Passons des Noël sans carbone
Les célébrations de la fin d’année sont un moment spécial pour chacun : vacances, retrouvailles avec la famille plus ou moins éloignée, partage de bons moments, échanges de cadeaux et de preuves de notre sollicitude envers autrui, repas améliorés et petits abus caloriques, loisirs qu’on ne se permet pas le reste de l’année. Bref, chacun en profite.
Pourtant, c’est justement parce que Noël est vécu et promu comme un moment de décompression pour l’ensemble de la société, qu’il faut au contraire insister là-dessus pour entamer une stratégie bas-carbone locale. Plus nous commettons d’abus et de bonus par rapport à notre vie quotidienne, plus nous avons tendance à émettre des GES.
Certaines choses ne pourront pas être évitées. Vous ne convaincrez personne de ne pas voyager pour rejoindre sa famille, on ne traverse pas la France en vélo, et sans taxation accrue sur les trajets aériens et automobiles, le train restera marginal. Mais vous avez de la latitude sur d’autres sujets, que nous allons aborder dès maintenant.
Sommaire de l'article
1) Les sapins jetables
a) introduction
C’est l’objet incontournable de décembre, le sapin que toute la famille décorera et aux pieds duquel seront déposés les cadeaux de chacun. Cette tradition alsacienne pourrait pourtant être améliorée facilement sans dénaturer son esprit.
Actuellement, le marché se divise principalement entre les arbres naturels – élevés en plein air, puis coupés et vendus à environ 50€ – et les sapins artificiels en plastique – généralement un peu plus chers mais réutilisables plusieurs années (mes parents ont utilisé le même sapin pendant toute mon enfance sans que j’ai l’impression d’avoir un sapin au rabais).
Le débat entre les deux variantes a déjà été tranché, la version plastique est plus polluante que la version naturelle, à moins d’être utilisée au moins pendant 20 ans. Car d’un côté nous avons un sapin pour lequel il a fallu extraire du pétrole, le transporter dans une usine à des milliers de km, puis en faire une structure et des aiguilles assemblées les unes aux autres, emballé dans du plastique, et enfin transporté dans une grande surface. De l’autre, nous avons un arbre qui a poussé en pleine terre – parfois hélas avec l’aide de produits chimiques pour accélérer sa croissance et le préserver des parasites – coupés début décembre, transporté à travers quelques centaines de km (mais étant plus lourd que la version plastique, la distance réduite n’est pas forcément un atout) et enfin vendu dans la rue ou en magasin, tout en ayant absorbé du CO2 pendant sa croissance.
A la fin, les deux sont jetés. Le premier avec un peu de chance au bout de quelques années, destination l’incinération ou l’enfouissement, tandis que le deuxième le sera chaque début janvier, après avoir servi une seule fois, généralement pour être incinéré. Dans tous les cas, c’est un énorme gâchis.
b) le cas des sapins incinérés
Concernant le cas des sapins naturels, il est parfois coutume – notamment en Alsace – de les incinérer publiquement pour rassembler la population autour d’un événement festif où le maire pourra faire ses vœux. Ceci se fait ouvertement, alors qu’il est interdit par les règlements sanitaires départementaux de brûler les déchets verts en plein air quand il existe des déchetteries acceptant les déchets verts. Une pratique illégale mais tolérée – puisque pratiquée par les municipalités – qui génère un gros dégagement de GES et de polluants micro-particules qui, vu le temps du début d’année, cause généralement des difficultés respiratoires les jours suivants.
Il existe pourtant d’autres moyens de traiter ces arbres, qui seront plus utiles et plus respectueux de l’environnement. Nous pouvons en lister 3 principaux
- Se servir des sapins pour de la déco, du petit artisanat, la confection de produits désinfectants ou bien-être, d’infusions.
- Broyer les sapins de manière à générer un broyat qui servira pour les espaces verts de la commune et des habitants. Certes, le sapin possède des propriétés vermifuges qui le rendent peu pertinent pour un usage dans le compost, en tout cas pas à plus d’un tiers du volume total de broyat, mais il peut également servir de couverture végétale pour l’hiver, abritant vos parterres, potagers et pelouses contre la pluie et les gelées, lui permettant ainsi de garder toute sa vitalité et d’être déjà prêt pour les plantations du printemps, sans qu’il soit besoin de le retourner ou de l’amender chimiquement (deux pratiques à bannir de toute manière). Éventuellement, si les quantités sont vraiment énormes, les agriculteurs apprécieront de disposer d’un broyat qu’ils pourront disperser sur leurs champs, où il pourra également s’avérer un adjuvant précieux dans la préservation de la fertilité, surtout s’ils sont dans une démarche biologique ou raisonnée.
- Distribuer les aiguilles de sapin aux propriétaires de potager et de beaux jardins. Elles repoussent les limaces et escargots et préviennent la pousse des adventices. Éventuellement pour les éleveurs de poules, qui apprécieront leurs vertus anti-bactérienne pour couvrir le sol des poulaillers.
- Passer un partenariat avec un menuisier local pour voir s’il a l’usage des sapins, considérant que vous pourrez en outre récupérer par la suite le broyat d’écorce et la sciure pour vos besoins.
De la sorte, vous devriez non seulement éviter d’incinérer vos sapins de l’année, mais également ne pas avoir à recourir à un prestataire externe de gestion des déchets verts. Le second axe en particulier reviendra de manière récurrente dans la stratégie zéro déchets de votre commune.
c) Les alternatives
Bien qu’il soit possible, comme nous venons de le voir, de réduire l’impact des sapins jetables en leur trouvant un ré-usage utile pour la communauté, il serait préférable de ne pas générer de déchets. Pour ce faire, je vous propose deux alternatives, considérant que le but n’est pas de se passer de sapins.
- le sapin en pot, qui est également vendu chez certains pépiniéristes, est la véritable alternative durable pour ceux qui veulent absolument avoir un vrai sapin chez eux. Plus cher qu’un sapin naturel jetable, et plus lourd aussi du fait de son pot, il est aussi plus beau. C’est un arbre qui a grandi en pleine terre, mais a été déterré plutôt que coupé et mis dans un pot comme une plante en pot. Hélas, il ne pourra y survivre longtemps, faute d’y trouver de quoi se nourrir. L’idée est donc de le maintenir en pot aussi peu de temps que possible, de deux semaines à un mois maximum, puis de le replanter ensuite en pleine terre. Et c’est là où la commune a un rôle important à jouer, aussi bien en subventionnant par exemple l’achat de sapins en pot qu’en mettant à disposition des terrains où les replanter ensuite, considérant que les habitants en appartement n’ont pas de solutions.
- le sapin DIY, autrement dit le sapin fabriqué soi-même. Il peut être fabriqué en bois de palette par exemple, ou avec des livres (technique très utilisée chez les libraires et les bibliothèques) ou avec des cartons divers, presque tout peut servir à fabriquer un sapin qui soit pourra durer plusieurs années, soit sera démonter et ses pièces utilisées à autre chose. Ce peut être l’occasion d’ateliers conviviaux pour les bénéficiaires du CCAS, les membres d’un CSC ou même d’un concours entre agents de la collectivité ou même entre habitants, sur le modèle de la maison la mieux fleurie.
Ces deux techniques prendront du temps à se diffuser parmi la population, mais il est possible de les accélérer grâce au contrôle des vendeurs de sapins jetables. Vous pourriez ainsi soit leur imposer une taxe supplémentaire faisant office de responsabilité élargie du producteur (REP) – c’est à dire la taxe acquittée par les producteurs d’emballages et d’objets pour la gestion de leurs déchets – voire carrément interdire dans un second temps la vente de sapins jetables sur le ban communal, considérant qu’il leur reste la solution des sapins en pots, de sorte que votre interdiction ne sera pas absolue et devrait survivre à un contentieux administratif.
d) Le sapin communal
Cette partie consacrée aux sapins ne serait pas complète si nous n’abordions pas la question épineuse du sapin communal. Chaque année, la ville de Strasbourg coupe un sapin (voire plus si problème) sapin d’au moins 30m de haut pour en décorer la place Kléber, et ensuite l’orner de ses atours de fête, devenant ainsi le joyau de son célèbre marché de Noël.
Pas besoin de vous faire un dessin pour expliquer en quoi c’est un problème. A la place, plantez un ou plusieurs sapin(s) et laissez le(s) grandir sur la place qui servira à accueillir chaque année le marché de Noël. Vouloir à tout prix avoir le plus grand et le plus beau des sapins ne fait que refléter la volonté de puissance de la municipalité, c’est à dire leur envie d’émettre des GES pour se faire réélire.
2) L’éclairage de Noël
a) le problème des illuminations
Oui, les guirlandes lumineuses, les arbres illuminés et les traineaux multicolores sont sympas, mais ils sont aussi sacrément énergivores. Sans parler de l’énergie et des ressources nécessaires à leur fabrication, le coût pour leur fonctionnement n’est pas négligeable, qu’il s’agisse des décorations municipales ou privées.
Certes, la conversion vers des luminaires led améliore grandement la situation, mais se révèle bien souvent être source d’un effet rebond en permettant d’augmenter le nombre de décoration ou en évitant à tout le moins de remettre en cause leur existence même.
Pourtant, c’est une aberration de mettre en place des lumières supplémentaires, redondantes avec les candélabres déjà présents dans les rues, au moment même où la consommation électrique est la plus forte pour l’électroménager, l’électronique, l’éclairage domestique et le chauffage, voire de plus en plus pour le rechargement des appareils électriques y compris les véhicules.
Dans l’optique d’une stratégie bas carbone à l’échelle municipale, il faut à la fois diminuer la consommation d’énergie, améliorer l’usage énergétique et augmenter la part d’EnR. Les décorations sont un luxe que les communes ne peuvent peut-être pas se permettre, du moins pas en permanence. Il est envisageable de les laisser pour les moments festifs, mais pas tous les soirs, d’autant plus dans la perspective EnR où l’intermittence de la production devrait conduire à limiter les dépenses en soirée, surtout si l’on veut avoir encore des batteries pleines le lendemain matin.
b) la stratégie à déployer
J’ai bien conscience que ce point sera très mal perçu par les habitants. Toucher aux décorations de Noël, tant publiques que privée, est une atteinte directe à ce que chacun croit être sa liberté individuelle. C’est typiquement le genre de mesure qui, si elles sont mal mises en œuvre, peut conduire à une indignation qui perdurera jusqu’aux prochaines élections.
C’est pourquoi il faut traiter le mal dès la racine et s’occuper des luminaires à la fin de l’année d’élection, au pire la seconde pour la partie privée des restrictions ! Ce qui laisse 6 mois pour s’y préparer. Il s’agit de déployer une vulgarisation auprès de tous les habitants sur les enjeux énergétiques municipaux et globaux.
La première étape sera naturellement de déclarer une diminution des illuminations municipales tant dans leur nombre que dans la durée de leur usage, avec si ce n’est pas encore fait, une conversion aux LED. Dans l’idéal, les nouvelles décorations devraient être universelles et pouvoir servir aussi bien pour Noël que pour toute autre circonstances nécessitant un éclairage nocturne.
La deuxième étape sera la régulation des entreprises, ce qui sera l’occasion d’y inclure d’autres mesures comme l’interdiction des terrasses chauffées et/ou ventilées, la fermeture obligatoire des portes en hiver, l’extinction des lumières et enseignes la nuit, etc. De la sorte, vous éviterez les argumentaires sur les entreprises qui gaspillent de l’électricité alors que les individus doivent toujours faire plus d’efforts.
La troisième étape sera donc de réguler l’éclairage des habitation individuelles, ce pourquoi la municipalité dispose de deux outils réglementaires complémentaires
- d’une part il vous est possible de rédiger un arrêté municipal énonçant les règles définissant l’apparence des maisons, la couleur des murs, voire les matériaux utilisables. La restriction des lumières pourrait s’y ajouter, et ne concernerait d’ailleurs pas que la période de Noël, mais de manière générale la gêne ressentie par un éclairage excessif.
- d’autre part les trames vertes et bleues qui, en incluant la trame noire, celle sur la préservation de la nuit en ville, donne une raison écologique supplémentaire pour convaincre les habitants d’éteindre leurs guirlandes.
Malheureusement, le PLU ne permet pas d’influencer sur les lumières des habitations, puisqu’il concerne l’aménagement en général et pas les détails architecturaux.
L’idée n’est pas forcément de conduire directement à une disparition des illuminations, mais à une prise de conscience collective de leur impact associée à une réglementation forte permettant de la faire limiter en intensité et en quantité.
3) Cadeaux et bonne chère
Nous allons aborder ces deux thématiques en même temps, puisqu’elles se rejoignent tant par leur impact climatique énorme qui n’est plus à démontrer, que par l’incapacité légale des communes à empêcher quoi que ce soit en la matière, ce qui ne signifie pourtant pas que rien ne peut être mis en œuvre, bien au contraire.
En lien avec la stratégie alimentaire locale, la municipalité a tout loisir par exemple d’organiser des conférences et ateliers sur l’alimentation locale, de saison, végétarienne. Ce n’est pas très contraignant, mais il est plus facile de restreindre la vente de sapins jetables que celle du foie gras, des chapons et des mangues. Cette sensibilisation peut même se faire directement dans les écoles à l’occasion par exemple d’ateliers où les enfants doivent imaginer leur repas de Noël bas carbone.
Dans les cantines gérées par la municipalité (et même dans les repas des seniors organisés à cette occasion), l’exemple peut être donné au moment du traditionnel repas de Noël en privilégiant des aliments de saison, voire locaux, ou même carrément en organisant un repas végétarien. Si votre commune fait un colis aux séniors aux moments des fêtes, vous savez ce qu’il vous reste à faire…
Il peut en être de même pour les cadeaux où, à travers des animations scolaires et des ateliers grands publics (CSC, CCAS, MJC, etc.) la ville pourra faire découvrir des alternatives comme les cadeaux d’expérience, immatériels, faits soi-même ou éventuellement issus d’une filière ESS de recyclage ou revente en seconde main (Emmaus, Envie, etc)
Des associations promouvant le Zéro Déchet organisent ainsi aux périodes de fêtes des événements Noël ZD où elles expliquent ce principe et permettent aux visiteurs de s’en emparer eux même en passant à l’action sur le champ.
4) Feux d’artifice
Si comme moi, vous vivez en Alsace, la période des fêtes est un véritable calvaire auditif. Du fait de la proximité avec l’Allemagne – à la réglementation plus souple sur le sujet – de nombreux pétards, mortiers et feux d’artifice de grande puissance sont importés en contrebande et utilisés sur la voie publique, généralement en toute impunité. Certes, la douane saisit des stocks de pétard, mène des opérations de contrôle à la frontière, mais reste néanmoins impuissante à en stopper le flux.
Le soir des fêtes, les polices tant nationales que municipales n’interviennent que rarement sur les lieux où des fêtards ont préféré la poudre noire à la blanche pour se défoncer. On recense plus les mains et doigts arrachés que les amendes reçues pour usage de pétards illicites.
Or, non seulement les pétards représentent une gêne auditive considérable pour les individus, mais aussi pour les animaux, bien souvent traumatisés par ces pétarades. Par ailleurs les explosions génèrent – sur la durée et la quantité – un fort dégagement de CO2 et de polluants micro-particules qui vont stagner dans la ville et gêner la respiration des populations sensibles pendant plusieurs jours, aggravant les risques sanitaires.
Dans leur cas, la législation existe déjà, ne serait-ce qu’à travers les arrêtés municipaux contre le bruit, qui peut être aussi bien du tapage nocturne que diurne, d’autant que les pétards et feux d’artifice peuvent être directement ciblés dans ces textes, ce qui donne la possibilités aux policiers municipaux d’intervenir et de faire appliquer l’interdiction.
Et si vraiment vos habitants veulent exprimer leur liesse bruyamment, invitez les à faire un boeuf dans la salle communale !
5) Le marché de Noël
Étape incontournable des animations municipales de fin d’année, le marché de Noël peut également être lui aussi grandement amélioré, notamment en agrégeant les propositions précédentes : sobriété lumineuse, nourriture végétarienne et de saison, du vin chaud avec du vin bio ou naturel, voire local, des sapins en pot ou en pleine terre et un moratoire sur le feu d’artifice.
Côté produits en vente, la tendance sera plutôt à l’artisanat local, avec si possible des matériaux recyclés ou écologiquement soutenables. La vente devra se faire sans sachet, voire avec un emballage cadeau recyclé ou réutilisable.
Et pour le lieu, autant rompre avec la tradition et le faire en intérieur, car que vous l’interdisiez ou non, la plupart des exposants viendront avec un chauffage d’appoint très énergivore et peu efficace, autant limiter les tentations en les plaçant dans une atmosphère plus chaleureuse.
Quant aux animations, prévoyez les locales, avec des artistes du cru, leurs fans ne vous en seront que plus reconnaissants. On peut même prévoir un vélo sono pour les concerts amplifiés !
Pour le reste, on peut se référer à la charte des éco-festivals avec ses conseils sur le soutien aux mobilités durables, aux solutions zéro déchet et ses limitation de la communication événementielle.
De quoi passer un Noël écolo et égayé dans votre commune en transition.
Et si on baissait le prix du train ? ça inciterait plus des gens a choisir ce moyen de transport plutôt que de taxer les avions qui pénalise seulement les plus pauvres.
En réalité, le train est plus taxé que l’avion. D’ailleurs, la convention citoyenne du climat proposait de baisser la tva du train et de supprimer la niche fiscale sur le carburant pour les avions. les 2 mesures ont été refusées par le gouvernement. Enfin, l’avion est majoritairement pris par les 20% des français les plus riches. Ce n’est pas l’avion qui coute cher aux ménages modestes, mais les frais derrière (hôtel, séjour, etc). Ce n’est donc pas une mesure sociale.