Adapter l’éclairage public aux enjeux environnementaux

Près de 10 millions de points lumineux éclairent les rues des villes françaises. L’association spécialisée ANPCEN estime que leur nombre aurait crû de 90% en 25 ans. Les formes, les hauteurs, les technologies diffèrent, mais la nécessité d’éclairer les voiries pour sécuriser les cheminements reste forte chez les élus. Pourtant, pour des raisons environnementales, financières et mêmes mentales, il serait pertinent de rationaliser cet usage, d’en remettre en cause la pertinence. Réduire l’éclairage public c’est aussi contribuer à l’amélioration des services publics.

Pour les collectivités locales, cette compétence est une source de dépenses assez considérable. Entre le coût de l’électricité, la maintenance du parc déjà installé et les investissements de remplacement, l’éclairage public pèserait de plus de 2 milliards d’euros dans les budgets locaux. Or, la tendance du prix de l’électricité laisse craindre le pire quant à la maîtrise de ces coûts, puisque les projections sont d’une hausse du prix de 3% par an d’ici 2030. Mais le problème de l’éclairage public est aussi celui de sa consommation d’électricité, de son impact sur la biodiversité.

Définition de l’éclairage public

L’éclairage public n’est pas une compétence explicite des collectivités locales. C’est à travers l’article L. 2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) que celui-ci est mentionné dans les outils à disposition du maire pour exercer ses pouvoirs de police. Celui-ci mentionne en effet que la police municipale a pour objet d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publique. Elle comprend notamment : « tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l’éclairage, l’enlèvement des encombrants ». Il n’y a donc aucune obligation d’éclairer, c’est un outil parmi d’autres pour assurer la police. Les maires éteignant leur éclairage en pleine nuit ne sont donc pas dans l’illégalité.

L’usage de cet outil repose sur un enchevêtrement de solutions techniques parmi lesquelles piocher au gré de ses envies, besoins ou capacités financières. Ainsi 10% du parc de luminaires fonctionnerait encore avec des lampes à mercure, totalement obsolètes depuis une vingtaine d’années (mais interdites à la vente seulement en 2015), alors que la technologie LED n’équiperait que 15% du parc. L’essentiel du parc de luminaires actuels fonctionne avec des lampes néon ou sodium, très fiables mais consommant beaucoup d’électricité.

Bien choisir son luminaire (Source : FNCCR)

A l’inverse, les lampes LED, très coûteuses à l’achat, ont une durée de vie inférieures, requièrent aussi moins de maintenance (nettoyage) et consomment beaucoup moins, d’autant plus que leur puissance peut être réglée finement, mais en cas de panne, il faut généralement changer toute la tête d’éclairage, ce qui revient plus cher. La technologie est arrivée à maturité depuis une dizaine d’années, et présente un bilan financier de plus en plus intéressant. De plus, elle permet de penser à des modes de gestion plus modulables, ce qui les rend aussi plus compatibles avec les nouvelles réglementations européennes et françaises sur la pollution lumineuse. 

Niveau forme et hauteur, c’est là aussi le bazar. Vous pouvez trouver des candélabres de 4m – généralement des globes – et d’autres qui culminent à une dizaine de mètres, où qui sont posés sur des poteaux d’alimentation électrique – on parle alors de crosse – et sans oublier les projecteurs de stade, qui peuvent être beaucoup plus hauts, mais aussi plus puissants. Ces dimensions différentes jouent également sur la compatibilité avec les nouvelles normes.

Or le parc des candélabres publics est assez ancien, plus de la moitié des luminaires installés dépasseraient les 25 ans, ce qui correspond au passage aux lampes à vapeur de sodium pour la plupart d’entre eux. Leur durée de vie étant estimée à 30 ans, il devient ainsi nécessaire d’envisager leur remplacement. C’est maintenant que les frais de maintenance vont exploser alors qu’en parallèle ces dispositifs deviennent de moins en moins efficaces, consomment plus et éclairent moins. Ainsi, même si le LED coûte plus cher, c’est aussi par opportunisme qu’il devient intéressant d’opérer la transition en espérant ainsi économiser sur les coûts d’entretien d’un système en voie d’obsolescence. Il pourrait alors être intéressant d’en profiter pour s’interroger sur l’opportunité de supprimer certains emplacements, de questionner la pertinence de l’éclairage généralisé. Mais cela ne semble pas encore pertinent du point de vue des usagers.

L’attachement des français à cette solution

Il est en effet intéressant de noter que la population n’est pas favorable à l’extinction des lumières la nuit, sauf pour celles des bureaux et commerces. Deux études menées en 2014, l’une par des étudiants de HEC l’autre par Harris interactives, montrent bien cet attachement des français à l’éclairage des voiries. 20% des personnes sondées considèrent ainsi que leur rue n’est pas suffisamment éclairée. Ils sont aussi 90% à considérer que l’éclairage public est un enjeu central de sécurité – alors que les études comparatives réalisées sur des communes éteignant leurs candélabres au milieu de la nuit ne soulignent pas de hausse particulière de la criminalité. Cette étude souligne d’ailleurs que 86% des français souhaitent être consultés quant à une éventuelle modification des horaires d’allumage des luminaires.

Cette impression est peut être à rechercher du côté des automobilistes, puisque 87% d’entre eux soulignent que c’est un facteur de sécurité sur les routes départementales et communes, tandis qu’ils sont 28% à déclarer avoir vécu une situation dangereuse sur la route à cause d’un manque de visibilité. C’est un point vraiment intéressant qui prouve la nécessité d’apaiser la circulation en ville, et donc de favoriser les mobilités douces, pour accompagner cette réduction de l’éclairage public dans le même temps. 

Dans le travail quotidien des collectivités, l’installation de ce genre de mobilier urbain suscite aussi des réticences. Installer un candélabre dans un parc, un espace hors voirie est souvent associé à la présences d’indésirables jusqu’à des heures tardives. Personnes sans abris, jeunes désoeuvrés, trafiquants de drogue, l’éclairage public est accusé de favoriser les pratiques troublant la tranquillité publique. Pourtant, ils sont également 65% à penser que l’éclairage public favorise le lien social dans un quartier. Cette croyance est plutôt le reflet d’un aménagement de l’espace public hostiles à certaines catégories de la population.

Cela souligne donc que la question de l’éclairage public est un sujet important de la participation citoyenne. Il n’est guère réaliste de mettre en place une extinction nocturne sans consulter la population, en l’associant à la réflexion, peut-être en en profitant pour l’intégrer à un jury citoyen. Même si, paradoxalement, quand l’extinction des lumières est décidée de manière unilatérale, les réactions de protestation sont modérés.

L’éclairage public est-il nécessaire ?

Outre l’aspect légal mentionné au début de cet article, l’éclairage public a un véritable effet rassurant ainsi que le soulignent la plupart des français. Nous manquons d’études françaises pour faire un lien suffisant entre éclairage et sécurité, mais l’AFE a néanmoins réalisé une synthèse de l’état de l’art. Nous y apprenons que cette corrélation entre extinction des lumières et hausse de la criminalité n’est pas avérée. Mais outre le manque de données, il faut analyser plus finement les données pour comprendre les problèmes que pose cette solution.

La revue Cairn indique par exemple que les cambriolages ont lieu quand les lieux sont vides, en journée pour les domiciles, de nuit pour les entreprises. Ce n’est pas la lumière le facteur important, mais la présence d’autrui. De même les vols à main armée se déroulent généralement en soirée, quand les commerçants ont la caisse remplie d’argent. En fait, ce n’est pas l’éclairage qui détermine la cible, mais le moment le plus adéquat pour commettre le délit. Tout au plus, l’éclairage a un effet sur les petits délits comme le vandalisme.

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Néanmoins, il existe un aspect sécuritaire de l’éclairage public pour les femmes. En effet, dans des sociétés encore très marquées par le patriarcat, et où les agressions sexuelles restent invisibilisées, voire ignorées par les forces de l’ordre, l’éclairage rassure les femmes qui se déplacent de nuit dans l’espace public. A cet égard, il parait utile que le meilleur moyen d’éviter un viol, ce n’est pas de ne pas porter de mini jupe ou de ne pas sortir le soir, mais bien de ne pas commettre de viol. La victime n’est jamais responsable de son viol, mais l’éclairage public permet de se rassurer. De pouvoir anticiper d’éventuelles menaces.

Éclairer pour Divertir comme à Lyon durant la fête des Lumières

Côté transport, les voitures pourraient ne pas avoir recours à l’éclairage public. Après tout, elles ont des feux de circulation, qui leur permettent de circuler en pleine nuit hors des agglomérations. C’est le raisonnement qu’ont eux des villes pour éteindre leur propre éclairage. Mais l’enjeu de l’éclairage est pour les modes de transports doux, comme les cyclistes et les piétons, les premiers ayant un éclairage faible et les seconds pas du tout. L’angle d’éclairage des phares de voiture ne permettrait pas aux automobilistes de détecter les piétons à temps dans la plupart des configurations des passages piétons en France. Et si les conditions météorologiques sont mauvaises, même avec un feu arrière clignotant et un gilet de visibilité, un cycliste est en danger sur la chaussée.

Dans une telle perspective, l’absence d’éclairage nécessiterait de réduire la vitesse de circulation des automobiles, y compris sur les départementales traversant les villes, à 30km/h. Cette vitesse permet de réduire suffisamment la vitesse pour pouvoir repérer un piéton ou cycliste avec son feu de circulation et freiner. La construction de pistes cyclables séparées et en général d’infrastructures sécurisées est une autre condition indispensable pour la diminution de l’éclairage public. Mais un éclairage minimal pourrait rester intéressant, car la faible lumière rend difficile la détection d’obstacles, y compris sur le trottoir, ce qui peut causer des blessures.

La lumière est aussi un enjeu commercial et événementiel. Dans les villes touristiques ou disposant d’activités culturelles, il est impensable d’éteindre la lumière tant qu’il reste des clients en soirée. L’éclairage public permet également de mettre en valeur des éléments patrimoniaux, de souligner l’histoire ou la particularité de certains éléments architecturaux, voire d’imaginer des spectacles son et lumière. De plus, la tradition des illuminations de Noël est si bien ancrée que personne ne songerait réellement à la considérer comme du gaspillage d’argent public.

Modes de gestion des points lumineux

Ce qui nous permet aussi d’envisager la question de la gestion de l’allumage et de l’extinction des luminaires. Avant tout, il faut comprendre que les luminaires sont commandés par des armoires de commande installées sur la voie publique au sein d’un secteur pouvant englober plusieurs rues. Il n’est d’ailleurs pas rare que les deux côtés d’une rue appartiennent à des secteurs différents, ce qui peut provoquer des situations cocasses selon les instructions de chaque boitier. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’allumage n’est pas simultané. Il existe ainsi 4 modes de gestion différents, qui seront classés du plus ancien au plus récent.

Les horloges mécaniques, où les luminaires reçoivent des instructions en fonction d’une heure préalablement enregistrée dans l’armoire de commande. Ce n’est pas très pratique, puisqu’il faut changer régulièrement les heures d’allumage et d’extinction pour suivre le lever et le coucher du soleil et donc éviter le gaspillage. Or, ces réglages sont effectués par des électriciens spécialisés, ce que les collectivités possèdent rarement dans leurs effectifs. 

éclairage public

Les cellules photoélectriques, qui commandent l’allumage et l’extinction d’un secteur en fonction de la luminosité perçue par les cellules. Peu couteuses à installer, elles sont réputées plus fiables que les horloges mécaniques, mais il suffit d’un peu de poussière sur la cellule, d’un arbre masquant le soleil, d’une mauvaise orientation des cellules ou d’un temps très nuageux pour déclencher l’allumage. A l’inverse, un projecteur privé mal orienté peut aussi conduire à l’extinction non désirée des luminaires.

Les horloges astronomiques, pour lesquelles la commande dépend directement du lever et du coucher du soleil et est diffusée par ondes radio une fois par semaine, de sorte que l’heure est la même pendant une semaine. Là aussi très fiable, son inconvénient est de ne pas être reprogrammable par la collectivité et de ne pas tenir compte des variations de luminosité en journée. 

La télégestion, qui se développe concomitamment avec l’installation des lampes LED. En connectant les candélabres au sein d’un réseau numérique, la gestion en devient plus aisée, plus fluide. Et comme le grand avantage du LED est d’avoir un temps d’allumage instantané sans fragilisation des lampes, cela offre de nombreuses possibilités. Il est désormais possible de programmer facilement les heures d’allumage et d’extinction des points lumineux, de faire varier leur intensité, de prévoir des extinctions temporaires (c’est possible dans les autres systèmes aussi) à n’importe quel moment. De plus, un tel système est parfaitement compatible avec la détection de mouvement.

Éventuellement, vous pouvez faire reposer l’extinction et l’allumage sur la détection de présence. Cette méthode est en fait loin d’être une panacée, bien qu’elle puisse permettre d’économiser de l’énergie. Comme nous l’avons déjà vu, elle n’est vraiment compatible qu’avec un éclairage LED, qui seul permet un allumage instantané. Il faut en outre bien régler le temps d’allumage pour éviter un clignotement trop fréquent qui serait bien plus dommageable pour le rythme circadien biologique que l’allumage en permanence. De ce fait, si une rue est un axe structurant de votre commune, il parait plus pertinent de le garder éclairé, tandis qu’un axe secondaire pourrait effectivement dépendre de la détection de présence. Les constructeurs recommandent plutôt de l’installer à la conception d’un projet, pas de l’installer a posteriori.

Certaines communes expérimentent également des systèmes où les habitants commandent l’allumage des candélabres par sms ou via une application quand ils approchent de la ville ou savent qu’ils vont sortir de chez eux en pleine nuit, de sorte que les lumières peuvent s’éteindre une fois ce besoin passé. Par contre, ce système est plus coûteux à mettre en oeuvre, puisqu’il nécessite de raccorder à internet toutes les armoires de commande. 

L’impact des points lumineux

La lumière n’est pas qu’un atout pour l’organisation des villes, c’est aussi un inconvénient. L’exposition continue à la lumière artificielle cause des problème de santé aussi bien chez les Humains que chez les animaux et même les plantes. En effet, cela perturbe les migrations, la reproduction, la prédation et la communication, voire créé des phénomènes d’attraction ou de répulsion autour des points lumineux. Les espèces totalement nocturnes sont les plus concernées, puisque leur rythme en est complètement dérangé.

Pour l’Humain, ce n’est guère mieux, puisque cette exposition constate génère un effet de décalage horaire et bloque la sécrétion de mélatonine. cette désynchronisation peut donc générer stress, fatigue, perte de la qualité du sommeil, irritabilité ou troubles de l’appétit. A ce titre, les nuisances lumineuses sont à considérer pleinement comme une pollution, tout aussi dangereuse que la pollution chimique.

Sur un sujet plus trivial, quoique cela participe à la création des rêves chez les enfants, cela empêcherait 50% de la population européenne de distinguer la voie lactée. En ville, hormis la lune et les étoiles les plus lumineuses, la quasi totalité du ciel est dissimulé par les lumières urbaines.

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Réguler les nuisances lumineuses

Et ça tombe bien, puisque le décret du 27 décembre 2018 relatif à la prévention, la réduction et la limitation des nuisances lumineuses introduit des dispositions pour lesquelles l’usage des lampes LED voire des possibilités de la télégestion s’avéreraient bien pratiques. Ce texte s’intéresse de manière générale à l’éclairage sur la voie publique, mais aussi à celui à l’intérieur des édifices non résidentiels mais visibles depuis l’extérieur. Il introduit ainsi diverses catégories d’éclairage et spécifie pour chacune d’elles des limitations d’usage. En parallèle, l’Association des Maires de France porte un label de villes et villages étoilés valorisant les initiatives des villes en faveur de la lutte contre la pollution lumineuse. Un tiers des communes françaises éteindraient déjà leurs lumières la nuit.

Si l’éclairage public des voiries échappe à toute régulation, les collectivités sont néanmoins concernées par l’éclairage des parcs, des parkings publics, des bâtiments y compris à valeur patrimoniale, ainsi que des chantiers. Il devient alors pertinent de mettre en place une détection de mouvement puisque parcs et parkings sont censés ne plus être éclairés à partir de 23h. Il parait pertinent de souligner cependant que le balisage n’est pas considéré comme éclairage public, tout comme les bandes réfléchissantes ou les peintures luminescentes, ce qui permet d’imaginer d’autres manières d’indiquer et de sécuriser les itinéraires en pleine nuit sans pour autant éclairer vraiment.

Ce décret interdit aussi à partir de 2025 les luminaires de type globe, qui éclairent aussi bien la rue que le ciel, ce qui représente d’une part un gaspillage énorme d’énergie, mais dérange aussi la biodiversité environnante qui, exposée en permanence à de la lumière, commence à voir son rythme circadien perturbé. L’éclairage uniquement vers le bas avec une tête bien orientée vers la chaussée préserve ainsi les arbres et leurs habitants et contribue donc à la préservation des trames noires dans les corridors écologiques.

De manière générale, cet objectif est également facilité par la variation de puissance inhérente à la technologie LED. Jusque là, pour faire varier l’intensité lumineuse, il était nécessaire d’installer un variateur dans chaque armoire de commande, ce qui pouvait conduire à augmenter la puissance de l’armoire, donc à changer son enveloppe, tout en nécessitant une maintenance renforcée, de sorte que les gains financiers étaient minimes. Avec les LED, la variation d’intensité est une option intégrée dès le départ, dont le niveau peut être défini à la pose et modifié par la suite très facilement. Jusqu’à 50% de variation, la plupart de vos habitants ne se rendront compte de rien s’ils ne sont pas au courant, puisque le seul moyen de constater cette baisse est de calculer l’étendue des taches lumineuses au sol, ce qui permet d’atteindre jusqu’à 75% d’économie d’énergie par rapport aux précédents systèmes, tout en considérant que cette variation peut aussi être programmée à différents niveaux et différents horaires au cours de la nuit selon les besoins

Pour autant, plusieurs études suggèrent que la responsabilité de l’éclairage public dans la pollution lumineuse nocturne serait assez faible. Par exemple, des scientifiques ont évalué que la part des candélabres variait de 13 à 18% selon l’intensité lumineuse à Tucson (USA). En effet, les lumières restées allumées à l’intérieur des commerces et bureaux, les lumières des parkings et autres ouvrages publics, les panneaux publicitaires, voire des édifices résidentiels y contribuaient également de manière significative. Supprimer les candélabres de type globe et améliorer l’orientation et l’angle d’éclairage des lampes ne suffit pas, il faut agir sur tous les dispositifs lumineux urbains.

Diminuer les publicités lumineuses

La modernisation de votre parc de luminaires est également une bonne occasion pour durcir la réglementation concernant la publicité. l’éclairage public n’est en effet pas le seul responsable des nuisances lumineuses. Dans cette catégorie vous trouvez les enseignes de magasin lumineuses (y compris les enseignes de toit), les publicités rétro-éclairées et les panneaux numériques.

Source : antipub

Elles consomment également trop d’énergie – un panneau numérique standard consommerait ainsi autant d’électricité que deux foyers hors chauffage. l’association antipub estime ainsi qu’un panneau numérique lumineux une face consomme jusqu’à 6800 KWh à l’année, tandis que son équivalent deux faces passe à 12600 KWh (soit 4 foyers). Et comme le gouvernement promet depuis 2020 un rapport sur le sujet qui n’arrive pas, il est difficile d’avoir le dernier mot sur la consommation réelle. De son côté, JC Decaux estime que ces dispositifs économisent de l’énergie par rapport à un panneau standard, puisqu’il n’y a pas besoin d’envoyer un agent changer l’affiche. Outre le fait qu’une mobilité bas carbone – un triporteur à assistance électrique par exemple – serait envisageable, il reste aussi à vous questionner sur la pertinence de publicités souvent nuisibles à l’environnement dans l’espace public d’une ville souhaitant la transformation écologique.

L’électricité nécessaire pour les enseignes est elle aussi un vaste problème. L’ademe estimait en 2013 que l’éclairage des commerces, tout compris, représentait la consommation électrique (hors ECS et chauffage) de 750 000 foyers et 25% de la facture énergétique moyenne d’un commerce. C’est donc un poste de consommation non négligeable, dont la prise en compte est indispensable pour la transition énergétique de votre territoire. En visant la sobriété de l’éclairage des commerces, vous réduirez aussi les besoins en production d’énergie.

Améliorer la gestion du parc d’éclairage

Mais si l’éclairage public est un véritable levier pour réaliser des économies d’énergies et financières rapidement, la Cour des comptes estime cependant que les collectivités locales ne s’en sont pas encore suffisamment emparées. Dans un rapport publié en mars 2021 où elle passe en revue la gestion de cette compétence par douze collectivités de la région AURA, la cour des comptes souligne la connaissance parcellaire qu’elles ont de leur réseau, leur absence de vision à long terme et la timide application de la réglementation contre les nuisances lumineuses.

Elle reproche ainsi la vétusté du parc de luminaires, puisque 40% des candélabres auraient plus de 25 ans. Ce n’est pas forcément grave, après tout la lutte contre l’obsolescence est un axe fort de la transition. Mais ici, 25% des candélabres sont des lampes à vapeur de mercure, interdites car dangereuses, inefficaces et très gourmandes. Et 10% des candélabres (à mercure ou sodium) sont des ballons fluorescents (dits aussi globes) très gourmands, fragiles (car très bas dont plus faciles à dégrader) et éclairant plus le ciel que la chaussée. Bref, une grande partie des candélabres en fonctionnement représentent un véritable gaspillage de l’argent public.

C’est dommage, puisque dans le même temps des organismes publics comme l’Ademe ou le Cerema ont mis au point des outils de suivi de l’éclairage public pour pallier cette faible connaissance, mieux planifier les investissements et concevoir de manière plus stratégique les réseaux d’éclairage public. Pour aller plus loin encore, notamment en matière financière, la Cour des Comptes conseille de mutualiser la gestion et la maintenant soit au niveau intercommunal (et ainsi d’intégrer cette question dans les PCAET) soit dans des syndicats départementaux d’énergie, ce qui permet de bénéficier des services des bureaux d’étude afférents. 

De plus, pour maintenir une logique vertueuse de réutilisation des sommes économisées, le Cerema et la Banque des Territoires soutiennent ainsi la mise en place de l’intracting dans les collectivités. Ce concept désigne une contractualisation interne permettant de réaffecter les fonds dégagés par les économies d’énergie sur une ligne comptable dédiée de manière à toujours pouvoir bénéficier des crédits nécessaires pour financer les actions techniques nécessaires aux économies d’énergie. C’est une démarche saine pour s’assurer d’une accélération de la transition énergétique dans votre collectivité.

D’ailleurs côté financement, outre les subventions que peuvent allouer les syndicats départementaux, le dispositif des primes CEE permet de subventionner la plupart des opérations concernant l’éclairage public, nonobstant le modèle de lampe déployés. Si le remplacement des points lumineux par des LED est ainsi prévu, le passage à l’horloge astronomique est également recommandée, ainsi que la mise en place de variateur d’intensité, etc. La DSIL peut être également une bonne source de subventions, puisqu’il s’agit là de travaux rapide apportant un gain d’énergie immédiat, ce qui correspond au programme rénovation qu’elle promeut jusque fin 2022.

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L’éclairage public dans la transition écologique

Dans le cadre de la nécessaire remise en cause des services publics en vue de leur décarbonation, l’éclairage public n’est pas prioritaire. L’éclairage public est le second domaine dans lequel les collectivités peuvent espérer atteindre des économies d’énergie. L’Ademe estime ainsi que cela représente 37% de la facture d’électricité des collectivités, donc et 16% de toutes les consommations. Collectivité en charge de l’éclairage public des voiries, la commune – parfois l’intercommunalité et systématiquement la métropole – en porte la plus lourde charge. La consommation électrique totale des collectivités en éclairage représentant 13 TWh d’électricité chaque année, soit 3% de la consommation française totale, l’éclairage extérieur représenterait alors 6 Twh.

En considérant que l’usage des LED permet de réduire la consommation de 50 à 75% selon les options choisies, il devient alors vite évident que le gisement potentiel d’économie est énorme, surtout dans une perspective de décarbonation de la mobilité qui nécessite un passage vers une alimentation électrique des véhicules. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la conversion au led s’opère aussi dans l’éclairage intérieur, notamment dans les écoles où c’est là encore un très gros poste de dépense.

Pour autant, puisque cette énergie est déjà bas carbone, puisque le mix électrique français est l’un des moins émetteurs au monde, ce n’est pas la réduction de sa consommation qui va avoir un impact significatif. De plus, en raison de leur activité par définition nocturne, leur alimentation peut difficilement reposer sur l’énergie photovoltaïque. Et s’il existe des candélabres solaires, leur installation n’est rentable que hors agglomération, là où le réseau électrique n’est pas encore présent. En effet, le coût de remplacement des batteries – dont la durée de vie est estimée à 5 ans – est supérieur aux gains financiers de l’alimentation solaire. Pour l’heure, remplacer un candélabre déjà existant par son équivalent solaire n’est pas intéressant puisque la partie la plus coûteuse – l’implantation du mat – a déjà été faite. Ce n’est vraiment que pour un nouveau quartier, et donc pour s’économiser ces frais, qu’il peut être intéressant de penser au solaire.

Mais les quelques TWh qui pourraient être économisés en éclairage pourraient servir à recharger des véhicules électriques, voire éviter d’atteindre des pics de consommation dans l’hypothèse où le mix énergétique futur reposerait moins sur le nucléaire. Dès lors, devenu moins pilotable, il nécessiterait une priorisation des consommations. La baisse de consommation de l’éclairage public serait alors bienvenue pour permettre une meilleure répartition et favoriser la résilience énergétique locale.

Le bilan carbone de l’éclairage public

Il n’existe pas de véritable analyse de l’empreinte carbone de l’éclairage public. Les collectivités calculent sa contribution à leur budget carbone uniquement sur la base de la consommation électrique, pas de l’implantation des mâts et des travaux nécessaires en amont.

Source : Aubrilam

La seule référence dont nous disposons est l’analyse de cycle de vie réalisée par la société aubrilam pour son modèle de candélabre à fut en bois. En réduisant la quantité d’acier nécessaire – il n’en reste plus que pour le socle – elle réduit l’empreinte carbone de 65%. La société estime ainsi qu’elle émet 72.5 kg de co2 pour la fabrication de son candélabre, consommant 320 kwh et 300 litres d’eau. La différence avec un mât acier standard est frappante.

Mais il ne s’agit là que de l’analyse sur un mât de 5m. La plupart des candélabres étant plutôt à 8-10m, nous pouvons raisonnablement estimer que la différence devrait être de 50 à 60% en plus, ce qui ferait une empreinte carbone à 300 / 320 kg de co2 pour un candélabre standard. Une donnée qu’il faudra prendre en compte dans les bilans carbone à l’occasion du renouvellement du parc, tout en considérant un amortissement sur 30 ans. Il y a donc également un véritable intérêt environnemental à évaluer la pertinence de maintenir tous les points lumineux lors du renouvellement au vu de l’empreinte carbone d’un seul candélabre.

Attention au technosolutionnisme

Avant de conclure cet article, il semble pertinent de souligner que la modernisation de l’éclairage public peut aussi servir de cheval de troie à des technologies et designs de l’espace public qui ne sont pas forcément désirables. En effet, en vous dirigeant vers un éclairage LED en télégestion, vous rendez votre ville plus connectée, mieux intégrée à l’écosystème numérique dans lequel nous sommes intégrés depuis la généralisation d’internet dans la vie quotidienne. Cela n’est pas neutre pour la ville, contrairement à la croyance répandue en la neutralité de la technique. Ainsi, dans la continuité de ce qu’explique Eric Vidalenc dans son essai Pour une écologie numérique, les promesses environnementales de l’éclairage public connecté ne se réalisent pas toujours dans les faits.

Source : Vinci Energie

Les mâts de luminaires s’ouvrent à de nouveaux usages comme la vidéosurveillance, la recharge de véhicules électriques ou la pose de relais 5G. l’image ci-dessus décrit bien les différents usages que Vinci Energie imagine pouvoir concrétiser grâce à la systématisation de ces systèmes. Cette entreprise table en effet sur l’intensification de l’usage des réseaux d’alimentation et de télégestion pour les mettre à disposition d’autres usages, considérant que même en-dehors de leurs horaires d’utilisation, ces réseaux pourraient servir à ces autres activités et ainsi contribuer à faire émerger à moindre frais une smart city.

Il est tentant de considérer qu’un stationnement intelligent, qui indique sur une application les places disponibles à proximité des véhicules, pourra éviter de supprimer des places de parking. De même, une surveillance fine du réseau, de sa fluidité, alliée avec des bornes 5G de type small cell, sera indispensable au déploiement des véhicules autonomes. N’oublions pas non plus – et Alain Damasio le décrivait très bien dans Les Furtifs – qu’un dispositif réglementaire comme les Zones à Faibles Emissions (ZFE) conçues initialement pour lutter contre la pollution de l’air automobile pourraient très bien se transformer en système de contrôle d’accès aux différents espaces urbains en fonction des revenus des ménages.

L’éclairage public moderne, bas carbone et pouvant limiter les nuisances environnementales, est une nécessité. Pour autant, il présente aussi de gros risques pour les libertés publiques et la redirection de notre modèle vers une transition socialement juste.

Conclusion

La modernisation de l’éclairage public est une démarche qui peut s’engager indépendamment ou à travers des dispositifs comme le label cit’ergie ou les territoires à énergie positive. Ses bénéfices sont immédiats, puisqu’en réduisant la consommation d’énergie, elle baisse les dépenses de fonctionnement de la collectivité tout en augmentant ses capacités de financement. De plus, cela améliore le confort des habitants et protège la biodiversité contre les perturbation de son rythme circadien. Ces objectifs ont d’ailleurs été inscrits dans la loi par le législateur dans son décret contre les nuisances lumineuses.

Cette transformation est certes coûteuse, les luminaires LED et les modes de gestion adéquats (horloge astronomique ou télégestion) étant plus chers à l’achat. Mais il existe des aides pour aider à leur mise en place qui permettent d’espérer un taux de retour sur investissement inférieur à 5 ans, et donc d’augmenter très vite les sommes disponibles pour investir sur la transformation de son territoire.

Mais la vraie question à se poser avant tout est celle de la nécessité de l’éclairage public dans votre commune. Avant de remplacer tous les candélabres, peut-être serait il opportun d’en réduire le nombre, de revoir leur fonctionnement, leurs horaires. L’éclairage public ne semble pas créer de sécurité, mais suscite un risque environnemental. Le mieux, c’est d’en parler avec vos concitoyens.

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Nicolas Falempin

Cadre de la fonction publique territoriale spécialisé en protection de l'environnement.  Mélange droit public, transition écologique et tasses de café pour créer un blog concret sur la transition des territoires.

Une réflexion sur “Adapter l’éclairage public aux enjeux environnementaux

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