Le Monde selon Zuckerberg – Olivier Ertzscheid

Les géants de la tech occupent une place prépondérante dans nos existences et dans l’économie mondiale. Ils nous divertissent, nous mettent en contact les uns avec les autres et nous vendent ce dont nous avons besoin. Grâce à eux, nous pouvons aussi nous informer, trouver l’amour et du travail. Le monde selon Zuckerberg revient sur ces pouvoirs considérables et dénonce les mécanismes de domination sous-jacents. Car ce pouvoir, cette responsabilité sur nos sociétés, est détourné par ces géants pour leurs seuls desseins. Et ce d’autant plus à l’heure où elles nous imposent des techniques de disruption comme la 5G qui menacent notre avenir.

Les nouveaux démiurges

Olivier Ertzscheid commence son ouvrage par le portrait de quatre personnes qui font ou ont fait le web tel que nous le connaissons. Mark Zuckerberg et Larry Page / Sergueï Brin d’un côté sont les méchants de l’histoire. Apostolos Gerasoulis et Tim Berners-Lee en sont les gentils acteurs de l’autre côté. Ces portraits sont l’occasion de poser les bases du problème du web. Ces 4 personnages, tels des démiurges ont façonné un web à leur image, qui obéit à leurs volonté. Mais ce ne sont que des hommes investis de pouvoir divin, et dans l’accomplissement de leurs rêves, ils obéissent encore à des figures archétypales.

Le monde selon Zuckerberg ne nous montre pas un homme habité pas une grande vision de l’avenir et un projet mégalomaniaque de conquête du monde. Non ce sont des hommes (et pas de femmes d’ailleurs) presque ordinaires, à qui a été donné la possibilité de façonner le monde. Ils n’y ont pas été préparés et ont ainsi fait du mieux qu’ils pouvaient. Ou plutôt du pire.

Les outils de la domination

Cette question de la manière dont sont façonnés nos espaces numériques est l’occasion pour l’auteur de revenir sur le concept d’affordance. D’origine philosophique, il a été transposé dans la critique du numérique … par Olivier Ertzscheid lui même, qui en a fait le titre de son incontournable blog de réflexion sur le numérique. Les affordances désignent la capacité qu’ont les techniques numérique à suggérer leur propre utilisation. Youtube, ainsi conçu comme un site de rencontre amoureuse par vidéo interposée, devenu site de partage de vidéo. Twitter, qui permet de partager l’information, voit émerger des suites de tweets pour composer des histoires ou des articles, etc.

Ceci étant posé, il peut désormais s’attaquer aux différentes dérives du web. Ce pourra être la marchandisation des mots, vendus au plus offrant, même quand celui-ci ment et désinforme. Mais également la surveillance numérique, vendue comme protection des libertés, mais dont nous ignorons à quoi servent vraiment les données. Ce sera encore l’influence que ces plateformes ont sur les politiques publiques moyennant des aller et retour des serviteurs des multinationales dans les arcanes du pouvoir, ou inversement. Ces techniques ne sont pas neutres, elles comportent des biais qui orientent leur fonctionnement vers un solutionnisme technologique. Le monde est ainsi pensé de manière binaire, en zéro et en un, c’est là le noeud du problème ainsi révélé dans le Monde selon Zuckerberg.

Les armes de la riposte

Olivier Ertzscheid n’a pas de solution miracle pour trancher ce noeud gordien. Seulement 3 propositions, celles qu’il assène depuis déjà 15 ans : Réguler, Informer, Blâmer. Les citoyens doivent pousser les états à réguler le comportement et l’influence de ces plateformes. Il est nécessaire de participer à l’information des citoyens pour leur faire prendre conscience de ces enjeux et de leur inscription dans le calendrier électoral. Ainsi informés, les citoyens doivent dénoncer les mauvais comportements, boycotter les coupables, les pousser à s’améliorer.

Ce n’est pas l’idéal, mais c’est tout ce dont nous avons dans un monde où les pouvoirs étatiques sont de plus virtualisés, car digitalisés par le fondement. D’ailleurs, ainsi que le rappellent Yael Benayoun et irénée Régnauld dans leur ouvrage Technologies partout, Démocratie nulle part, c’est une urgence démocratique. Mais dans une société où la vérité n’existe plus. Dans une société où les élections se font et se défont dans les tréfonds du web, l’urgence démocratique existe-t-elle encore ? Vous avez 4 url.

Conclusion

Le monde selon Zuckerberg est comme une balade dans les jardins fermés cultivés avec amour par Olivier Ertzscheid. Patiemment, il y cultive de jolies plantes, les fait grandir, les croise les unes avec les autres et en tire de superbes massifs. Ce sont les thèmes de l’usage de l’information, de son contrôle, qui sont ainsi disséqués avec le soin méticuleux qui lui est habituel.

Acheter le livre sur le site de l’éditeur

Ce livre est court et incisif. Chaque chapitre va à l’essentiel et n’est constitué que de la substantifique moelle du sujet. C’est à la fois un avantage et un inconvénient. Un avantage pour découvrir le sujet de la critique du numérique, sans passer par les essais parfois indigestes pondus par des auteurs au style plus académique. Un inconvénient car à trop vouloir ciseler son texte, Olivier Ertzscheid ne l’approfondit pas suffisamment. Le monde selon Zuckerberg est un reader’s digest. Il résume parfaitement les enjeux, mais ne les détaille pas assez.

Pour autant j’ai apprécié de retrouver le style si particulier de l’auteur. Il se faisait plus rare ses dernières années dans son domaine de prédilection. Mais là encore, j’ai plus eu l’impression de lire une synthèse avec des données actualisées de l’appétit des géants que d’avoir un véritable livre inédit entre les mains. A mon sens, c’est néanmoins une lecture indispensable pour ceux qui veulent se familiariser avec les enjeux du contrôle des données et des plateformes numériques.

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Nicolas Falempin

Cadre de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de l'environnement.  Mélange droit public, transition écologique et tasses de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.

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