Déclarer un moratoire sur les lotissements

La construction neuve sur des zones jusque là naturelles ou agricoles commet des dégâts irréversibles sur les sols ainsi artificialisés. Une fois recouvert de béton ou d’un autre substrat minéral, il devient difficile de restaurer les sols, de les revivifier et de les rendre à nouveau capable d’accueillir une vie animale ou végétale. Pour lutter contre ce phénomène, les communes doivent envisager de recourir à un moratoire sur les lotissements et les maisons neuves.

Les nuisances de l’artificialisation des sols

En effet, l’opération de terrassement que suppose la construction compacte les sols. Les restaurer, leur rendre leur flexibilité d’origine, est une opération lourde et surtout longue. Il ne suffit pas de déminéraliser pour les retrouver et leur rendre un usage naturel. C’est pourquoi des arbres plantés en ville, même si toutes les parois ne sont pas bétonnées, auront du mal à s’épanouir, faute de pouvoir enfoncer leurs racines dans un sol trop compact. Tout au plus ce genre de sols pourra t’il servir dans un premier temps pour accueillir un parterre de fleur, un potager ou un composteur.

En outre, les sols ont un rôle naturel dans la régulation du co2 dans l’atmosphère. Un sol vivant, aéré, remué par des micro-organismes tant animaux que végétaux, peut naturellement absorber le dioxyde de carbone et le stocker. Une étude montrait ainsi qu’en augmentant de 0.4% la capacité des sols, ils pourraient annuler la hausse des émissions. Un sol artificialisé perd peu à peu cette capacité, voire relâche son co2…

La consommation foncière

D’ailleurs, il n’est pas inutile de préciser que plutôt que de parler d’artificialisation ou minéralisation des sols, nous devrions parler de consommation foncière. Car changer une zone naturelle, agricole ou forestière (NAF) en zone urbanisée, même si des espaces verts y sont aménagés, en fait malgré tout une zone artificialisée, où la nature n’y a plus sa place que de manière marginale. En outre, les études sont d’autant plus trompeuses qu’elles prennent en compte uniquement les NAF dans la consommation foncière, alors que la superficie urbaine gagnée est 3 à 4 fois plus importante dans les faits parce que la construction se fait dans des zones urbanisables depuis parfois des dizaines d’années, mais qui étaient restées dans leur état d’origine jusqu’alors, sans pour autant être encore considée comme des NAF. Les biais de la statistique en urbanisme permettent de beaux tours de passe passe.

Et surtout, cette consommation foncière ne signifie pas la même chose en fonction de sa destination. On voit bien ici que parmi la construction d’habitations, les usagers professionnels, les services publics et les infrastructures de transport, ce sont les transports qui posent le plus problème, suivi par les usages commerciaux (en proportion de la surface occupée). ce qui est logique, puisque dans le premier cas, il s’agit d’autoroutes, de contournements et autres départementales qui laissent juste une bande herbeuse de sécurité sur les côtés, tandis que dans les seconds, l’essentiel de la superficie hors bâtiment est dévolue aux parkings et voiries. (qui peuvent être artificialisés sans être imperméabilisés, mais cela dénature quand même les lieux)

Éviter plutôt que réduire

C’est pourquoi, plutôt que de compenser l’artificialisation des sols, il faut dans la mesure du possible réduire son emprise et surtout la réduire. Le meilleur sol naturel, c’est celui qu’on n’a pas besoin de déminéraliser.

Dans l’absolu, le plus gros problème est représenté par les habitations neuves. Or, même si chacun aspire à posséder son petit jardin accolé à sa maison, , les lotissements restent une aberration environnementale à proscrire absolument. D’ailleurs, la hausse du prix d’achat des terrains contribue déjà de fait à ce phénomène, puisque si la superficie moyenne d’un terrain de maison individuelle dépassait encore les 1000m² il y a quelques années, elle s’établit désormais autour des 800m². Idem pour les lotissements qui ont une taille de parcelle de 500m² désormais. (source) Mais même si la plus grande partie reste non bétonnée (la maison dépassant rarement les 100m²), les haies (souvent des thuyas, trop acides pour la micro-faune des sols) et murs entourant les propriétés cassent les corridors écologiques.

Nous pouvons ainsi lister 4 bonnes raisons de bannir l’habitat individuel :

  • la division en petites parcelles, organisée par des haies souvent mortes, nuit aux trames vertes et bleues
  • les maisons occupent de plus de place, préférant l’étalement à la verticalité, artificialisant plus de terres
  • la multiplication des maisons entraine un allongement des voiries et des réseaux, rendant moins efficaces les transports en commun et augmentant les frais à la charge des collectivités
  • l’emprise sur la Surface Agricole Utile diminue la capacité de résilience de la commune et d’absorption du CO2

Mettre en place un moratoire sur les lotissements

Au lieu de quoi, un petit collectif parviendra à abriter autant de monde et, construit sur un parking souterrain et adossé à un parc, limitera les nuisances induites. Il pourrait même se bâtir sur une ancienne maison individuelle délabrée. De la sorte, vous reprendrez un terrain déjà endommagé et que vous ne seriez pas en mesure de restaurer, tout en ramenant un peu de vie dans un quartier peut être vieillissant.

En annexe du PLU, le PADD permet justement de fixer les objectifs de limitation de la consommation foncière et de l’étalement urbain, ce qui donne de solides arguments pour refuser un permis de construire non écologiquement pertinent. En complément, les orientations d’aménagement et de programmation s’ajouteront au PADD pour apporter des objectifs et des contraintes plus fines à l’urbanisme en fonction des différents zonages définis dans le PLU, ce qui permet de cibler les zones prioritaires, de remodeler certains quartiers, de privilégier certaines formes à d’autre.

Ainsi, en précisant un objectif de densité de population à l’hectare, vous serez en mesure de pousser les promoteurs à privilégier le collectif au lotissement et ainsi à réduire votre impact sur l’environnement.

Réutiliser son patrimoine

Autre piste, la rénovation du bâti ancien. Votre commune pourrait mettre en place une subvention pour la rénovation du bâti ancien, sur le modèle de ce qui se fait dans le Bas-rhin, où le programme PIG’renov permet à l’anah, au département et aux intercommunalités de mutualiser des architectes conseils et de verser des aides à la rénovation (environ 10 000€ par dossier) de ces jolies bâtisses, souvent plus performantes en isolation, qui restent esseulées dans les centres de nos bourgs.

Sur le même sujet :  Adapter l'éclairage public aux enjeux environnementaux

Vous pouvez même franchir une étape supplémentaire en rachetant le terrain pour ensuite le soumettre à un appel à projet d’habitats participatifs. Ces démarches d’autopromotion, généralement encadrées par des associations aux valeurs environnementalistes bien affirmées, sont naturellement portées vers un habitat collectif de meilleure qualité, ouvert sur la cité et porté par des objectifs écologiques qui se ressentent dans le choix des matériaux, la place laissée à la végétation, aux mobilités douces, ainsi qu’à une gouvernance apaisée et coopérative entre les individus composant le collectif, permettant en outre de lutter contre la spéculation propre à l’investissement immobilier.

Par exemple, à Strasbourg, l’association Ecoquartier accompagne collectivités et porteurs de projets sur la construction neuve ou la rénovation de bâti ancien en auto-promotion par des collectifs, avec succès jusqu’à présent. Par contre, utiliser le DPU (droit de préemption urbain) pour ce genre de projets est un risque, car vos ressources financières seront probablement immobilisées plus longtemps qu’avec des projets portés par un promoteur classique.

Conclusion

Ce moratoire pourrait créer un choc suffisant pour poser les bases d’une réflexion sur comment sortir du dogme de l’urbanisation, qui relève bien souvent d’une compétition entre territoire, ce qui se révèle plus contre-productif que d’envisager des mutualisations, solidarités et compensation à l’échelle du territoire intercommunal.

Aller plus loin : des rapports étatiques avec des préconisations officielles ici , encore ici ou , et un dossier complet de l’association Alsace Nature. Dans son manifeste pour un urbanisme circulaire, Sylvain Grisot aborde aussi des pistes intéressantes.

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Nicolas Falempin

Cadre de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de l'environnement.  Mélange droit public, transition écologique et tasses de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.

2 réflexions sur “Déclarer un moratoire sur les lotissements

  • 8 février 2020 à 9 h 23 min
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    Dans : » Gilets jaunes et samedis noirs » de Algo, publié chez Spinelle, une étude très concrète nommée: La Réal-cité, évalue le nombre de voitures supprimées, le nombre d’accident de la route supprimée, le temps de transport supprimé, le plein emploi, le compostage des déchets ménagers enfin possible grâce au regroupement, l’autonomie énergétique, bref, je ne vais pas résumer. Rendez-vous dés la page 77 de ce livre.

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    • 8 février 2020 à 16 h 05 min
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      Dommage de ne pas en dire plus, d’autant que ce livre – publié à compte d’auteur – ne peut pas faire parler de lui si son auteur n’en fait pas la publicité un peu plus, ne divulgue pas ses données pour susciter le débat.

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