Cimetières et funérailles écologiques

En matière de funérailles, il s’avèrera nécessaire de changer ses pratiques. Rassurez vous tout de suite, ce chapitre ne tentera pas de vous convaincre de devenir un adepte du soleil vert, roman et film dans lequel – confrontés à un réchauffement climatique désastreux – on en vient à convertir les cadavres en pilules nutritives, ce que le héros découvre à la fin de l’histoire. Mais dans les communes, il est temps que les élus s’emparent du sujet pour réorganiser les cimetières et proposer des funérailles écologiques.

Chaque année, 600 000 personnes meurent en France. 400 000 choisissent l’inhumation, le reste préfère la crémation. Ces deux méthodes ont un impact carbone différent selon les options choisies. Mais nous pouvons estimer l’empreinte carbone des funérailles en France à environ 500 000 tonnes eq.co2. Ce bilan est probablement plus lourd en incluant les fleurs et les déplacements des proches. De la sorte, nous pourrions donner comme ordre de grandeur que les funérailles représentent 0.1% de l’empreinte carbone nationale. C’est peu, mais 12 kilos par personne quand nous devons arriver à un budget annuel de 2 tonnes, c’est en réalité énorme.

Il existe pourtant un tabou autour de tout ce qui se rapporte à la mort. Et parler de l’empreinte carbone du traitement de la dépouille ne sera certainement pas un sujet très populaire. Il est pourtant nécessaire d’avoir ce débat, parmi tant d’autres tout aussi impopulaires, pour faire avancer le sujet de la neutralité carbone.

Le bilan environnemental des funérailles

Il apparaît nécessaire de mettre un terme aux pratiques désastreuses auxquelles ont se livre pour l’instant. Le corps humain, une fois décédé, est rempli de fluides conservateurs visant à empêcher la décomposition le temps d’organiser la cérémonie d’inhumation en le rendant présentable, ce qui pour effet de ralentir considérablement un mécanisme qui ne devrait prendre que quelques mois. Ce qui est d’autant plus dommageable que cela se fait à travers un cercueil traité pour résister lui même à la décomposition, placé dans un tombeau en béton qui artificialise les sols et détruit la vie souterraine. Quand il n’est pas incinéré à grands feux, alors que constitué en grande partie d’eau, il est par définition difficile à brûler, ce qui contraint d’augmenter l’intensité de la combustion, et donc de produire énormément de co2.

L’inhumation pleine terre – méconnue en France – est de loin la meilleure solution

De plus, tous les types de funérailles ne sont pas aussi écologiques les unes que les autres. Le rite principal, l’inhumation dans un caveau surmonté d’un monument en marbre, est écologiquement nuisible. A l’inverse, et contrairement à une idée reçue, la crémation est plutôt écologique. En effet, les incinérateurs sont conçus pour capter la pollution de la crémation. Les cercueils brûlent assez bien et nécessitent peu de gaz, ce qui limite les émissions.

A l’opposé, lors de sa décomposition, une dépouille émet de nombreux gaz à effets de serre – notamment du méthane – qui file directement dans l’atmosphère. De plus, même quand ils sont verdoyants, les cimetières ne sont pas des espaces naturels. Ils sont artificialisés par tout le béton et le marbre qui y sont déversés, ce qui empêche la captation de co2 par les sols. Enfin, l’extraction et la taille du marbre et la production du béton pour le caveau génèrent des coûts énergétiques assez conséquents.

Bien ce que ne soit pas pris en compte dans le graphique actuel, il faut aussi y intégrer les émissions sociales des rites funéraires. Les fleurs utilisées pour exprimer son deuil ont poussé dans des serres et ont été transportées depuis des pays lointains dans des véhicules réfrigérés. Une rose aurait ainsi une empreinte carbone de 2 kilo de co2 ! Si vous organisez un apéritif après la cérémonie, alcool et viande pèseront également lourdement dans la balance carbone. Enfin, comme dans la méthode du bilan carbone, il faut intégrer les déplacements des personnes venus rendre un dernier hommage au défunt. Pour peu que vos proches viennent de loin, cela peut très vite exploser.

De l’utilité des cimetières

Les ingénieurs ont mis au point de nombreuses méthodes alternatives pour ne pas brûler ou inhumer un corps, la plupart soit très fantaisistes ou technicisées, et donc réservées à un public restreint. Par ailleurs, elles ne sont pas autorisées en France et aucun mouvement en leur faveur n’a pour l’instant émergé.

Pour l’instant la loi française n’offre que deux modes de traitement des dépouilles : l’incinération avec urne (attention la dispersion n’est autorisée que dans les cimetières puisque les cendres sont considérés comme un déchet) et l’inhumation dans un cercueil scellé placé dans un cimetière.

3 alternatives s’offrent ainsi au maire désireux de changer ses pratiques funéraires

  • Conseiller aux proches d’inhumer le corps le plus vite possible en refusant les produits de conservation, dans un cercueil en carton ou en bois fin (éviter le pin qui est vermifuge) et en pleine terre, voire sans monument funéraire. La tombe pourra alors être signalée avec de la décoration, du gravier, de la végétation et une petit plaque.
  • Créer une forêt cinéraire, dispositif encore pionnier en France mais pas forcément illégal, dans lequel, en lieu et place d’un colombarium, des urnes compostables sont placées en pleine terre dans un carré dûment défini, de manière à ce que les cendres nourrissent le sol.
  • Mettre en place un cimetière à humusation, ce qui est une pratique encore interdite en France, puisque sans cercueil ni housse homologuée par le ministère de l’intérieur, mais qui présente le meilleur impact environnemental, puisque le corps est – pour simplifier – mélangé à du broyat pour en faire du compost. Construire un tel cimetière serait donc un risque juridique, mais qui se justifierait sur le plan environnemental.

Par ailleurs, à l’instar du fumain – c’est à dire le compost issu des excréments humains – le corps humain comporte de nombreuses vertus régénérantes pour les sols, tant il est riche en matières organiques fondamentales comme le phosphore, tandis qu’il peut également nourrir des insectes qui – en grouillant dans le sol – l’aèrent et lui permettent de devenir puits de carbone. Ainsi, il est possible de concilier préservation de l’environnement et funérailles écologiques.

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Cimetières et espaces verts

Les cimetières dépendent entièrement de la compétence du maire et sont soumis à son pouvoir de police administrative. il a donc toute latitude pour décider de son organisation et de son fonctionnement dans le respect de la loi. Il a donc tout pouvoir – ou presque – pour proposer des funérailles écologiques à ses administrés.

A cet égard, le maire peut donc décider de moderniser les cimetières pour les adapter aux besoins de la transition écologique. La transformation principale se jouera donc du côté des espaces verts et de leur entretien.

En effet, actuellement, la plupart des cimetières sont artificialisés avec un recouvrement du sol par du gravier, et les mauvaises herbes sont impitoyablement éliminées avec des produits phytosanitaires, qui sont encore autorisés pour les municipalités en ces lieux. La première étape sera donc de passer au zéro phyto à l’instar de ce qu’a fait la ville de Versailles depuis 2009. Ce document fait le point sur différents outils pouvant servir à entretenir les cimetières sans produits toxiques. D’autres villes optent pour des solutions low tech pour enlever les mauvaises herbes sans malmener les corps. La commune de Corps-Nuds a ainsi bricolé un vélo binette pour entretenir écologiquement son cimetière.

Mais le plus simple serait peut être de laisser libre cours à la végétation, son élimination étant finalement une tendance hygiéniste récente. Accompagné d’une sensibilisation de la population, à l’instar de ce qui se fait à Rennes, où les espaces entre les tombes et devant sont semés pour former une pelouse, voire un gazon fleuri. La fredon donne des idées d’aménagements en ce sens, en rappelant que les mauvaises herbes viennent souvent des écarts entre deux surfaces, comme cela peut arriver au pied des monuments ou dans les joints vieillis des pavages de circulation, qui pourraient ainsi être rafraichis via un marché d’entretien à bon de commande par exemple.

Vers des cimetières et des funérailles écologiques

Et avec une meilleure gestion des agents des services techniques, qui devraient uniquement intervenir dans de tels cimetières deux ou trois par an, en préventif , les risques de survenue d’adventices sont réduits. De même, il revient au maire de faire appliquer les arrêtés municipaux contraignant les propriétaires de parcelles à les entretenir, même si ce genre de rappel à la loi est impopulaire.

Enfin pour encore plus de cohérence, et afin d’éviter la production de déchets dans les cimetières, le maire pourrait interdire l’utilisation de fleurs coupées dans son cimetière. A la place, pourquoi ne pas encourager la plantation de fleurs ou d’arbustes en pleine terre, autour des caveaux ou des emplacements d’humusation (le cas échéant). Une plante durable n’est elle pas le meilleur hommage que l’on puisse rendre à un proche défunt ? A défaut, et pour ne pas aller aussi loin, ce sont les essences de fleurs qui pourraient être définies afin de privilégier des plantes de saison et/ou locales, démarche pour laquelle un partenariat avec les fleuristes avoisinants ne sera pas de trop.

La ville de Niort a choisi cette démarche pour la réorganisation d’un de ses cimetières. Ce cimetière naturel est entretenu par les agents municipaux et les familles, qui doivent prendre soin des caveaux en les plantant et en les traitant sans produits phytosanitaires. Cette démarche innovante permet d’imaginer de nouvelles manières – bas carbone – de rendre hommage à ses défunts par des funérailles plus écologiques.

Financièrement, ces méthodes requièrent plus de main d’oeuvre si vous n’optez pas pour la partie végétalisation du cimetière. Mais elles permettront à la vie de revenir dans ces lieux de recueillement, ce qui pourrait avoir de nombreux effets positifs, et atténuer un peu la peine des proches. La préservation des espaces naturels doit en effet devenir une priorité des villes. Et quel plus beau symbole que de voir la vie fleurir dans ces espaces de recueillement ?

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Des équipements funéraires mieux adaptés

Outre les cimetières, d’autres équipements mortuaires devraient être adaptés pour diminuer leur impact écologique. La mairie a son rôle à jouer dans la mise aux normes environnementales de ces installations.

Par exemple, les centres de recueillement pour que les proches puissent rendre un dernier hommage aux défunts sont rarement exemplaires. Il s’agit souvent d’entrepôts réaménagés pour proposer plusieurs espaces de recueillement. Ces lieux souffrent ainsi d’une isolation désastreuse, qui les rend trop chaud en été et trop froid en été. Dès lors, les entreprises compensent avec des chauffages et des climatiseurs, plutôt que de penser à l’isolation de leur bâtiment. Des conseils et un accompagnement sur la rénovation, avec un conseiller Faire par exemple, pourrait permettre de changer la donne.

De même, les centres d’incinération peuvent être vétustes, La méthode traditionnelle de crémation, bien que moins polluante que l’inhumation, génère de nombreux micropolluants. La mairie pourrait surveiller leurs émissions et émettre des règlementations contraignantes pour qu’ils mettent à jour leurs filtres.

Vers des coopératives funéraires

Votre municipalité pourrait aussi soutenir la création de coopératives funéraires. Ainsi à Strasbourg, l’association Maintenant l’après a vu le jour en 2020 pour renouveler les pratiques funéraires. La municipalité a soutenu son lancement avec une subvention municipale.

Leur objectif est triple. D’abord ils veulent plaider pour de nouvelles pratiques funéraires comme les forêts cinéraires, et engager le débat en la matière. Ensuite, grâce au modèle coopératif, ils veulent proposer une alternative moins coûteuse. Enfin, ils proposeraient des solutions écologiques pour l’enterrement, par exemple des matériaux biosourcés.

Réduction des coûts et des impacts écologiques sont d’ailleurs tout à fait compatibles. Les soins de conservation polluent les sols et rallongent la facture, sans être vraiment nécessaires. D’autres aménagements du cercueils, comme les capitons, coûtent également chers.

Conclusion

La transition vers des funérailles écologiques est un sujet que les communes doivent appréhender. Les services de l’état civil ou le service technique pourraient ainsi apporter des conseils aux familles. Pour l’aménagement d’une parcelle, voire le choix de la meilleure solution, ils seraient ainsi bien placés pour faire un point sur les avantages et inconvénients de chaque méthode. De même, les élus pourraient prendre le risque d’aménager un cimetière plus respectueux de l’environnement. Le cimetière naturel est une première étape, mais la forêt cinéraire ou l’humusation sont les véritables alternatives vers lesquelles tendre.

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Par ailleurs, les familles des défunts peuvent également agir sur l’empreinte carbone des funérailles. Il faudrait ainsi refuser les fleurs importées, et préférer des fleurs locales, ou des plantes en pot pérennes. De même, si des personnes viennent de loin, deux options s’offrent à vous. Soit elles pourraient covoiturer au moins sur une partie du chemin. Soit elles ne le peuvent pas, et dans ce cas là il vaut mieux opter pour un trajet en transport bas carbone dans la mesure du possible. De même, évitez le marbre et autres décorations coûteuses en énergie pour orner la tombe. Planter des fleurs ou de la végétation serait tout aussi joli, à condition que la municipalité soit d’accord.

Ainsi, outre la méthode de traitement du défunt, le maire peut aussi jouer sur l’organisation de l’espace au sein des cimetières pour améliorer leur esthétique, revivifier les sols et même faire des économies. Mortel non ?

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Nicolas Falempin

Cadre de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de l'environnement.  Mélange droit public, transition écologique et tasses de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.

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