Le drôle de voyage de Mister Green – Rob Greenfield
En 2013, l’activiste écologiste Rob Greenfield s’est mis au défi de faire un voyage de 7600km en vélo. Cette traversée des Etats-Unis depuis la Californie jusqu’au Vermont, si elle est particulièrement longue, n’a rien d’innovant. Ce qui l’est, c’est la démarche derrière de la tenter en quasi autonomie, en essayant de montrer la difficulté à vivre dans un monde où les ressources sont limitées, et l’énergie peu abondante.
La démesure dans la sobriété
Pour accomplir son voyage, Rob Greenfield s’est imposé de très nombreuses contraintes. Il n’a pas droit d’utiliser d’électricité du réseau, de sorte qu’il recharge ses appareils avec des panneaux photovoltaïques. Cela veut dire aussi qu’il refuse, quand il dort chez une personne, d’allumer la lumière, la télévision ou une plaque de cuisson pour lui-même. Son moratoire est étendu à l’eau du robinet ou vendue en bouteille. Il ne boira pendant 105 jours que de l’eau en bouteille jetée, des fuites de canalisation ou de l’eau douce puisée dans les rivières. De même, il se lavera et fera la lessive également dans les cours d’eau croisés sur sa route.
Côté nourriture, c’est la même histoire. Il ne s’autorise à acheter que de la nourriture qui soit à la fois locale (rayon de 400km), bio (selon le label Organic Valley essentiellement) et sans emballages. Et quand il n’en trouve pas, il fouille les poubelles et s’autorise alors à manger tout ce qu’il trouve sans restriction. En limitant ainsi drastiquement ses déchets, et en conservant ceux qu’il aura malgré tout généré, Rob Greenfield finira son voyage avec à peine plus d’un kilo de déchets.
On peut rapprocher ce défi de celui que s’était lancé l’écrivain new-yorkais Colin Beavan en 2009. Dans son récit No Impact Man, il racontait comment il s’était déconnecté du réseau électrique durant un an, avait appris à manger bio, à réduire ses déchets et à renoncer à l’automobile. Un défi lui aussi totalement dingue, puisque vivant dans un gratte-ciel, il s’imposait donc de descendre et monter sans ascenseur.
Mais là où No Impact Man était pour moi un échec, relevant plutôt du fantasme de la classe aisée, Rob Greenfield réussit son pari en proposant une histoire extraordinaire.
Un road trip hallucinant
Sans être infaillible, sa détermination sur une aussi longue distance force le respect. Il frise néanmoins le ridicule dans de nombreuses situations. En effet, ses règles poussées à l’absurde le contraignent à passer plusieurs heures à chercher de l’eau ou de la nourriture chaque jour. Il répète parfois en boucle à quel point il a faim, manque de glucides et d’énergie. D’autres fois, il délire à moitié, rendu fou par la soif.Il ne s’est pas rendu la vie facile à vrai dire. Et pour rendre les choses plus compliquées, il se lance des défis caritatifs totalement idiots comme rouler pieds nus pendant 1000 km ou sans selle pendant 500km.
Bien qu’il n’en parle pas explicitement, la réduction de son empreinte carbone est au coeur de sa démarche. Réduire le train de vie de la société américaine est une nécessité, il ne cesse de le répéter. Pour autant, le problème n’est pas seulement individuel, mais bien structurel. Il réussit ainsi dans le même temps à nous montrer l’immense gaspillage des conditions de vie actuelle de l’Amérique du Nord, et ce que font déjà des pionniers. Il peut ainsi découvrir des dizaines de kilos de nourriture encore consommable dans une poubelle, puis passer dans une exploitation agricole vertueuse, ou arpenter un territoire qui n’a pas cédé aux sirènes du tout voiture. C’est aussi tout le paradoxe d’une Amériques aux milles facettes.
Conclusion
Et le plus fort dans tout ça, c’est son mental à tout épreuve. Il doute beaucoup, remet en question son défi, se lamente sur sa faim, sa soif, sa fatigue, mais il continue à avancer. Il sait nous charmer avec ce qu’il présente comme de la naïveté, nous fait rire avec des gags à peine croyable. Dans son voyage, Rob Greenfield n’apparait pas comme un cadre sup en mal de rédemption, mais bien comme un porteur d’espoir, qui transmet sa joie de vivre, son optimisme même, à ses lecteurs. Il est difficile de ne pas céder à son enthousiasme.
Vous pouvez acheter le livre sur le site de son éditeur français, ou encore découvrir le blog de Rob Greenfield