Diminuer l’empreinte carbone des administrations
Dans son bilan carbone de 2012, le ministère de la Défense admet avoir émis 5 millions de tonnes de co2. (mais nous savons qu’ils mentent, mais le reste est secret défense). C’est au mieux 80kg de co2 par français.
Cela nous rappelle que la réduction des émissions de gaz à effets de serre est un enjeu collectif. Il ne concerne pas uniquement les individus ou les entreprises, mais aussi les administrations. Qu’il s’agisse de l’Etat, des services de santé ou des collectivités locales, tout ont un rôle à jouer. Car l’empreinte carbone des administrations publiques impactera nécessairement le budget carbone individuel. Regardons ensemble ce qu’il en est, les mesures déjà entreprises et le chemin restant à parcourir.
Sommaire de l'article
L’empreinte carbone des administrations publiques
Dans son calcul de l’empreinte carbone des Français, le ministère estime à 11.2T eq.CO2 nos émissions annuelles individuelles. Cela représente environ 720 millions de tonnes, soit un peu moins de 2% des émissions mondiales.
Mais ce calcul ne serait pas complet sans une répartition de ces émissions par poste de dépense.
Avec environ 70M de tonnes eq.CO2, les services publics sont en 3e position. Cela représente environ 1.1T de co2 par français chaque année. Il n’est cela dit pas clair si ce chiffre inclue bien tous les services publics. En effet, la catégorie déchets et assainissement ne précise pas par exemple si cela concerne les entreprises seules. Et ce d’autant plus que d’autres études parlaient plutôt de 1.5T pour les administrations publiques. On peut ainsi placer les émissions carbones publiques dans une fourchette entre 1.1 et 1.5T par an.
Il n’est pas non plus à exclure que cet écart provienne des efforts déjà déployés. En effet, et nous y reviendrons, les administrations publiques réduisent déjà leurs émissions carbone.
En l’état, aucune étude ne s’attarde spécifiquement sur l’empreinte carbone des administrations publiques. Certains ministères et des collectivités locales publient néanmoins leur bilan carbone. Malheureusement, trop nombreuses sont celles qui ne se plient toujours pas à cette obligation. Cela ne suffirait pas pour autant à établir un schéma précis de l’impact des 3 fonctions publiques. Pour cela, il faudrait que chacune mette en oeuvre une comptabilité carbone. Cet outil comptable permettrait ainsi de mieux calculer les émissions par service et usage, d’identifier les faiblesses et donc de planifier des investissements de sobriété.
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La difficulté de cette réduction de l’impact carbone
Il existe un écueil majeur pour la mise en place de mesures efficaces de réduction de l’empreinte carbone des administrations. Ces administrations ne sont pas unifiées, n’ont pas de direction centrale.
D’abord, il existe 3 fonctions publiques distinctes : l’état, la santé, les collectivités locales. Chacune a ses propres statuts, ses propres règles, une gouvernance distincte. Néanmoins, la santé dépend quand même assez largement du ministère de la santé, en tout cas en ce qui concerne les hôpitaux. Les ministères eux-mêmes ne sont pas engagés de manière uniforme dans la transition Les ministères de l’environnement et de l’intérieur sont ainsi assez pionniers. Et les collectivités locales vont de la grande région à la commune de 200 habitants, dont les moyens ne sont pas les mêmes.
Ensuite, les pratiques et sources d’émission ne sont pas les mêmes. La défense et l’intérieur émettent beaucoup en transport. A l’inverse, l’éducation nationale émet beaucoup en bâtiments. Dans les hôpitaux, outre les bâtiments, les déchets sanitaires (dit DASRI) sont un souci. Il n’y a pas de solution unique pour toutes les administrations. Chacune doit définir son propre parcours de sobriété carbone.
Enfin, il n’y a pour l’instant aucune contrainte en la matière. Faute de taxe carbone ou d’obligation légale, les administrations publiques françaises ne sont pas tenues d’être eco-exemplaire. Certes, le gouvernement a publié une stratégie nationale bas carbone, mais n’y indique pas de baisse sectorielle. Les ministères sont engagés dans une décroissance carbone pilotée par le gouvernement. Mais pour l’instant il s’agit plus d’une optimisation des sources d’émission plutôt que d’une réduction.
Les mesures de sobriétés mises en place
Pour autant, les administrations ne restent pas les bras croisés.
D’abord, de nombreux aspects de la sobriété carbone se confondent avec la réduction des dépenses publiques. Dans un contexte contraint tant pour le gouvernements que les collectivités locales, les mesures d’efficacité budgétaire et climatiques, quand elles peuvent se conjuguer, sont d’autant plus les bienvenues. L’ancien maire de Grande-Synthe, Damien Carême, raconte ainsi qu’il a économisé 600 000€ par an en remplaçant ses lampadaires par des LED.
Ensuite, un aspect fondamental de ce changement dans les mentalités est la formation des agents. Par exemple, les ministères ont instauré une formation pour mettre en oeuvre les bilans carbone dans les administrations centrales. Au niveau local, le CNFPT lui même n’est pas en reste, tant dans son contenu qu’en matière logistique. Ainsi, les déplacements en mobilité durable sont mieux que remboursés que l’autosolisme.
Enfin, le gouvernement a publié il y a quelques semaines une circulaire sur les services publics écoresponsables. Cela peut paraître anecdotique, mais c’est une première en ce qui concerne une régulation des comportements écologiquement irresponsables. Mobilités, marchés publics, alimentation, déchets, énergie, nouvelles technologies, biodiversité, de nombreux aspects sont ainsi abordés pour arriver à 20 mesures prioritaires. Toutes ne se valent pas, et la plupart manquent de moyens ou d’objectifs chiffrés, mais c’est un référentiel encourageant.
Les 3 défis de l’empreinte carbone des administrations
La réduction des émissions carbone des administration concerne de nombreux domaines, mais on peut en citer 3 qui doivent concentrer le gros des efforts.
D’abord la consommation d’énergie. L’ademe estime que la consommation des bâtiments publics (hors armée, éclairage public et recherche) est responsable d’environ 3% des émissions françaises. Le chauffage occupe à lui seul 47% des usages énergétiques. La rénovation énergétique des administrations est donc un axe fort à privilégier. Et ce d’autant plus que les administrations, notamment locales, doivent donner l’exemple et inspirer les citoyens. En outre, elles peuvent recourir à un tiers financement pour faciliter les travaux. Il faut noter que l’enjeu porte aussi sur la ventilation. La montée prévisible des températures exige une anticipation de la question, qui là encore pourra servir de modèle. Tout en se rappelant que les bâtiments administratifs pourraient aussi servir de point de départ pour des coopératives de productions d’énergie renouvelable.
Ensuite la mobilité. Cette question concerne probablement plus les administrations centrales que les collectivités. En effet, les services de secours et de police reposent assez largement sur la mobilité de leurs agents. Même l’armée a un problème avec des véhicules blindés très consommateurs, et beaucoup d’aviation en prime. Cela n’exonère pas les collectivités locales, qui pourraient faire des efforts de réduction sur les déplacements des agents, d’autant qu’ils sont plus courts. Là encore, en s’équipant en vélo et en véhicule électriques, les collectivités enverraient un signal fort aux habitants.
Enfin l’alimentation. Il s’agirait déjà de réduire la part de viande dans les restaurations collectives professionnelles, scolaires et hospitalières. En la matière, les administrations locales et centrales disposent de nombreux leviers. Parler de zéro déchet ou d’approvisionnement local est secondaire mais néanmoins nécessaire. Les marchés publics ont un rôle énorme à jouer en matière de structuration des filières alimentaires vertueuses.
Par ailleurs, n’oublions pas leur rôle en matière de consommation d’espace. De manière générale, elles devraient préférer densifier ou recycler l’espace déjà artificialisé plutôt que de bétonner.
Conclusion
Atteindre une empreinte carbone des administrations suffisamment basse pour être compatible avec la neutralité carbone s’avère un véritable défi. En 2020, il apparait encore impossible d’imaginer la forme que prendra cette réduction. Car si des pistes de progression sont évidentes, de nombreux domaines ne se prêtent que difficilement à un tel régime.
Comment imaginer des hôpitaux ou une armée – aux appareils gourmands en énergie – adopter un budget carbone drastique d’ici une dizaine d’années ? Cela semble encore une gageure, d’autant qu’il reste beaucoup à faire dans de nombreux secteurs. Néanmoins, sans éco-exemplarité des administrations, il apparaît peu plausible que la société civile ne s’engage véritablement dans une démarche de sobriété carbone. De ce fait, réduire l’empreinte carbone des administrations d’un facteur 4 ou mieux n’est pas seulement un objectif, c’est une nécessité nationale.