Des jurys citoyens pour les associations locales

Tout édile aguerri sait bien qu’une élection municipale se joue notamment sur la scène associative. Délaisser les associations, ne pas leur proposer de salle adaptée à leurs activités, refuser les subventions, interdire les manifestations et leur mettre des bâtons dans les roues est une mauvaise idée. Après tout, les associations sont constituées de citoyens actifs, tournés vers les autres et disposant d’un bon capital social. Bref, ils sont capables d’influencer leurs voisins dans leurs suffrages, notamment locaux. Faire appel à un jury citoyen pour réguler la vie associative pourrait lever cet obstacle.

Redynamiser la décision citoyenne

Pourtant, comme nous l’évoquions ailleurs, aucune transition n’est véritablement possible si elle ne se traduit pas par un changement dans les pratiques démocratiques. Ce qui signifie qu’il faut revoir la manière dont sont attribuées les aides aux associations, qu’elles soient financières, en nature ou en compétence. 

Les citoyens doivent pouvoir dire si l’objet social d’une entreprise contribue à la vie de la collectivité. Il ne s’agit pas de mettre en concurrence les haltérophiles avec les philatélistes pendant que les footballeurs rassemblent leurs adhérents pour peser sur les votes, mais de faire prendre conscience de la diversité des activités au sein de la commune et de leur donner l’occasion de se refonder, de proposer un véritable projet associatif tourné vers la communauté plutôt que de rester dans leur routine. 

Ce peut être un vote ouvert à tous, un jury tiré au sort, une assemblée déterminée à partir du nombre d’adhérents de manière à offrir une certaine représentativité, ou encore des méthodes plus originales comme la démocratie liquide ou le vote majoritaire. Peu importe, l’idée est que chacun s’empare de la vie associative de sa commune et puisse se dire que si sa ville est triste, qu’on s’y ennuie le soir, il ne dépend que de lui de changer les choses. 

Par exemple, l’ancienne députée (EELV puis Nouvelle Donne puis non encartée) isabelle Attard faisait appel à un jury tiré au sort parmi les volontaires de sa circonscription pour attribuer les fonds dont disposaient les députés au titre de leur réserve parlementaire. Une méthode qui permettait de déconnecter le député de l’influence électorale qu’il cherchait à acquérir sur son territoire pour influencer des votes, comme les sénatoriales, où les élus ainsi arrosés pourraient se montrer reconnaissants.

C’est par ce moyen que Rob Hopkins a réussi à insuffler un renouveau économique dans sa commune – sans en être maire pourtant – en fondant un club de ce qu’on appelle des cigales, qui auditionnent des futurs entrepreneurs et décident si leur projet correspond aux valeurs de leur groupe pour ensuite investir dedans. 

En outre, le soutien aux initiatives économiques et associatives locales fait partie de l’adn de plusieurs monnaies locales, qui se servent par exemple de l’argent issu des frais de reconversion en monnaie nationale (ce qui est découragé par la taxation).

Dans les faits, un jury citoyen décidant concrètement des manifestations et associations à soutenir serait bien plus efficace que la tendance actuelle des budgets participatifs, qui ne consistent guère qu’à masquer les insuffisances de la mairie dans certains domaines, et à privilégier la parole de ceux qui savent déjà s’en emparer au détriment de ceux qui échouent toujours à se faire entendre.

Sortir les élus de la recherche du court terme

De cette manière, la prébende associative échappe à la volonté des maires, qui ne peuvent plus être accusés de préférence, de copinage ou de corruption. C’est une méthode idéale pour les sortir des préoccupations électoralistes à court terme et les contraindre à se tourner vers des projets de plus longs termes, pour l’ensemble de la communauté, comme ceux que supposent une transition écologique municipale.

Et ce d’autant plus que dans une ville en transition au sein de laquelle les habitants réapprennent à travailler ensemble et à créer du lien social local, le soutien financier et logistique devrait très vite se porter vers des projets qui ont du sens pour tous. Il faudra que chacun apprenne quelles sont les possibilités d’investissement de la mairie, quelles subventions peuvent être attribuées, quel matériel est disponible, mais aussi comprennent comment fonctionnent les structures demandant de l’aide.

D’ailleurs, comme cela se fait dans la commune de Riedisheim, un collectif budgétaire citoyen peut être formé qui, formé aux particularités des finances publiques locales, saura ainsi quelles sont les contraintes qui pèsent sur l’action publique. Des freins souvent mal perçus qui poussent à fustiger une inaction qui n’est en fait qu’une impossibilité légale, d’autant que la fabrication d’un budget municipal est le résultat d’un long processus d’équilibrage entre les besoins des services, les envies des élus, les objectifs électoraux et les pressions citoyennes. Renforcer cette dernière ne créera pas que des heureux.

C’est pourquoi la démarche devra être très clairement explicitée, car un tel jury citoyen ne peut se faire que dans le cadre d’une commission extra-municipale, les commissions municipales étant réservées par la loi aux élus et éventuels agents concernés. Cela signifie également, d’après la constitution même, que les décisions de ce jury citoyen ne pourront être impératives, c’est à dire ne pourront contraindre le conseil municipale à les suivre. Mais ne pas le faire reviendrait à dissoudre de facto ledit jury et à casser la relation de confiance avec les citoyens.

La transparence sur les contraintes réglementaires, couplée à la possibilité de choisir collectivement – plutôt que de passer par des arbitrages techniques et politiques – donnera une nouvelle dynamique pour des associations dont on se rend de plus en plus compte qu’elles deviennent difficiles à gérer, faute de motivations pour s’investir dans leur gestion.

Conclusion

C’est une nouvelle manière pour tous de comprendre que les ressources ne sont pas illimitées, aussi bien celles de la mairie que celles des bénévoles qui gèrent les associations et animent le village. Délibérer ensemble sur les priorités associatives, les équipements à rénover ou construire pour la culture ou le sport, permet non seulement de briser le cercle vicieux de l’individualisme, mais aussi d’apprendre doucement à gérer les fonds publics, prélude à une réappropriation générale de la décision publique que nous verrons dans des articles ultérieurs.

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Démonter le processus d’attribution des aides donnera à chacun l’occasion de s’emparer du sujet pour comprendre comment fonctionne une mairie et ainsi engager la transition dans les pratiques associatives locales.

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Nicolas Falempin

Cadre de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de l'environnement.  Mélange droit public, transition écologique et tasses de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.

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