Organiser un carnaval écologiquement responsable

Héritage de traditions antiques liées à des cultes orgiaques, le carnaval est censé incarner pour les chrétiens la dernière occasion de s’amuser, de manger des aliments gras, d’avoir des rapports sexuels, avant la fête de Pâques, rappelant ainsi la période de jeûne de Jésus dans le désert.

Très populaire dans les parties Nord-Est et Sud-Est de la France, le carnaval est une tradition festive qui a donné lieu depuis quelques années à une dérive vers des pratiques toujours plus climaticides. Il convient de corriger cela pour revenir à une célébration tout aussi joyeuse et populaire, mais plus durable. Comment organiser un carnaval zéro déchet et bas carbone ?

D’une manifestation zéro déchet

Des déguisements fabriqués en DIY ou conçus pour durer

Pas de carnaval sans déguisement, c’est l’essence même de cette manifestation que de se travestir pour, dans une autre identité permise par l’anonymat, s’adonner à ce que l’ordinaire ne permet pas. Pour autant, les costumes jetables, de mauvaise qualité, ou à usage unique sont à prohiber.

Ainsi les enfants pourraient tout aussi bien recourir à des costumes fabriqués eux même avec des matériaux de récupération apportés par les parents et assemblés dans des ateliers dédiés le mercredi. Ce ne sont pas les modèles qui manquent.

Les écoles pourraient même fabriquer des accessoires et pièces de costume qui pourraient être réutilisés d’année en année, toujours grâce à la récupération et à l’astuce. Les déchetteries pourraient d’ailleurs se révéler un précieux gisement de matériaux, pour peu qu’elles soient gérées en régie directe par les collectivités.

De manière générale, s’il faut récompenser un costume, récompensez celui qui est le plus respectueux de l’environnement, pas le plus cher ni le plus beau.

des idées de costume fait maison en récup par

Un matériel réutilisable

Les carnavals sont toujours l’occasion de s’amuser, de manger des produits qu’on ne trouve pas à la maison (américains, churros, tarte flambée, etc.) et des boissons également. Généralement servis dans des emballages jetables en plastique ou en carton.

Pourtant la collectivité pourrait faire appel à des services de location de verres et d’assiettes réutilisables (généralement moins de 10€ la centaine de pièces) voire en faire fabriquer pour son propre usage, et les réutiliser à chaque manifestation, les prêter à des associations (qui doivent les rendre propres). Une assiette ou une écocup ne coûtent guère que 50 cents à fabriquer et, bien entretenues, peuvent durer des années sans souci, considérant qu’elles sont plus écologiques que leur équivalent jetable à partir du 10e usage.

Les professionnels pourraient être incités à accorder une réduction pour les personnes venant avec leur propre matériel, et pour ceux qui ne viennent pas équipés, à utiliser le matériel communal contre consigne. Cela pourrait aussi se concrétiser à travers le prix de la licence d’occupation du domaine public, qui varieraient en fonction de l’effort des professionnels, ce qui est légal puisque les conditions ne sont pas les mêmes.

Par ailleurs, même si ça semble une bonne idée au début, le matériel compostable ne l’est pas vraiment. Généralement refusé par les plateformes de compostage industriel, il se dégrade assez mal, en tout cas pas aussi rapidement que les autres biodéchets, et reste de toute manière un déchet à gérer.

un kit pratique ici.

De la nourriture récupérée

Et pour aller plus loin, certains produits pourraient même être récupérés auprès des producteurs locaux, des supermarchés, pour limiter le gaspillage alimentaire et donner des idées de recette anti-gaspi.

Allons y donc pour les salades de fruits gâtés et les compotes de fruits trop mûrs, avec les soupes de légumes un peu mous, et des tartines de pain de l’avant veille avec leur tartinade de légumes moches.

Rappelons que la DLUO (rebaptisée date de durabilité minimale) est indicative et n’a pas de valeur sanitaire. Les produits sont consommables mais moins frais !

L’occasion de grands ateliers cuisine pour petits et grands en prélude à une fête endiablée !

un kit pratique ici

Une décoration mutualisée ou biodégradable

Carnaval c’est aussi des confettis, des guirlandes, des lampes, des ballons, des nappes, des cadeaux, des pétards et tutti quanti de matériel décoratif à durée très très limitée. Toutes ces choses que l’on retrouvera dans les rues le lendemain matin en se disant que les gens sont vraiment des porcs. Pourtant, si on ne les leur fournissait pas, il n’y aurait pas de problème…

Par exemple, à l’automne, les feuilles mortes pourraient être récoltées et transformées en confettis biodégradables et sans impact carbone …

Les pétards et ballons pourraient être interdits (leur impact négatif sur l’environnement étant largement connus), les décors fabriqués durablement, en se demandant ce qu’on possède déjà, ce que d’autres peuvent nous prêter, en regardant sur des sites de don, en allant voir les commerçants pour leur rebut, etc.

Quelques idées ici

Une communication restreinte et réutilisable

Et pour annoncer ce festival, ce carnaval, il est probable que votre commune ait distribué des tracts à tout les habitants, déposé des affiches chez les commerçants de tout le canton, imprimé des banderoles en plastiques pour les entrées de village. Était-ce vraiment utile ?

Les banderoles peuvent être conçues de manière à ce que la date puisse être changée avec un lot de chiffres et de mois interchangeable.

L’annonce de la fête peut se faire dans le bulletin municipal, par les panneaux d’annonce électronique et les réseaux sociaux. De toute manière, la plupart des tracts se perdent au milieu des publicités et ne sont pas lus.

Éventuellement, utilisez des cleantags sur les trottoirs et les murs aveugles, ça part au bout de quelques jours ou avec un coup d’éponge.

Par ailleurs, pour les enfants, l’école est déjà une source d’information suffisante pour ne pas avoir à répéter par d’autres moyens. Et si vous habitez un collectif, installez un tableau dans le hall d’entrée pour indiquer les événements à venir qui pourraient intéresser tous vos voisins !

Sur le même sujet :  Le bilan de la convention citoyenne du climat

Allez, on se permettra peut être quelques affiches, mais seulement en papier FSC (plus exigeant et protecteur que le PEFC) recyclé avec des encres végétales. Mais vous pouvez pousser le vice en plastifiant ces affiches, en les récupérant après la fête et en changeant juste les dates l’an prochain.

Quelques idées en plus

A un carnaval bas carbone

Des gourmandises végétaliennes…

Il ne suffit pas que les douceurs à déguster soient issus de la lutte anti gaspillage pour qu’elles soient conformes à l’esprit de la transition écologique, encore faut il qu’elles aient émises peu de GES pour leur fabrication.

C’est pourquoi, dans l’idéal, il faudrait tendre vers le végétalisme, profiter de cet événement pour rappeler aux spectateurs et participants l’impact des produits animaux sur le climat. (aucune des idées proposées plus haut ne contenait de produit animal d’ailleurs)

Et pour les irréductibles qui veulent leur tarte flambée, la crème fraîche au soja et le tofu fumé font des miracles pour donner l’impression de prendre sa dose de drogue animale.

De la même manière, les stands professionnels pourraient voir le prix de leur licence varier selon qu’ils aient ou non des produits animaux en vente.

D’ailleurs, on fait de très bonnes crêpes et de très bon beignets sans produits animaux, ça ne doit pas être une excuse pour ne pas y passer. Les recettes pullulent sur le net. De même, évitons les produits climaticides comme le Nutella, une bonne confiture locale fera tout aussi bien l’affaire.

Des chars et participants engagés dans la mobilité durable

Certains carnavals se font avec des chars décorés selon un thème choisi à l’avance, et bien souvent tirés ou portés par des véhicules motorisés. Et si nous mettions le frein à main sur ces pratiques d’un autre temps ?

Ces chars pourraient avantageusement être maniés par des porteurs humains, comme ça se fait dans le Nord de la France pour les géants de carnaval qui, transmis de génération en génération, sont l’exemple même d’une fête où zéro déchet rime avec festivité.

Et si ça ne suffit pas, vous avez le choix entre la traction animale – idéal pour ravir les enfants – ou la traction cyclable, comme la rosalie par exemple, qui pourrait se faire en relais, et donnera certainement envie aux plus jeunes de s’y essayer.

Mais la mobilité durable passe aussi par la promotion de ces moyens de transport pour venir au carnaval.

  • Mettre en place un parking surveillé pour les vélos
  • organiser des navettes entre la gare et le départ
  • Réserver des places de stationnement gratuites pour ceux qui covoiturent
  • doubler la fréquence des transports en commun pour le jour de l’événement
  • interdire la circulation dans tout le centre ville

De la sorte, les participants pourront respirer un air pur… avant de plonger dans les remugles de la mêlée !

Des manèges non motorisés

Vous les voyez à côté des stands de churros, ce sont les inévitables manèges de carnaval qui, à grands renforts de lumières clignotantes, de musique entraînante et de ronde de véhicules tous plus extraordinaires les uns que les autres, attirent l’attention des bambins.

Pourtant, ce ne sont pas les exemples de manèges non électrifiés qui manquent, et qui sont pour autant tout aussi capables d’égayer les enfants. A commencer par ce carrousel animé par les parents. Mais on peut aussi penser à des classiques comme le chamboule tout, des jeux rustiques en bois, du tir à l’arc, etc.

Des mises à feu limitées

Je ne sais pas chez vous, mais dans le Nord de la France, nous préparons un mannequin de Mardi-Gras, porteur de tous les maux, un expiatoire de nos péchés et douleurs, et nous le brûlons à la fin du défilé. C’est joyeux et ça réchauffe, mais gare aux émissions de micro-particules de pollution et de GES suite à cette crémation.

Et si nous arrêtions cette tradition pour – à la place – confectionner un mannequin que nous pourrions démantibuler en tirant sur les fibres qui le constituent ? Ou alors au contraire il serait comme une urne dans laquelle nous jetons des petits papiers avec les peines que nous avons sur le coeur ? Il y a certainement matière à complètement réinventer cette tradition.

De même pour les pétards et autres engin pyrotechniques utilisés à ces occasions, leurs effets sur la pollution de l’air ne sont plus à démontrer. Ils pourraient être purement et simplement interdits.

Une prudence énergétique

Et pour conclure, le gros du problème, l’énergie, déjà évoquée indirectement plus haut. Mais il existe pourtant tellement de sources d’énergie hors véhicules et manèges que nous pourrions diminuer.

Pour la cuisine par exemple, et si vous utilisiez des fours solaires ? (le carnaval cette année est plutôt ensoleillé). Et si les musiques amplifiées étaient remplacées par des fanfares ? Par ailleurs, et si les bars arrêtaient les terrasses chauffées ? Et les lampes, ce sont des néons ou des led ? Il y a de nombreuses questions à se poser en matière d’énergie.

De manière générale, respecter les 9 points précédents vous permettra inévitablement de diminuer vos consommations d’énergie. Il ne restera plus qu’à finaliser cette baisse par un beau bilan annonçant fièrement les progrès effectués.

Si avec tout ça vous n’avez pas le guide ultime pour faire un carnaval capable de survivre à une décroissance carbone, je veux bien être privé de crêpes l’an prochain !

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Nicolas Falempin

Cadre de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de l'environnement.  Mélange droit public, transition écologique et tasses de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.

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