Réinventer son petit-déjeuner en 2050

Le petit déjeuner tel que nous le connaissons pourrait disparaître d’ici quelques années. Dans une perspective résolument pessimiste, nous pourrions imaginer que les chocs conjoints de la pénurie énergétique et du changement climatique bouleversent radicalement la manière dont nous alimentons le matin. Le café pourrait ne pas survivre aux dérèglements climatiques en cours, et ce que nous consommons en complément également…

la disparition des 3 principales boissons

Café et changement climatique

Je vous entends hurler d’ici, mais oui, je suis au regret de vous dire que le café ne devrait pas survivre aux prochaines décennies, tant cette plante est sensible à son environnement.

D’après plusieurs études, chaque degré de réchauffement globale diminue considérablement la productivité du caféier, plutôt situé en Afrique. Et quand des épisodes de chaleur intenses se produisent pendant les périodes critiques de la croissance des grains, c’est encore pire.

Par ailleurs, le robusta a besoin de plus d’eau que l’arabica, ce qui le rend plus sensible aux futurs épisodes de sécheresse qui devraient advenir inévitablement dans ces régions tropicales, où le stress hydrique se fait déjà sentir régulièrement.

Ainsi, en une période de baisse de la productivité, les exploitants pourraient être tentés de se tourner vers des cultures nourricières qui, à défaut d’être rentables, leur permettent au moins de manger à leur faim, le café ne restant alors exploité qu’en altitude, notamment pour l’arabica.

Le café ne devrait pas totalement pas disparaitre. Néanmoins, il devrait devenir beaucoup plus cher que ce à quoi nous sommes habitués et devenir un véritable produit de luxe.

Le thé

Même si la culture du thé semble en pleine expansion et devrait encore voir son volume croître ces prochaines années, elle n’en reste pas moins menacée par les dérèglements en cours.

Tout comme le caféier, le théier a besoin d’une chaleur constante et d’eau pour bien se développer. Que l’un des paramètres change et au mieux c’est le goût qui change fortement, au pire c’est la production qui s’effondre.

Or le thé est cultivé essentiellement dans des pays d’Asie, dont certains sont soumis à une mousson qui devrait diminuer en intensité d’ici 2050, menaçant de sécheresse les régions concernées. De même, des épisodes météorologiques particulièrement extrêmes ont déjà démontré ces dernières années la fragilité de ces cultures.

Enfin, si l’énergie venait à manquer, notamment le fioul des grands porte conteneurs, c’est carrément l’exportation de ce produit vers nos contrées qui pourrait menacer notre approvisionnement plus sûrement qu’un épisode caniculaire. Néanmoins, des expérimentations récentes semblent montrer qu’il est possible de faire pousser un théier en France. mais vu qu’il faut 6 kilos de feuilles pour obtenir 1 kilo de thé, il va falloir s’y mettre dès maintenant !

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Le chocolat

Le dernier coup est peut être le plus dur, car le chocolat, en tant que boisson ou douceur sucrée, est lui aussi menacé dans son existence même. Plutôt situé pour sa part en Afrique, le cacaotier a besoin de la même chose que ses petits copains et souffrira donc des mêmes problèmes. Pire encore même, car sa température idéale est autour des 20° avec beaucoup d’humidité. Des conditions qui seront de moins en moins présentes hélas à l’avenir.

De fait, le cacao pourrait drastiquement disparaitre de nos vies d’ici une vingtaine d’années, et entretemps, d’ici quelques années, c’est son prix qui va lentement augmenter, d’autant plus que la demande augmente globalement. Du coup, pour répondre à la demande, les exploitants déforestent massivement, et aggravent donc le réchauffement climatique qui menace leur business…

Comme le café, la solution serait des exploitations d’altitude, mais les terrains sont rares, et les accros du café ne seront pas forcément d’accords pour partager !

La science au secours ?

De nombreuses recherches sont menées ces dernières années pour éviter ces drames du petit déjeuner confronté au changement climatique. Les scientifiques s’échinent ainsi à croiser les variétés dans l’espoir d’obtenir des semences résistantes à la chaleur ou au manque d’eau. D’autres encore s’essaient à la manipulation génétique, notamment via la méthode CrispR, pour trouver des OGM adaptés au changement climatique.

Hé oui, les multinationales savent comment revenir chez vous en profitant du changement climatique. Gageons que ces semences seront dûment verrouillées pour que les producteurs soient obligés d’acheter le reste de la gamme chez le même semencier, ce qui leur permettra de détenir un marché monopolistique aux profits maximisés. D’autant qu’ils pourraient rendre ces semences modifiées compatibles uniquement avec certains pesticides, comme le fait monsanto avec ses semences round-up ready, incapables de survivre sans ce produit en adjuvant.

En plus, ces semences modifiées remplaceront les autres, ce qui réduira la diversité génétique, et donc exposeront les semences restantes à plus de risques, car en cas d’attaque de parasite, ils s’attaqueront tous à la même variété, anéantissant du même coup toute la production. Idéal pour tenter de s’adapter à un monde en plein chaos…

Bref, la science a peu de chance d’apporter une vraie solution à la disparition de vos boissons favorites.


D’autres éléments également menacés

Les produits animaux (lait, oeuf, beurre, bacon, fromage)

Doit on encore parler en 2020 de l’impact carbone désastreux des animaux ? En France, 40% des parcelles sont exploitées pour les nourrir, et ce sans compter celles qui le sont à l’étranger. En terme de consommation d’eau, leur impact est lui aussi énorme alors que nous nous dirigeons vers une multiplication des sécheresses. le niveau des nappes phréatiques baisse chaque année sans jamais réussir à se recharger complètement. Et je ne parle pas (enfin si) de la production de méthane des Bovins.

Dans une stratégie de résilience alimentaire, les animaux ne pourront plus avoir la même place qu’avant, car outre l’alimentation, il faudra certainement concéder de la place pour des cultures textiles (lin, chanvre, etc.) et énergétiques (biocarburant, bois de réseau bois-energie).

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Certes, nous pourrons encore élever des lapins ou des poules dans les jardins, avec les déchets non-compostables, mais les cheptels de porcs et de bovins devront se réduire drastiquement. Le lait de vache devra être réservé exclusivement aux enfants et aux personnes fragiles.

De fait, nous ne pourrons peut être plus compter sur le beurre pour nos tartines et viennoiseries, sur le lait pour les boissons et les céréales, ni sur le fromage ou les oeufs, ou en tout cas pas dans les proportions que nous connaissons actuellement.

Quant à la charcuterie matinale, pour ceux qui sont adeptes de cette forme de petit-déjeuner, vous pouvez carrément faire une croix dessus.

le nutella et les céréales transformées

On continue dans les ravages de la junk food que nous affectionnons tant par ailleurs. Même si c’est un lieu commun, il faut néanmoins rappeler que le nutella est constitué à 20% d’huile de palme. Une huile dont la culture est directement responsable de la déforestation dans les zones tropicales.

Il en est de même pour les céréales et les biscuits pouvant servir au petit déjeuner, cette huile étant un substitut idéal au beurre ou à la margarine.

Par ailleurs, c’est aussi le sucre, autre élément fondamental de ces deux aliments qui est menacé, puisque tant la canne à sucre que la betterave sucrière sont menacées. Cette dernière, plutôt cultivée en Europe et en Amérique du Nord, arrête de pousser à partir de 35°, ce qui la rend très sensible aux canicules de plus en plus fréquentes.

le miel

Devons nous encore parler des ravages subis par les population de pollinisateur, notamment les abeilles, à cause des pesticides de synthèse comme les néonicotinoïdes ? D’autres facteurs jouent comme l’intensification des pratiques agricoles et l’artificialisation des terres.

Mais le réchauffement climatique, en suscitant un stress chez les plantes, contribue à modifier les odeurs florales, perturbant ainsi les abeilles. Pire encore, les récentes canicules ont permis d’observer un lien direct entre canicule et déclin des abeilles. Ainsi, chaleur aidant, la cire fond et noie la reine et les abeilles présentes dans la ruche…

Le miel pourrait donc être lui aussi l’un des nombreux absents des petits déjeuners de 2050 !

le jus d’orange, de fruit exotique

Je dois vous avouer ne pas m’être renseigné pour chaque fruit exotique (banane, ananas, mangue mais aussi orange), mais il apparait que nous ne pourrons plus les consommer aussi facilement d’ici quelques dizaines d’années.

Car outre la perturbation des conditions météorologiques et la sécheresse latente que nous avons déjà vues plus haut, ces fruits seront en concurrence pour les bonnes terres avec d’autres cultures plus rentables, ou simplement nourricières.

Leur culture, qui s’est développée dans une perspective mondialisée, risque de souffrir de la contraction des échanges susceptibles de se produire suite à une baisse des énergies fossiles disponibles ou après une crise économique de plus en plus probable du fait des conséquences du climat sur des économies tropicales fragiles et surtout surendettées.

Les solutions possibles

la tisane

Pour nous réveiller le matin, nous devrons peut être revenir à cette bonne vieille infusion de feuilles et de fleurs comme le tilleul, la verveine, la sauge, etc. Excellent pour rester en bonne santé, mais par contre pas top pour émerger du pays des rêves, à moins d’utiliser du gingembre, mais ce n’est pas une plante locale, et nous pouvons donc l’oublier.

Le recours à la tisane présente l’avantage de pouvoir se faire sans prendre de terre pouvant servir à d’autres usages, puisque les arbres nécessaires pourront être abattus une fois adulte, tandis que les fleurs pourront pousser dans les petits terrains impropres à une mise en culture.

Pour votre plan de résilience alimentaire, cette solution sera donc idéale si vous ne pouvez vous permettre de concéder de la place pour les propositions suivantes.

Le café aux céréales

Les céréales locales ne servent pas qu’à faire du pain où des gâteaux. Leurs grains peuvent être torréfiés et servir de base à un café. dans cette optique, le principal intéressé est le grain d’orge. Celui-ci sert déjà de tisane au japon, souvent en décoction. Mais ici, nous vous proposons une solution à base d’orge grillée. L’infusion d’orge grillée ne date pas d’hier, certains en font remonter la tradition aux celtes…

Cette boisson a naturellement servi d’ersatz au café pendant les secondes guerres mondiales. D’autant plus qu’avec sa couleur noire, et son amertume si elles est fortement infusée, elle rappelle naturellement le goût du café. Pour autant, elle n’en partage pas la teneur en caféine et n’a donc pas de propriété énergisante.

Par ailleurs, d’autres plantes peuvent être torréfiés pour remplacer le café. On pensera à l’avoine ou à l’épéautre, mais certains recourent au pissenlit, à la betterave ou même à des fruits. Ces alternatives ont le grand avantage d’être elles aussi locales et déjà adaptées (jusqu’à quand ?) à notre climat.

L’inconvénient de cette méthode, comme de la suivante, est de recourir encore à la torréfaction. Cette méthode, très énergivore, ne pourra peut être résister à des transitions énergétiques brutales et restrictives. Ce sera certainement l’objet de débat à l’échelle des territoires.

la chicorée

C’est l’alternative la plus connue, popularisée à travers la marque Ricoré qui permet dans sa recette de l’utiliser seule ou pour couper le café, et donc diminuer sa teneur en caféine pour les plus nerveux d’entre nous.

Ici, ce sont les racines qui nous intéressent et doivent être séchées et suivre un processus minutieux, incluant lui aussi la torréfaction, pour parvenir à cette poudre. La chicorée pousse assez facilement, notamment dans le Nord de la France, et devrait certainement résister à la hausse des températures.

Riche en fibres et en minéraux, c’est une boisson idéale pour rester en forme, mais qui elle aussi

Tartine de confiture ou mélange de céréale

Mais outre les boissons, que mangerons-nous donc au petit déjeuner ? Et bien nous devrons sans doute revenir aux solutions anciennes, c’est à dire du pain à la confiture ou de la bouillie de céréale.

Très riches en calories, ces deux solutions sont donc plus nourrissantes que les petits-déjeuners à base de céréales ultra-transformées et de nutella qui sont à la mode actuellement.

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Le mélange de céréales peut être aussi bien un porridge, qu’un muesli ou un granola (non ce n’est pas une marque). le porridge sera le plus facile à mettre en oeuvre puisque pouvant se faire avec des céréales bouillies à l’eau, mais ce pourra éventuellement être du lait végétal (de soja ou d’avoine, amande et cajou n’étant pas des produits locaux, le riz trop demandeur en eau). Quant à eux, muesli et granola peuvent se faire avec des fruits, et dépendront donc des régions.

Des fruits locaux en jus ou à croquer

Le fruit restera sur le podium pour la composition des petits déjeuners, mais seulement avec des fruits locaux et de saison évidemment, comme les pommes, poires, abricots, melons, pêches, fraises, baies, etc. Entiers, en jus, en morceaux, en compote, ils restent indispensables.

Si tant est qu’ils poussent évidemment, puisque les épisodes caniculaires, les sécheresses, les hivers trop doux, sont autant d’éléments susceptibles de perturber la pousse des fruits. Ces derniers années, des récoltes catastrophiques de fruits à coque sont ainsi observés en France.

Séchés, ils pourront ainsi se conserver longtemps et éviter de recourir à une conservation froide très énergivore et émettrice de GES, tout en conservant leurs propriétés. Le jus reste également une bonne solution qui permettra en sus de remplacer les boissons évoquées plus haut.

Pour conclure

En conclusion à cet article à tonalité un peu collapsologique, nous avons vu que le petit déjeuner tel que nous le connaissons risque fort de disparaître. Adieu petit déjeuner à la française, à l’américaine ou à la britannique, et bienvenue au petit déjeuner qui fait ce qu’il peut pour perdurer. Heureusement, nous avons dégagé des pistes permettant d’envisager un avenir alimentaire encore radieux.

Comme quoi, même avec le réchauffement climatique, on peut toujours se faire un petit brunch avec ses amis sans faire la grimace.

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Nicolas Falempin

Cadre de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de l'environnement.  Mélange droit public, transition écologique et tasses de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.

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