Une autre fin du monde est possible
Une autre fin du monde est possible est un ouvrage envisageant des pistes pour adoucir la crise climatique. Il ne s’agit pas de proposer des alternatives techniques ou des pistes de réduction de notre consommation, mais de l’accompagnement des personnes et des groupes englués dans ce processus. Ses auteurs sont déjà bien connus dans le milieu de la collapsologie. Pablo Servigne et Raphaël Stevens sont en effet les auteurs de « tout peut s’effondrer. » Gauthier Chapelle, agronome comme Servigne, a écrit plusieurs essais sur l’agronomie et l’environnement. Ils ont déjà tous les trois collaboré sur un précédent ouvrage, « l’entraide l’autre loi de la jungle ».
Sommaire de l'article
Surmonter le traumatisme
Tout part en effet de la prise de conscience de l’effondrement vraisemblable de notre société. Partant de la célèbre courbe de deuil, un auteur nommé Paul Chefurka a bâti une échelle de la prise de conscience de l’urgence climatique. Pour franchir les différentes étapes, en accepter les conséquences, assumer l’anxiété qui va avec cette compréhension, les auteurs proposent des outils de soutien aux individus.
En prenant l’exemple des survivants de catastrophes naturelles ou d’individus apprenant qu’ils sont atteints de la chorée de Huntington (maladie neurologiques dégénérative se déclenchant vers 40 ans), les auteurs reviennent sur la manière d’annoncer les mauvaises nouvelles, de les accepter et de vivre avec. L’intériorisation de ces traumatismes est une part essentielle de la reconstruction de l’individu.
Pour y parvenir, les auteurs mobilisent le concept d’espoir en mouvement popularisé par Joanna Macy, fondatrice de l’écopsychologie. Il s’agit de ne pas croire passivement que quelque chose va arriver parce qu’on le souhaite, mais de chercher activement à l’atteindre. Appliqué à la collapsologie, cela ne signifie pas provoquer l’effondrement, mais s’y préparer, et ainsi ouvrir de nouvelles perspectives. C’est justement par cette implication dans la dynamique du changement que les individus peuvent retrouver foi en l’avenir.
Préparer l’effondrement
Une autre fin du monde est possible à condition de savoir la mettre en oeuvre. Pour cela, la clé en est la résilience des systèmes. Ce concept, que nous avons déjà abordé sur solutions locales, est rendu possible par l’interconnexion des disciplines scientifiques et des composantes de la société. C’est en s’ouvrant les une aux autres, pour mieux se reconnecter, que nous pourrions imaginer de nouvelles manières de faire société.
Car nous allons devoir sortir de cette société qui prône la liberté individuelle grâce au mythe de l’abondance des ressources naturelles. Reprenant la métaphore du Matsutake, ce champignon japonais poussant dans les ruines, les auteurs imaginent ainsi la réappropriation du monde sur les ruines de l’ancien. Les ZAD n’en seraient alors qu’une manifestation précoce.
Mais pour cela, nous devons sortir du second mythe, celui de la compétition comme seul mode viable de coexistence. Ou encore le troisième mythe, le progrès comme solution à tous les problèmes. Cela signifie incidemment que l’effondrement nécessite une bataille culturelle pour forger de nouveaux récits propice à cette résilience. Ce récit peut être celui de la vie dans le monde d’après, comme dans Bâtir aussi. Il peut s’agir également du récit de la grande mobilisation, de ceux qui réduisent leur mode de vie, qui mettent en oeuvre le changement.
Changer le monde
Pour bâtir une société capable de résister au changement climatique, il faudrait rebâtir les relations entre les individus. Les auteurs sont effet convaincus que l’entraide est le moteur de cette nouvelle société à venir. Pour cela, il faut développer de nouveaux rites, des ateliers pour éveiller la conscience de chacun à la nécessité de nos liens envers autrui. Il s’agirait de sortir d’une sorte d’adolescence émotionnelle, mais aussi du surcroît de masculin – avec les outils notamment de l’écoféminisme – pour améliorer ces relations. Nous aurons aussi besoin de réseau pour connecter ces initiatives, de groupes d’entraide et d’écoute pour accueillir les individus, les renforcer, les préparer à ces changements.
Il s’agit donc d’apprendre à reconsidérer notre rapport au monde. Les autres individus, les animaux, les espaces naturels ne sont pas des ressources qui nous sont offertes. Il faut apprendre à travailler en bonne intelligence avec toutes les composantes de la Terre. De ce fait, il nous faut trouver une nouvelle place qui ne soit pas celle d’un dominant mais d’un partenaire. Il reste encore beaucoup à faire pour y parvenir et préparer l’effondrement de la civilisation, mais les bases sont déjà là.
Conclusion
Une autre fin du monde est possible me laisse une impression ambivalente. D’un côté, j’ai découvert des perspectives sur la prise en compte psychologique de l’effondrement, qui me paraissent utiles. De l’autre, j’ai pourtant l’impression que ce livre ouvre beaucoup de pistes sans rien proposer de concrets. C’est plus une recension d’ouvrages intéressants qu’un guide pratique de préparation psychologique de l’effondrement. En ce sens, il m’apparait un peu en-deça de son objectif, tel que je me l’étais figuré tout du moins.
Une autre fin du monde est possible reste néanmoins intéressant pour les perspectives qu’il ouvre de travail sur soi et sur les communautés. Il sera dans ce cadre intéressant pour travailler le cadre des futurs communautés résilientes, pour appréhender la tension chez ceux qui découvriront la perspective de l’effondrement, a fortiori quand il sera imminent. Et pour les aider à surmonter cela, il va falloir nous y préparer collectivement.