Créer une bibliothèque dédiée à la transition
Pour embarquer les habitants de votre commune dans la transition écologique locale, une action simple et peu coûteuse est de mettre à disposition dans la bibliothèque communale plus d’ouvrages portant sur les raisons et les moyens d’engager la transition.
Sommaire de l'article
Des bibliothèques pour la transition
La bibliothèque reste dans nos communes, quelle que soit leur taille, un tiers lieu – c’est à dire un lieu alternatif au domicile et au travail – où les habitants peuvent se rencontrer, discuter, voire assister à des événements si la configuration des lieux le permet.
A ce titre, elles sont idéales pour y encourager les usagers à entrer dans la transition municipale plus activement. Non seulement à travers le fonds documentaire, mais également via des animations (conférences, ateliers, projections), des expositions et les discussions sur place.
C’est aussi un lieu d’éducation des enfants. Ils y découvriront des pratiques et y apprendront des choses qui les marqueront durablement. Et même, ils pourront en parler chez eux et influencer le comportement des parents. En effet, les parents sont plus prompts à adopter un comportement quand il est porté par leur enfant plutôt que par un autre adulte. Une attitude qui est déjà très exploitée dans l’éducation à l’environnement.
Ensuite, disposer d’un fonds dédié à la transition est une bonne idée en cas de souci. Sans vouloir faire de collapsologie, certains savoirs se perdent, alors qu’ils sont essentiels aux communautés humaines. Si les supermarchés ne sont plus alimenté régulièrement, il faudra des savoirs sur l’exploitations des sols. Si l’électricité n’est plus fournie, comment faire, etc. Ce fonds sera un précieux allié pour organiser l’autonomie alimentaire et logistique de la commune.
Enfin, mettre en avant par l’éducation et la culture de telles idées provoquera le débat chez vos habitants. Ce qui est salutaire pour parvenir à une appropriation collective des changements nécessaires à mettre en oeuvre. Ces idées, ces débats permettront de définir ensemble le plan de route du territoire. Il se traduira ainsi dans les instances de démocratie collaborative qui accompagneront la transformation.
La bibliothèque comme exemple de la transition communale
Au-delà de la question des médias permettant de s’emparer du thème de la transition écologique locale, les bibliothèques peuvent devenir des exemples de sa concrétisation.
En effet, de par leur réalisation et leur fonctionnement, les bibliothèques doivent devenir exemplaires. Le ministère de la Culture l’a d’ailleurs récemment compris à l’issue de colloques sur la transition dans les bibliothèques qui offrent des perspectives intéressantes.
D’abord, les bâtiment doivent être architecturalement et énergétiquement efficients. Une bonne isolation thermique et des espaces clos pour minimiser les besoins en chauffage. Un recours à l’ensoleillement pour éclairer (et chauffer). Mais la norme BBC pose des problèmes d’humidité incompatibles avec la conservation des livres, ce qui suppose une adaptation particulière.
Ensuite, elles doivent privilégier des supports durables. Les livres devraient être imprimés localement, avec du papier recyclé ou FSC et un label imprim’vert. mais cela suppose aussi de vérifier avec les éditeurs qu’ils ne surproduisent pas d’ouvrage dont une partie finira au pilon. Des contraintes en ce sens peuvent d’ailleurs être intégrés dans les marchés publics.
Enfin, les bibliothèques doivent considérer activement leur mode de gestion des déchets. Par exemple, au moment du désherbage des fonds, il faudra éviter de simplement jeter les documents. Des filières comme recyclivre sont idéales pour ça. les Dvd et CD peuvent être recyclés via une filière adaptée.
Par ailleurs, elles ne pourront échapper à des questions annexes comme les modes de déplacement des usagers et intervenants. Venir en voiture pour emprunter des livres sur l’écologie, pas terrible. Faire 500 km en voiture pour faire une conférence sur la transition ou un concert, pas mieux. Pourquoi ne pas chercher un intervenant local ou faire une visioconférence. La bibliothèque devra donc être favorable aux mobilités douces et privilégier les animations locales.
Quels livres acheter ?
Il est difficile de définir précisément une liste idéale de livre, cela dépendra des spécialistes et des bibliothécaires. France Inter s’était essayé à l’exercice en définissant une liste de 100 penseurs de l’écologie. Cet inventaire est intéressant de par la somme intellectuelle qu’il collecte, mais se concentre trop sur la réflexion et pas sur l’action.
Une bibliothèque de la transition écologique doit aussi inclure des ouvrages techniques, des films relatant ce qui s’est fait ailleurs, des jeux expliquant de manière ludique la transition, des magazines jeunesse et adulte spécialisés, etc.
Il faudrait ainsi penser aux techniques de maraîchage urbain et d’agriculture écologique (permaculture, agroforesterie, sylvopastoralisme, etc.) Mais des livres sur l’artisanat sont aussi nécessaires, comme par exemple la production d’électricité, l’électronique, la plomberie, la poterie, la métallurgie, la menuiserie, etc. Et ce fonds ne devra pas négliger les savoirs scientifiques comme la biologie, la chimie, la météorologie, entre autres domaines, qui seront indispensables à une résilience locale.
La taille de ce fonds est une question délicate. Pour la perfection du nombre, nous pourrions viser un objectif des 100 livres indispensables pour une transition écologique locale. Ce serait exhaustif mais imparfait néanmoins de par les lacunes dans des sujets bien spécifiques. Le ministère de la transition tient par ailleurs un recensement de toutes les publications sur l’environnement, mais n’envisage pas l’aspect résilience.
Pour autant, le sujet n’est pas aussi facile que ça pour les bibliothèques, dont la méthode de classification est très rigide, ce qui les empêche – contre le bon sens – de regrouper tous les ouvrages nécessaires à une compréhension globale du sujet au sein d’un même rayon. Un catalogue sera une réponse à cette limitation, sans la résoudre totalement.
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Engager le personnel dans la démarche de transition
Cependant, la démarche de la transition écologique ne pourra pas fonctionner sans l’implication du personnel.
Pour commencer, organisez un atelier avec ceux qui sont déjà sensibles au sujet voire passent à l’action. Par exemple, à Paris, le personnel de la bibliothèque de la Canopée a réfléchi sur ce sujet. Tous ensemble, ils ont défini leurs points forts et faibles sur la transition pour élaborer ensuite un plan d’action.
La réflexion en intelligence collective, qui va de pair avec la libération du personnel, est de ce fait indispensable. Les agents doivent réfléchir par eux-mêmes, voire aidé par un chargé de mission transition, sur les changements à apporter. Aussi bien sur le fonctionnement même de la bibliothèque, comme vu précédemment, que sur leur posture en la matière, voire dans les écogestes qu’ils peuvent faire comme habitants chez eux et au travail.
Dès lors, des formations sur l’environnement ne seront pas de trop. En effet, un agent réticent et au comportement ouvertement écologiquement irresponsable pourrait nuire à vos efforts d’éducation à l’environnement. Un outil participatif comme la fresque du climat serait idéal pour commencer et animer la réflexion interne.
Le rôle du département
Les conseils départementaux possèdent eux aussi la compétence lecture publique. C’est grâce à cela qu’ils peuvent entretenir des bibliothèques départementales censées intervenir dans les villes de moins de 10 000 habitants. Cette intervention se décline généralement aussi à travers les bibliobus sillonnant la campagne pour proposer des points temporaires de retrait de livres.
Ce mode de fonctionnement pose problème. Les départements en ont d’ailleurs conscience et font évoluer leurs pratiques. Le bibliobus devrait il devenir électrique ? Ne faudrait il pas développer le prêt de livre numérique pour éviter d’avoir à se déplacer ? De nombreuses questions auxquelles nous ne pourrons répondre ici hélas.
En tout cas, le département dispose certainement de références et de livres auxquels vous n’avez pas pensés. Avec plus de places et de moyens d’acquisition, ils peuvent se permettent de constituer des fonds thématiques très spécialisés. Ainsi, ils seront certainement de bons conseils pour déterminer les ouvrages à acquérir en priorité.
Et même, ils pourront vous en prêter certains en attendant que le marché public d’achat ne vous livre. De quoi déjà initier débat et prise de conscience parmi la population.
Quels moyens pour une bibliothèque de la transition écologique ?
Par ailleurs, un processus d’acquisition de livres portant sur l’environnement pourrait d’ailleurs bénéficier de subventions. En effet, il permettrait non seulement d’élargir l’audience des lieux, mais aussi d’apporter de nouvelles perspectives aux enfants et lecteurs adultes. Ce qui réduirait la facture, bien que la constitution d’un fonds minimal sur la résilience et l’urgence climatique puisse être estimé à environ 2500€ pour une centaine de documents.
La priorité devrait ainsi porter sur l’acquisition d’ouvrages. Les autres aspects architecturaux et fonctionnels de votre bibliothèque peuvent attendre. L’année de votre élection, un marché public de quelques milliers d’euros suffira amplement.
Le fonds documentaire ainsi acquis pourra être complété par des animations locales. par exemple des conférences sur l’agriculture urbaine, le compostage, le mode de vie zéro déchet. Mais aussi des repair cafés, des trocs de graine, des projections de film, etc. La bibliothèque se prête par définition à l’échange des savoirs et donc à la diffusion des compétences nécessaires à la transition. En la matière, pas besoin de gros besoin, de nombreux intervenants seront certainement prêts à intervenir gratuitement, en étant juste défrayés pour leur frais, ravis de faire intervenir leur association chez vous.
Conclusion
La bibliothèque municipale est au coeur de la politique de transition écologique de votre territoire. Vous devez donc la considérer comme un objectif prioritaire pour informer et éduquer la population. Et ce d’autant plus que le budget pour commencer est assez faible et offre un bon retour sur investissement.