Interdire les barbecues au charbon

A l’été venu, vous voici bien dépourvu quand la brise ramène vers vous cette désagréable odeur de graillon, et les fumées irritantes qui vont avec. La question des barbecues, notamment ceux à charbon ou à gaz, relève clairement de la salubrité publique. Il pourrait être dans votre intérêt de faire interdire ces barbecues dans votre commune.

Pourtant, 76% des français déclarent posséder un barbecue d’après un sondage BVA de février 2019. Mais si la majorité des appareils est à gaz ou à charbon, les appareils électriques ne sont pas en reste non plus. La transition pourrait être plus facile qu’il n’y parait.

La réglementation actuelle

La règlementation nationale prévoit peu de chose concernant l’installation des barbecues. Comme le rappelle cet article, il s’agit surtout de précisions sur l’emplacement et la hauteur. Ainsi, la cheminée d’un barbecue est censée dépasser de 40cm la hauteur de tout obstacle (notamment une maison) se situant à moins de 8m. Une obligation que les particuliers respectent peu par méconnaissance et complexité de la mise en oeuvre. Par ailleurs, si le barbecue dépasse 5m² de superficie, il doit être déclaré en mairie au service urbanisme. Les PLU peuvent également apporter des précisions sur la distance par rapport aux habitations et aux propriétés voisines.

Des restrictions d’usage s’appliquent dans les espaces naturels, forêts et parcs. En effet, qu’il s’agisse de feux de camp ou d’équipements plus élaborés, le risque d’incendie résultant de leur utilisation reste trop fort.

En copropriété, l’installation peut être plus restrictive, le règlement pouvant aller jusqu’à en interdire l’usage. Et ce en particulier pour éviter le risque de salissure des murs, ainsi que les odeurs incommodantes. Les règlements peuvent distinguer les appareils selon leur nature, et privilégier ceux au gaz ou les planchas.

Les restrictions les plus fortes peuvent venir ainsi des communes elles mêmes. Par exemple la ville de Paris interdit purement et simplement leur usage.

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Les inconvénients du barbecue au charbon

Interdire les barbecues pour la cuisson n’est pas une lubie écolo, mais bien une question de santé publique. C’est l’un des pires ressources énergétiques possibles, avec un pouvoir de réchauffement global assez calamiteux. Mais ses inconvénients ne s’arrêtent pas au changement climatique.

Lorsque le barbecue est utilisé pour cuire de la viande, il est plus particulièrement susceptible de générer des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) et des amines aromatiques hétérocycliques (AAH). Ces deux types de substances sont considérées comme cancérogènes par le Centre International de Recherche contre le Cancer.

D’autant que charbon de bois et allume-feu ne sont guère écologiques eux aussi. Les premiers, si leur origine n’est pas précisée, peuvent venir de forêt menacée par la déforestation, voire d’un autre continent. Les seconds sont dangereux pour l’utilisateur et génèrent également une forte pollution de l’air.

source : ATMO AURA

Par ailleurs les fumées dégagées contribuent à la pollution de l’air, notamment à l’ozone. La chaleur produit une réaction chimique décomposant les oxydes d’azotes des fumées (de barbecue, mais aussi des usines et des véhicules). L’ozone ainsi obtenue peut provoquer des difficultés à respirer qui, couplées aux fortes chaleurs, se révèlent fatales pour les personnes fragiles. C’est pourquoi, lors des pics de pollution estivaux, les transports en communs peuvent devenir gratuits et les barbecue interdits. En outre, les micro-polluants aggravent l’effet de serre…

Vers une restriction de l’usage de la combustion

De manière générale, il ne s’agit pas uniquement d’interdire les barbecues au charbon. C’est l’usage du feu en ville qui est de plus en plus réglementé.

Ainsi, le règlement sanitaire départemental précise depuis longtemps l’interdiction du brûlage des déchets. Il s’agit notamment des déchets verts qui, humides, génèrent une forte pollution, mais aussi des déchets ménagers. Un problème que l’on rencontre souvent concernant l’incinération des sapins de Noël par exemple.

Cela concerne aussi évidemment les cigarettes. Outre les problèmes de santé, leur combustion génère de nombreux composés volatils polluants, tandis que leurs mégots peuvent polluer nappes phréatiques et sols. Les fumées peuvent aussi contribuer aussi à l’effet de serre. Là encore, les lieux publics où il est possible de fumer diminuent.

De même, en matière de chauffage, la ville de Paris a banni la cheminée et les poêles à bois. Leur usage reste très règlementé que ce soit pour un chauffage d’appoint ou principal. Le développement de la politique de rénovation énergétique performante va certainement accentuer cette tendance.

Agir pour interdire les barbecues

Les possibilités réglementaires pour les municipalités

Nous avons déjà pu évoquer la possibilité d’une règlementation à l’installation dans le cadre du PLU. Par ailleurs, les arrêtés municipaux permettent également de restreindre partiellement ou totalement les usages, notamment pendant les canicules ou épisodes de pollution de l’air. Sans ces deux circonstances, une interdiction générale et absolue peut être difficile à mettre en oeuvre.

Il apparait en tout cas opportun d’au moins énoncer l’interdiction pour les parcs, et d’en prévoir la possibilité pour les canicules. Communiquer avec les commerces susceptibles de vendre de tels appareils, leur demander d’informer leurs clients sur la règlementation locale, évitera également des déconvenues.

Interdire les barbecues au charbon peut paraitre punitif, mais tout dépend de comment vous introduisez cette règle. Travailler en partenariat avec votre agence ATMO locale, en finançant l’installation d’une station, serait ainsi utile. Vous auriez une analyse plus fine de la pollution de l’air, ce qui justifierait les décisions.

Les alternatives aux barbecues à charbon

Parmi les alternatives classiques, nous trouvons naturellement les barbecues au gaz et électriques. Le premier est en effet moins polluant, mais peut être assez dangereux, tout en dégageant également dans une moindre mesure des gaz à effets de serre. Il nécessite par ailleurs la manipulation de bonbonnes de gaz naturel. Ce n’est donc pas très pratique dans une perspective de résilience énergétique.

Le second est sécurisé, très peu polluant mais moins efficace sur le plan énergétique. Néanmoins cette dernière solution peut être pratique si votre commune interdit le barbecue dans les parcs. En effet, il existe des équipements électriques, à brancher depuis un candélabre par exemple, qui permettent aux habitants de faire des barbecue dans les parcs, sans enfumer quiconque. Par exemple, le français cooxy offre une solution utilisable avec un smartphone pratique quoique onéreuse (6000 € pièce).

A l’inverse, le four solaire est une solution plus durable et adapté à l’esprit low tech de la transition écologique. Certes il est moins pratique, puisque dépendant du temps, mais ne consomme pas d’énergie. Ce qui signifie qu’il ne nécessite pas de travaux de raccordement non plus. Il pourrait être intéressant de faire des expérience dans les parcs publics sur l’usage de tels dispositifs;

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Éduquer à des barbecues écologiques

Dans cet article, consoglobe rappelle quelques principes pour encourager un barbecue plus respectueux de l’environnement. Des conseils qui pourraient être rappelés dans une brochure municipale rappelant également la réglementation locale sur les barbecue et les équipements autorisés. D’autant que cette politique s’inscrit bien dans le cadre de la labellisation cit’ergie pour laquelle associer les citoyens est un atout précieux.

Ainsi, il serait préférable d’éviter la viande, notamment bovine et porcine, qui ont fortement émis des GES pour leur production. Le poulet ou les poisson, si tant est que l’espèce n’est pas en surpêche, sont préférables. L’idéal sera quand même de préférer le barbecue végétarien. Des brochettes de légumes ou des légumes grillés, avec un peu de sauce en accompagnement, sont un bon moyen de se régaler avec un barbecue.

Il en est de même pour les boissons, qui n’ont pas toutes le même impact dans leur production et transformation. Nous ne pouvons que vous conseiller d’éviter les sodas, les boissons vendues dans des bouteilles plastiques et tout ce qui est trop transformé.

Par ailleurs, si ce barbecue se fait avec tellement de personnes que la vaisselle ne suffit pas, il vous faudra éviter la vaisselle jetable. Si votre commune dispose d’une ressourcerie, ce pourrait être pertinent d’aller y emprunter du matériel. La gestion des déchets est un véritable souci pour ces événements festifs. Dans le même ordre d’idée, il serait préférable d’acheter les ingrédients directement chez le maraicher ou le boucher, de manière à réduire autant que possible les emballages.

Conclusion

Cet article a fait le point sur les raisons et les moyens d’interdire les barbecues au charbon. Changement climatique, pollution de l’air et risques d’incendie sont parmi les risques d’une telle pratique. Pour autant, se servir du gaz à la place n’est pas forcément bien meilleur non plus. Une telle réflexion peut être l’occasion d’ouvrir le débat avec la population sur l’usage en général du feu en ville et des alternatives à déployer.

Au-delà, c’est en général la cuisson au charbon qui doit être remise en cause. Richard Hawken, dans Drawdown, estime que l’usage de cuisinières à combustion cause jusqu’à 5% des émissions de co2 mondiales. Et il ne parle là que de la cuisson des aliments, pas du chauffage. Il y a là matière à s’interroger sur la pertinence de maintenir en usage un dispositif aussi polluant. D’autant qu’il contredit alors les objectifs de sobriété carbone des territoires français. Outre le barbecue, il peut aussi s’agir de four à pain ou à pizza qui, au-delà de leur usage souvent festif, ont de graves répercussions sur la planète.

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Nicolas Falempin

Cadre de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de l'environnement.  Mélange droit public, transition écologique et tasses de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.

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