient les remplacer avantageusement. Et si ces bacs servaient à faire pousser des légumes, à l’instar de la méthode incroyable comestible, qui s’en plaindrait ? Quelles semences planter dès le mois de mai pour récolter, purifier un sol, le fertiliser ? Quels terrains choisir en priorité ? 

Et ces friches, ces espaces laissés à l’abandon, que pouvons nous en faire ? Si pour certains, la biodiversité qu’ils abritent est trop riche pour être remise en cause, dans d’autres une mise en culture pourrait être avantageuse pour tous. A la campagne, des terrains sont ainsi souvent abandonnés et redonnés à la forêt, alors qu’ils pourraient être plus efficaces pour d’autres objectifs locaux.

Son rôle pourra donc être aussi décliné plus tard en classe et en périscolaire pour animer des ateliers avec les enfants et ainsi les faire participer à la mise en culture de certaines parcelles, qui serviront ensuite à alimenter la cantine scolaire. Idéal pour faire comprendre l’alimentation saine aux enfants.

Pour ce poste, visez les lycées agricoles et les BTS agronomie et production végétale. En Alsace, le lycée d’Obernai propose même une licence professionnelle agriculture biologique, qui est idéale pour ce genre de poste entre production et formation/animation.

Un-e Chargé-e de mission démocratie collaborative

La pierre d’achoppement de la gouvernance locale nationale est l’implication des citoyens dans la prise de décision. C’est pourquoi, plutôt que de parler de participation, nous proposons la collaboration. C’est à dire la participation à l’élaboration des politiques publiques, jusqu’à leur décision, considérant que le mandat impératif étant interdit, il n’est pas possible de contraindre la décision.

Dans cette perspective, un chargé de mission pourrait servir aussi bien à impliquer plus les citoyens que les agents dans la prise de décision. Le point critique de sa tâche est de le dégager de toute tentation d’instrumentalisation partisane, voire de le dégager de l’emprise du maire ou président d’EPCI, pour en faire une sorte de médiateur au service des habitants, associations et agents. Dans le cas contraire, il lui est souvent reproché d’agir pour sa hiérarchie.

Ainsi, il pourra multiplier librement les réunions de quartier, aller au contact des habitants, faire l’intermédiaire avec les élus et services. Libéré des entraves politiques, il pourra se mettre au service de la transition écologique, porter le discours de la vérité de l’urgence climatique et aider les habitants à décider des mesures à mettre en oeuvre.

Car son rôle est clair, il doit contribuer à l’émergence d’une convention citoyenne pour le climat, chargée de redéfinir le contrat social local, de réfléchir au temps long de la nature pour nourrir les projets. Bien que formée comme une commission extra-légale, cette convention devra être capable de faire pression sur les élus pour que leurs décisions respectent l’urgence climatique. Dans ce cadre, le rôle du chargé de mission sera fondamental pour leur apprendre la manière de faire et les aider à concrétiser.

Dès lors, pour le profil, visez un fonctionnaire de carrière, rédacteur ou attaché, convaincu de l’urgence climatique, mêlant expérience militante et administrative, si possible avec une formation de type sciences politiques. Ce peut être également un membre de votre administration que vous faites évoluer, constatant qu’il connait déjà le fonctionnement interne et externe de la collectivité, ce qui serait un atout.

Quel portage salarial pour ces agents

Selon la taille de votre commune, tout ne sera pas possible. Cette sélection présente une cohérence interne, puisqu’ils fonctionnent les uns avec les autres et s’appuient mutuellement. Il faudra faire des choix ou envisager un autre portage pour ces agents. Le changement d’échelle s’effectue autour des 15-20 000 habitants, ce qui est justement le seuil des intercommunalités.

L’intercommunalité s’impose comme le choix le plus logique. En effet, avec sa compétence déchet, elle abritera facilement le maître composteur, qui s’intégrerait bien dans un service environnement comportant également le chargé de mission transition écologique. Ensuite, le(s) maraîcher(s) pourraient rejoindre le service technique sans soucis. Quant au chargé de mission démocratie collaborative, il y aurait également sa place adossé au conseil de développement obligatoire dans les intercommunalités de plus de 50 000 habitants et les Pôles d’Equilibre Territorial et Rural (PETR). Enfin, le technicien en énergie, vu la compétence PCAET, il pourrait également y trouver sa place.

Mais justement, les PETR s’affirment de plus en plus comme l’échelon cohérent dans les territoires ruraux pour de telles mutualisations. cependant, les agents y perdent en proximité avec les habitants, en pouvoir d’agir concret aussi – les PETR n’ayant guère de compétence propre et très peu de moyens financiers – au profit d’une vision stratégique. C’est une option, mais pas ma préférée, vous l’aurez compris.

Il reste une dernière option, former un groupement d’intérêt public. Ce format présente l’avantage de pouvoir inclure de nombreux types de collectivités publiques autour d’une structure relevant elle même de droit public sans pour autant avoir à lui déléguer de compétences qu’il exercerait au nom de ses membres. Néanmoins, cela occasionne des frais supplémentaires de gestion d’un établissement public (directeur, comptable, etc.)

Conclusion

Ces 5 profils seront le fondement de votre transition, grâce auxquels vous pourrez fonder l’adhésion et l’implication de la population dans la démarche de neutralité carbone et d’adaptation. Avec eux, vous pourrez parvenir non seulement à l’exemplarité de l’administration, mais aussi à la résilience alimentaire et énergétique locale, tout en minimisant vos impacts sur l’environnement.

La difficulté sera de les intégrer dans le budget de l’année, alors que ces 5 profils représentent une dépense supplémentaire de 200 000 euros annuels, sans compter les frais occasionnés par leurs activités propres. Dès lors, l’idée d’un portage intercommunal ou plus large peut s’avérer pertinent pour certains d’entre eux.

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Nicolas Falempin

Cadre de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de l'environnement.  Mélange droit public, transition écologique et tasses de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.

Une réflexion sur “Les 5 agents publics de la transition écologique locale

  • 18 octobre 2023 à 18 h 38 min
    Permalien

    Bonjour
    Je souhaite des renseignements pour l’installation d’un toilette sèche sur le terrain communale.
    Cordialement
    G. Leclercq
    Maire délégué

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