Les 5 bilans locaux à faire pour une transition locale

Il est tentant de se lancer directement dans la bataille de la transition écologique. Ce serait pourtant une grossière erreur que de s’y lancer tête baissée. Le sujet est trop complexe pour ne pas s’y préparer un minimum. C’est pourquoi je vous propose de lancer une analyse exhaustive de votre territoire préliminaire à toute action, compilant d’autres études. Grâce à quoi, vous en saurez plus sur la situation écologique de votre commune et saurez donc comment agir avec le plus d’impact.

La comptabilité carbone

Le principe de la comptabilité carbone est défini depuis une trentaine d’année mais apparaît en France avec les Grenelles 1 et 2 de l’environnement. Ils définissent son obligation pour les organisations privées de plus de 500 ETP (250 pour les établissements publics) et les collectivités de plus de 50 000 habitants. Ce bilan carbone doit être réalisé tous les 4 ans (3 pour le public) si possible en parallèle avec l’audit énergétique.

Elle apparaît comme un outil de prise de décision à mettre en parallèle du budget annuel et des plans d’action. Ainsi, un projet présentant de fortes émissions devraient normalement être refusés. Il doit être considéré dans la séquence éviter/réduire/compenser pour déterminer s’il pourrait être maintenu dans une version plus acceptable.

Concrètement, elle se base sur trois catégories appelées scopes. le premier regroupe les émissions directes des activités de l’organisation, le second les indirectes dues à l’énergie notamment, quand le dernier – facultatif au demeurant – s’occupe des émissions indirectes causées par ses employés, la livraison des produits, la gestion des déchets, etc.

Connaitre son impact carbone permet de piloter son activité plus souplement dans un contexte de plus en plus contraint. En effet, si une activité est trop émettrice, cela indique une forte dépendance à des pratiques qui devront être nécessairement revues dans un contexte de transition écologique. Mal anticipée, cette transition peut s’avérer brutale et destructrice de revenus et d’emplois. La comptabilité carbone permet donc d’anticiper et d’éviter ces désagréments.

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La démarche cit’ergie

Cit’ergie est la transposition en France d’un label européen obtenu par des milliers des collectivités, qui propose un catalogue d’indicateurs, d’objectifs et de mesures concrètes grâce auxquels une collectivité locale –et dont une entreprise peut s’inspirer – peut engager un démarcher de ses pratiques environnementales et de leur impact dans le cadre d’une stratégie climat-air-énergie. Porté par l’Ademe depuis 2008, il regroupe actuellement plus de 200 collectivités et 1/3 de la population française est concernée.

Cit’ergie est ainsi un cadre à partir duquel engager concrètement la transition énergétique et écologique du territoire. Les indicateurs et mesures du label couvrent un champ de compétences suffisamment larges pour recouvrir la plupart des domaines où des changements de pratiques s’imposent. Il ne sert à rien par exemple de construire un réseau de chaleur démesuré alors que le diagnostic pourrait mettre en évidence des mesures d’isolation à même d’améliorer l’efficacité énergétique pour la chaleur et le rafraîchissement des bâtiments publics. Plusieurs domaines sont ainsi considérés.

  • la production et consommation d’énergie
  • l’organisation des mobilités
  • la prévention et gestion des déchets
  • la rénovation de l’habitat et la construction durable
  • la préservation de la biodiversité
  • le soutien à l’activité économique durable, y compris agricole
  • l’implication des citoyens, les former et les engager dans la démarche
  • l’exemplarité des collectivités dans leurs pratiques et la gestion de leur domaines

Plus de 200 collectivités se sont d’ailleurs déjà lancées, dans l’aventure, certaines ayant atteint le label gold, celui récompensant l’atteinte de 75% du potentiel cit’ergie, depuis plusieurs années. En effet, la démarche se traduit par une labellisation en trois niveaux, qui traduisent la progression. De la sorte, chacun voit l’amélioration énergétique et climatique de votre collectivité et peut la comparer à ses propres efforts.

citergie label

L’Atlas de la Biodiversité communale

Inventorier et cartographier la faune et la flore de son territoire est un outil puissant du maire pour planifier l’urbanisation du territoire. De nombreux projets espérés par la population, sur lesquels des techniciens ont longtemps travaillé, achoppent finalement sur la nécessaire préservation d’une espèce rare se trouvant à l’emplacement précis du projet. Un échec qui ne serait jamais survenu si l’atlas avait été élaboré.

Car l’atlas révèle tout son potentiel quand il est associé à une étude d’impact, où il permet de pointer précisément et dès le début les zones qui vont poser problème et les impacts potentiels de vos décisions. Il offre donc l’opportunité de penser dès le début à éviter ou réduire les dégâts environnementaux, plutôt que de (mal) compenser après coup.

A cette occasion, chacun est invité à s’exprimer. Simples habitants, agriculteurs, agents techniques municipaux, chasseurs et pêcheurs, commerçants, promeneurs, industriels, chacun a son mot à dire dans la démarche, chacun a ses préoccupations et peut remarquer des choses précises. l’idée n’est pas de stigmatiser une catégorie de la population, mais bien d’associer toutes les connaissances pour établir le tableau le plus précis à un moment donné de la biodiversité locale.

La traduction concrète de cet atlas se fait dans les documents d’urbanisme, notamment le PLU. Le PADD sera aussi idéal pour inscrire les découvertes dans les objectifs d’aménagement. Les zones repérées comme sensibles doivent ainsi donner lieu à une protection en zone N ou F selon le type, quitte à déclasser des zones constructibles au nom de l’intérêt général. C’est le genre de moment où une implication de la population dans la démarche se révèle indispensable, pour éviter les réactions de colère. En effet, un terrain non constructible n’a plus du tout la même valeur…

Le projet alimentaire territorial

Le projet alimentaire territorial est une démarche à part entière dont nous reparlerons dans un article ultérieur. Dans ce cadre il s’agit de structurer des filières locales, notamment bio ou traditionnelles. Mais également de rapprocher l’offre et la demande, de valoriser de nouvelles manières de produire. De la sorte, ils renforceront les circuits courts et la protection de l’environnement. C’est sa partie diagnostic qui est intéressante.

Elle associe naturellement les acteurs de l’agriculture, chambre consulaire et agriculteurs avant tout. Mais elle s’intéresse aussi aux acteurs de la distribution des produits agricoles, aux associations naturalistes, à l’industrie agro-alimentaire, aux cantines et restaurateurs, etc.

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D’abord, L’intérêt du PAT est de déterminer la résilience alimentaire de votre territoire. Avec les supermarchés, vous pourrez savoir quel part les produits locaux représentent dans leur chiffre d’affaires. De surcroît, ils pourront vous indiquer les stocks qu’ils possèdent et donc l’autonomie alimentaire en cas de crise logistique. De même, les producteurs et transformateurs peuvent vous indiquer leur productivité et leurs manière de faire. Toujours dans l’optique d’anticiper les crises.

Ensuite, vous devriez réaliser une étude sur les projets des agriculteurs. En effet, leur âge moyen est élevé en France, et la plupart partiront en retraite d’ici dix ans. Il faut anticiper ce point et prévoir une stratégie de transmission qui permet de favoriser une agriculture agroécologique et locale. Ce qui facilitera par ailleurs vos objectifs de protection de la biodiversité et de réduction des déchets.

Enfin, vous aurez à calculer les besoins du territoire. Non seulement les besoins alimentaires fondamentaux, mais aussi les besoins de luxe. Comme nous le montrions, les boissons de petit déjeuner pourraient se raréfier rapidement, il faut donc y penser. D’ailleurs, cela servira aussi à relocaliser l’économie du territoire.

projet alimentaire de territoire

Le diagnostic de territoire

Une fois ces 4 études en votre possession, vous pourrez y voir plus clair. Je vous propose de les compléter avec un diagnostic de territoire. C’est l’outil préliminaire au Plan Local d’Urbanisme. Celui qui expose la situation foncière, fonde les besoins et justifie les décisions. Ce diagnostic reprend également des données sur l’environnement, les déplacements sur le territoire et le type d’habitat, de sorte à permettre l’élaboration des plans correspondants.

C’est un outil d’évaluation des dynamiques à l’oeuvre sur votre territoire. Dans cette perspective, vous aurez à analyser la situation démographique premièrement. La population s’accroît-elle ou diminue-t-elle ? Mais il s’agit aussi de déterminer la pyramide d’âge, les catégories socio-professionnelles présentes, les revenus, les particularités socio-culturelles. Les données de L’INSEE et de la CAF se révèlent ainsi précieuses pour peindre ce tableau.

Deuxièmement, il vous faut vous intéresser à la situation économique du territoire. Notamment les entreprises qui œuvrent sur votre territoire. S’agit-il plutôt d’artisans, d’agriculteurs, de commerces, de petite industrie ou d’entreprises plus grosses ? Cela détermine notamment les besoins en formation, en infrastructures de stockage, de transformation ou de transport, ainsi qu’en cadre de vie.

Car troisièmement, c’est l’environnement qui clôt l’exercice. Vous en avez déjà eu un aperçu à travers l’atlas de la biodiversité communale. Plutôt qu’un inventaire, il s’agit là de calculer les superficies des différentes zones naturelles ou forestières, leurs interconnections.

Par ce biais, vous pourrez déterminer les marges qu’il vous reste en matière d’artificialisation. Cela vous aide à déterminer là où il faut transformer l’existant, intensifier les usages, recycler les espaces. Cette connaissance vous sera indispensable pour un plan d’action fidèle aux réalités de votre ban communal.

Conclusion

Grâce à ces 5 analyses de la situation de votre commune, vous êtes désormais paré pour engager la transition écologique. La comptabilité carbone vous permet en effet de planifier des investissements durables. Pendant ce temps, la démarche cit’ergie vous apporte les axes d’améliorations en matière d’empreinte carbone dont vous avez besoin. Ce qui reprend d’ailleurs la protection environnementale dont vous fixerez le détail à travers l’atlas de la biodiversité communale. Par ailleurs, le projet alimentaire territorial soutiendra votre politique foncière volontariste de résilience alimentaire. Enfin, le diagnostic de territoire, par l’intermédiaire de son analyse fine de la dynamique socio-économique de votre commune, justifiera vos décisions.

Ainsi, vous aurez de quoi alimenter et fonder le plan d’action de la transition écologique. L’exhaustivité de votre préparation, qui implique une démarche participative, permettra de lever les oppositions et incertitudes.

L’inconvénient d’un tel processus préliminaire est sa longueur. Il vous sera malaisé de mettre en oeuvre de véritables changements avant son terme. Ils peuvent naturellement être lancés simultanément, mais il n’en reste pas moins qu’ils vous prendront au moins 2 ans. Deux ans durant lesquels votre priorité se portera donc sur la sensibilisation de la population et la préparation à l’action.

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Nicolas Falempin

Cadre de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de l'environnement.  Mélange droit public, transition écologique et tasses de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.

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